Des fèves aux tablettes, les pionniers du chocolat de luxe au Vietnam

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èves de cacao dans le dictrict de Go Cong Tay le 18 novembre 2013 (Photo : Hoang Dinh Nam)

[09/02/2014 11:01:27] Ho Chi Minh-Ville (AFP) Au fin fond du delta du Mékong, deux Français plongent le nez dans un sac de fèves de cacao, avant de refaire surface, visiblement séduits. Ces fins connaisseurs sont les premiers artisans chocolatiers du Vietnam.

Les deux entrepreneurs, qui ont créé en 2011 leur chocolaterie, Marou, sélectionnent avec un soin tout particulier la matière première de leurs tablettes.

Odeur, couleur, texture, goût. Chaque élément a son importance pour imaginer la qualité du futur chocolat.

“Quand nous avons commencé, les agriculteurs pensaient que nous étions fous”, raconte en mordillant un morceau de fève Vincent Marou, l’un de ces deux “faiseurs de chocolat”.

“Maintenant, ils testent les fèves aussi”, poursuit le Français qui repartira avec trois des quatre sacs de cacao séché et fermenté passés au crible chez Vo Than Phuoc, agriculteur de 64 ans. Un achat au prix fort, signe de la qualité des fèves.

Le cacao a probablement été introduit au Vietnam par les colonisateurs français à la fin du XIXe siècle, sans jamais véritablement décoller.

Mais, alors que la demande augmente, l’industrie mondiale lorgne désormais sur le pays communiste, notamment pour compenser la baisse attendue de la production des fournisseurs traditionnels comme la Côte d’Ivoire..

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à Marou, le 18 novembre 2013 (Photo : Hoang Dinh Nam)

L’industrie du chocolat cherche “désespérément à diversifier” ses sources pour minimiser les risques en cas de chute de la production liée au vieillissement des arbres ou aux troubles politiques, explique Chris Jackson, chef économiste de la Banque mondiale à Hanoï.

Le pays communiste produit quelque 5.000 tonnes par an, loin des exportations ivoiriennes de 1,4 million, selon l’Organisation internationale du cacao.

Mais si sa production se développe, “le Vietnam a une place à prendre en tant de producteur moyen de fèves de qualité”, relève Gricha Safarian, directeur de Puratos Grand-Place, une joint-venture belge qui produit la majorité du chocolat utilisé au Vietnam dans les hôtels, boulangeries ou glaciers, et exporte du chocolat et des fèves de qualité.

“D’année en année, le marché va être plus porteur pour ces fèves de qualité en raison de cette pénurie annoncée” et d’une demande de chocolat de qualité en hausse, en particulier en Asie, poursuit celui qui travaille dans l’industrie vietnamienne du chocolat depuis vingt ans.

Et le chocolat vietnamien se démarque sur ce marché, avec “un profil de saveur différent” de la fève africaine, insiste-t-il.

“A un carrefour”

Le pays espère multiplier par cinq sa production de cacao d’ici 2020.

Mais, encore embryonnaire, le secteur est “à un carrefour” et doit un choix entre qualité ou quantité, note Vien kim Cuong, de l’ONG suisse Helvetas, qui travaille avec des planteurs de cacaoyers.

Le pays est connu pour ses exportations de produits agricoles bon marché, comme le café robusta. Mais Marou et Puratos Grand-Place veulent pousser le gouvernement à développer le haut de gamme.

“Nous transformons un produit agricole, du cacao plus du sucre, en un chocolat de grande qualité”, souligne Safarian.

Ce chocolat “made in Vietnam” approvisionne de grands restaurants, de Paris à Tokyo.

Marou, qui exporte depuis son usine d’Ho Chi Minh-Ville près de deux tonnes de chocolat par mois vers une quinzaine de pays, a également réussi à positionner ce chocolat 100% vietnamien aux notes fruitées ou épicées sur un marché dominé par des géants comme Kraft ou Ferrero.

Le chocolat industriel peut “manquer incroyablement d’âme”, commente son autre co-fondateur Samuel Maruta.

D’ailleurs, ce que les principaux acheteurs réclament désormais, ce sont des fèves “certifiées”, respectant certaines règles, notamment en termes d’utilisation de pesticides.

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ère chocolaterie du Vietnam, le 18 novembre 2013 (Photo : Hoang Dinh Nam)

“Le Vietnam va jouer un rôle en fournissant des fèves certifiées de qualité à Mars”, qui forme des agriculteurs locaux et travaille sur de nouveaux crus de cacao, explique ainsi Dinh Hai, représentant du géant mondial dans le pays.

L’Indonésie, seul autre pays à s’être lancé dans le cacao ces dernières années, a elle choisi l’option d’une grande quantité de fèves non fermentées et de basse qualité.

Ironiquement, les plus difficiles à convaincre de la qualité du chocolat vietnamien sont les Vietnamiens eux-mêmes, qui ne font pas encore confiance à la production locale, note Safarian.

“Ça va changer”, assure-t-il. “Je suis dans ce secteur depuis 30 ans, et je n’ai encore jamais rencontré quelqu’un qui n’aime pas le chocolat à la première bouchée”.