Anniversaire de l’assassinat de Chokri Belaid : C’était le 6 février 2013

Le 6 février 2013. Un matin gris et pluvieux, triste et hivernal qui s’élève sur Tunis. La nouvelle tombe très tôt le matin! Chokri Belaïd, le sémillant leader du WATAD à la célèbre moustache, vient d’être la cible d’un attentat terroriste. Il meurt de ses blessures en arrivant à l’hôpital!

tunisie_directinfo_chokri-belaid-680.jpgC’est une vraie bombe qui éclate en face du gouvernement de la Troïka, en crise depuis quelques mois. C’est une triste nouvelle pour le peuple tunisien qui ne connaissait pas d’attentats terroristes et qui avait oublié les assassinats politiques depuis la dernière en date, celle de Salah Ben Youssef au début des années 60!

Le pouvoir islamiste chavire, surtout que tous les indices désignent les exécuteurs parmi les salafistes d’Ansar Chariaa et que les accusations de complicité pointent le Mouvement Ennahdha et son aile dure qui avait, à plusieurs reprises, accusé Belaïd d’apostasie.

Tandis que l’assassinat du leader du Front Populaire déchaînait les passions et faisait sortir dans la rue une foule immense pour les funérailles du «martyr de la nation», le président du gouvernement, Hamadi Jebali, va surprendre tout le monde en effectuant une sortie en flèche et annonçant que la Troïka a bel et bien échoué et qu’il faut immédiatement former un gouvernement de technocrates indépendants pour gérer le dossier sécuritaire et pour préparer les élections. Et Jebali d’ajouter qu’il présentera sa démission si cette sortie de crise n’est pas adoptée par la majorité!

Les exigences de Jebali resteront lettres mortes et il démissionnera pour être immédiatement remplacé par Ali Laarayedh qui composera un deuxième gouvernement de la Troïka avec les mêmes partis en incluant soi-disant des indépendants aux ministères régaliens.

L’opposition n’a pas pu aller plus loin dans sa pression sur les islamistes et leurs alliés d’Ettakatol et du CPR, mais l’atmosphère politique, sécuritaire et économique du pays est tendue au maximum surtout que les craintes des attentats et le manque d’informations sur les assassins de Belaïd ajoutent au marasme!

Le coup de grâce viendra quelques mois plus tard quand, le 25 juillet, le membre de l’ANC et leader du Front Populaire, Mohamed Brahmi, est assassiné, lui aussi, à la Cité el Ghazala devant sa maison. Le même mode opératoire et la même arme sont utilisés une deuxième fois. Le scandale est total et le Gouvernement de la Troïka 2 est décrié par toutes les forces de la nation.

Une soixantaine des membres de l’ANC annoncent la suspension de leur participation aux travaux de l’Assemblée et un sit-in gigantesque est organisé devant l’ANC au Bardo et dans certaines grandes villes.

Le pays est paralysé totalement. Cette fois l’opposition ne laisse pas l’occasion lui échapper. Un Front national de salut est vite constitué, regroupant le Front Populaire, l’influent Nidaa Tounes, le Parti Républicain, El Massar, avec d’autres partis moins importants.

Les exigences sont simples claires et sans appels. Tout le processus et les pouvoirs issus du 23 octobre ont perdu leur légitimité et doivent démissionner, selon l’opposition. Un nouveau gouvernement non partisan doit être formé, l’ANC, et le président de la République doivent être révoqués. Les partis de la Troïka crient au coup d’Etat. Il faut dire qu’entre temps, le pouvoir des islamistes en Egypte est balayé par la foule et par l’armée venue à la rescousse. Certains sont tentés, côté tunisien, d’y voir une sortie pour le pays, mais les données sont différentes sur le terrain.

Rapidement, la société civile se mobilise en dehors et en parallèle à la société politique, trop obnubilée par ses querelles et ses idéologies.

La société civile tunisienne, représentée principalement par l’UGTT, l’UTICA, l’Ordre des avocats et la LTDH, se mobilise autour des propositions de sortie de crise élaborées par l’UGTT et qui reprennent en gros les exigences de l’opposition sans aller jusqu’à la table rase de tous les pouvoirs. Ils réclament un nouveau gouvernement des technocrates non partisans, un calendrier contraignant pour la fin de la Constitution, un processus électoral clair.

Après presque 5 mois de crise et des blocages du parti Ennahdha, celui-ci finit par lâcher prise au milieu du mois de décembre. La Constitution est terminée fin janvier et un nouveau gouvernement est formé.

Ainsi, le sacrifice majeur de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi n’a pas été vain!

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