S’attaquer aux retraites chapeau : un travail compliqué de ciblage en vue

513c7c92758af8a628deda7f97af1855816b8b5b.jpg
ésident de la commission des Affaires économiques du Sénat, Claude Lenoir, à Paris le 19 novembre 2014 (Photo : Eric Piermont)

[22/11/2014 09:45:46] Paris (AFP) En s’attaquant aux retraites chapeau jugées excessives de certains grands patrons, le gouvernement ouvre un chantier complexe où il devra éviter les écueils de tentatives passées qui ont pénalisé les bénéficiaires modestes de ces systèmes de retraite plus anciens que la Sécurité sociale.

Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a annoncé mardi devant les députés son intention de “supprimer les retraites chapeau”. Il a ensuite précisé le lendemain devant la même assemblée qu’il voulait “déboucher rapidement sur des mesures” avec l’intention de les intégrer par voie d’amendement dans sa loi pour l’activité et la croissance, qui doit être débattue au printemps.

Cette polémique récurrente en France avait ressurgi dans les semaines et jours précédents, avec le dépôt d’une plainte le 17 novembre par la CFE-CGC sur la retraite chapeau versée à l’ancien PDG de France Télécom, Didier Lombard.

Et le 23 octobre, le syndicat CGT de GDF Suez avait demandé “des comptes” au groupe gazier sur les “modalités de retraite hors de l’entendement” de son président, Gérard Mestrallet. Sa retraite chapeau — financée par son entreprise en supplément de celle de la Sécurité sociale et des régimes complémentaires — lui assurera à elle seule 831.641 euros par an à son départ prévu en 2016.

M. Macron a commandé un rapport à l’Inspection générale des finances en coopération avec l’Inspection générale des affaires sociales pour réformer ce système, attendu avant la fin de l’année.

Il n’est pas le premier à déclarer la guerre à ces “retraites supplémentaires d’entreprise à prestation définies”, financées par la seule entreprise et dont le niveau est garanti à l’avance.

En 2010, à la suite de scandales médiatiques, le Premier ministre de l’époque François Fillon avait fortement alourdi la fiscalité, pour le retraité, par une surtaxe et, pour l’entreprise, par un quadruplement des taux appliqués et une surtaxe pour les retraites élevées.

Mais “les retraites des grands dirigeants échappent dans la plupart des cas à la taxe mise en place, ce qui est un comble, car leurs +retraites chapeau+ ne sont tout simplement pas liées à l’achèvement de la carrière dans l’entreprise mais à la fin de leur mandat social”, déclare dans son livre blanc 2014-2015 l’Association de défense des retraites supplémentaires d’entreprise (Adrese).

La surtaxe s’appliquait aux régimes soumis à cet aléa de l’achèvement de la carrière dans l’entreprise, a expliqué à l’AFP son vice-président, François Bellanger, aussi président de la Confédération française des retraités. “Il a raté sa cible”, a-t-il lancé, “il a entraîné dans un régime de taxation extrêmement pénalisant des gens qui n’ont rien à voir avec les mandataires sociaux”.

Le code d’éthique édicté par les organisations patronale Apef et Medef — qui n’a pas de caractère obligatoire — préconise que le versement de ces retraites soit conditionné à l’achèvement de la carrière dans l’entreprise et limité à 45% du revenu de référence.

Surnommées aussi “article 39”, du nom de l’article du code des impôts dont elles relèvent, ces retraites supplémentaires bénéficiaient en 2012 à 205.000 retraités pour des montants en majorité très modestes, avec une moyenne de 5.901 euros par an, selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), qui dépend des ministères sanitaires et sociaux. Et, selon l’Adrese, un million de salariés en activité sont concernés.

M. Macron a jugé, lorsqu’il a fait sa première déclaration à ce sujet, que le principe de la retraite chapeau était “défendable” dans d’autres cas que celui des grands patrons: “je ne veux pas avoir un discours simpliste qui conduirait à inquiéter certains Français”, avait-il déclaré.

Mais le système va de toute façon “peu à peu s’étioler” du fait des mesures fiscales mises en place, a estimé le commissaire général à l’investissement, Louis Schweitzer.

Certains y renoncent, comme Air France en 2013 pour tous ses dirigeants, en réponse à des syndicats qui dénonçaient un régime “choquant”. La même année le PDG de PSA de l’époque, Philippe Varin, avait abandonné une retraite chapeau de 21 millions d’euros, alors que le groupe était dans une situation financière difficile.