Portugal : un an après le départ de la troïka, la population paient toujours le prix de l’austérité

9beef0b358787114a52a20ed9ada2db2abd2e5a1.jpg
Une rue de Lisbonne (Photo : Dimitar Dilkoff)

[17/05/2015 10:03:30] Lisbonne (AFP) Un an après s’être affranchi de la tutelle de ses créanciers internationaux, le Portugal a réussi à redresser son économie, mais cette embellie encore fragile tarde à profiter à la population, durement éprouvée par l’austérité.

Déficits sous contrôle, chiffres record du tourisme, reprise du marché immobilier, hausse des exportations et de l’investissement… les principaux indicateurs sont au beau fixe, et le gouvernement table sur une croissance de 1,6% cette année.

A cinq mois des élections législatives, le gouvernement de centre droit multiplie les messages rassurants: “plus que jamais, je suis convaincu que la voie que nous avons empruntée est celle qui doit être poursuivie”, a assuré samedi le Premier ministre Pedro Passos Coelho.

Accusé par l’opposition de gauche d’avoir appliqué avec trop de zèle les remèdes de la troïka et d’être “plus allemand que la chancelière Angela Merkel”, le gouvernement persiste à privilégier la réduction des déficits budgétaires.

Le départ des inspecteurs de la troïka des créanciers (UE-FMI-BCE), célébré en grande pompe le 17 mai 2014, aura permis au Portugal de récupérer sa souveraineté, sans toutefois mettre fin aux sacrifices.

“Les chiffres sont meilleurs, mais la vie des Portugais n’a guère changé. Un an après l’ère de la troïka, le miracle économique relève du mirage”, commente à l’AFP Domingos Amaral, professeur d?économie à l?Université catholique de Lisbonne.

“Le chômage reste élevé, la dette publique aussi et les impôts sont à leur plus haut historique. La croissance est encore timide. Et les Portugais continuent à émigrer”, énumère-t-il.

Au bord de la faillite, le Portugal avait obtenu en 2011 un prêt international de 78 milliards d’euros. En contrepartie, le gouvernement a imposé une sévère cure de rigueur, taillant dans les salaires, retraites et prestations sociales.

Près d’un Portugais sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, avec un revenu inférieur à 411 euros par mois. Le chômage a certes fléchi, mais frappe toujours 13,7% de la population active et 34,4% des jeunes.

– Chômeurs sans espoir –

“Rien n’a changé pour moi depuis le départ de la troïka. J’ai perdu mon emploi au début de la crise en 2009 et j’ai peu d’espoir d’en retrouver”, témoigne Carlos Navarro, 48 ans, ancien joaillier venu pointer dans un centre d’emploi à Lisbonne.

Divorcé et père de deux filles, il n’a plus droit aux allocations chômage. Il vit de petits boulots et touche désormais le revenu minimum d’insertion, qui n’a pas été épargné par les coupes. “Je gagne 348 euros par mois, soit 40 euros de moins qu’avant”, dit-il.

Devenu impopulaire dans son pays, le gouvernement a su cependant gagner la confiance des investisseurs étrangers, toujours prompts à souscrire des titres de dette du Portugal.

Le pays était sorti de son plan de sauvetage dans un contexte marqué par une brusque descente des taux d’emprunt qui lui a permis de se financer sans encombre sur les marchés.

Signe de l’amélioration des comptes, Lisbonne a déjà remboursé par avance au Fonds monétaire international près d’un quart de sa dette de 29,6 milliards d’euros et a promis de régler le reste.

Toutefois, “la reprise est toujours très fragile et due en partie à des facteurs externes, comme la baisse des prix du pétrole et de l’euro”, prévient Joao Cesar das Neves, professeur d’économie à l’Université catholique de Lisbonne.

Si le déficit public a pu être ramené à 4,5% du PIB en 2014, la dette s’est encore accrue, atteignant 130,2% du PIB, soit un taux bien supérieur à celui de 2011.

Des inquiétudes persistent aussi concernant le secteur bancaire, qui avait été ébranlé en août par la débâcle du groupe Espirito Santo, dont la dette vertigineuse avait échappé à la vigilance de la troïka.

Pour M. das Neves, sa chute “reflète le manque d’assainissement toujours perceptible dans de vastes pans de l’économie portugaise, surtout ceux proches de l’Etat”.