Le cas Amazon divise le monde de l’édition réuni à Francfort

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Des visiteurs de la Foire du livre de Francfort, le 9 octobre 2014 (Photo : Daniel Roland)

[11/10/2014 10:12:05] Francfort (AFP) Grand absent de la Foire du livre de Francfort, où il ne disposait d’aucun stand, le géant de la distribution en ligne Amazon, contesté pour ses pratiques hégémoniques, était pourtant au centre des débats.

Le groupe américain avait projeté son ombre dès mardi sur le premier rendez-vous mondial des professionnels de l’édition, en annonçant le jour de son inauguration le lancement en Allemagne d’une offre “Kindle Unlimited”, un service de lecture à volonté contre un abonnement mensuel modique.

“Nous craignons une concurrence déloyale sur les prix ainsi que sur les honoraires des auteurs via ce service”, a dénoncé l’écrivain autrichien Gerhard Ruiss.

“Amazon n’a pas en Europe le marché qu’il aimerait avoir, c’est la raison de ce nouveau pas, il veut gagner plus de parts de marché”, estimait cet auteur, l’un des quelque 2.000 signataires d’une pétition épinglant le géant américain pour son boycott des produits du groupe d’édition scandinave Bonnier, très présent en Allemagne, avec lequel il est en conflit.

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ôt du géant de la distribution en ligne Amazon à Leipzig (Photo : Peter Endig)

Cette initiative fait écho à celle de plus de 900 auteurs américains qui ont demandé à Amazon de mettre fin à son bras de fer sur le prix des livres électroniques avec la filiale américaine de l’éditeur français Hachette.

Les conditions de travail et de salaire sur les sites du distributeur sont par ailleurs régulièrement pointées du doigt par les médias et syndicats allemands.

– Enquête à Bruxelles –

“Je boycotte Amazon depuis vingt ans et je ne vois aucune raison d’acheter sur Amazon”, a lancé lors d’une conférence une auditrice dans le public.

“Amazon permet à des petits auteurs givrés d’être publiés et de trouver leurs lecteurs. Ce n’est pas Amazon qui a cassé le marché du livre, mais les grandes maisons d’édition qui ont petit à petit brisé les petites”, estimait une autre.

En Allemagne, la part de marché du groupe fondé par Jeff Bezos dans la vente en ligne de livres est estimée entre 50 et 70%. Une position souvent considérée comme un quasi-monopole.

“Durant les dernières années, nous avons beaucoup investi et nous avons appris, même d’Amazon. (…) C’est un compétiteur, dont nous n’avons pas peur”, assure pourtant Alexander Skipis, directeur général de la Fédération allemande du Commerce du livre.

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érence de presse concernant le géant américain de la distribution en ligne Amazon, le 7 octobre 2014 à Bruxelles (Photo : John Thys)

Mais le groupe américain “profite d’avantages concurrentiels déloyaux, il est installé au Luxembourg où la TVA est faible et il utilise sa position dominante pour faire du chantage sur les éditeurs”, accuse-t-il.

La Commission européenne a d’ailleurs annoncé mardi l’ouverture d’une enquête approfondie concernant de possibles avantages fiscaux indus accordés par le Luxembourg au géant américain.

– Diversité culturelle –

“Je n’exclus pas qu’Amazon finisse par accroître la diversité culturelle”, pointe toutefois Dieter Schnaas, journaliste pour le magazine économique allemand Wirtschaftswoche.

“Il ne pénalise pas les consommateurs, bien au contraire, cette évolution se fait en faveur des consommateurs. (…) Lorsque j’entends des appels en direction des décideurs politiques à agir contre Amazon, je pense qu’il faut être très prudent”, estime-t-il.

Martin Shepard, co-directeur de la maison d’édition américaine The Permanent Press, qui publie chaque année une douzaine d’ouvrages, est un fervent supporter du distributeur américain.

“C’est assez facile lorsqu’on est un auteur reconnu et soutenu par un grand éditeur de s’attaquer à Amazon”, mais ce dernier traite généralement ses partenaires beaucoup mieux que d’autres acteurs du secteur, explique-t-il.

“Lorsque l’une des grandes maisons d’édition se plaint d’être traitée injustement par Amazon, c’est probablement une bonne chose pour la plupart des petits éditeurs indépendants”, assure-t-il.