Derrière les paillettes de Cannes, le cinéma européen confronté à l’austérité

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écembre 2010 à Paris (Photo : Miguel Medina)

[12/05/2013 10:02:59] PARIS (AFP) Au moment où s’ouvre le festival de Cannes, son faste et ses paillettes, le cinéma européen est comme le reste de l’économie confronté aux politiques d’austérité budgétaire, qui affectent le financement public ou celui des chaînes de télévision.

“Il y a beaucoup de nuages qui planent sur le financement du cinéma de manière globale et internationale”, a indiqué à l’AFP Eric Garandeau, président du Centre national du cinéma (CNC). “Dans certains pays c’est la crise générale, avec parfois des politiques publiques qui disparaissent.”

Cette année, six films français sont en compétition à Cannes, un italien et un néerlandais, mais l’Espagne notamment est aux abonnés absents. La faute à un cinéma affaibli par la crise?

“On ne peut pas établir de relation mécaniste entre la crise et la capacité à produire des oeuvres. Mais quand le contexte économique devient aussi difficile, ce sont des sociétés qui ferment, donc toute une tradition de métiers qui est remise en cause”, souligne Laurent Creton, directeur de l’Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel (IRCAV).

Particulièrement touchée, l’industrie du cinéma espagnole, qui souffre traditionnellement du piratage, connaît des difficultés supplémentaires liées à la crise. Le budget des aides publiques au cinéma, qui s’élevait à 123 millions d’euros en 2010, s’est effondré à 55 millions en 2013. La TVA sur le prix des entrées de cinéma est elle passée du taux de 8% à celui de 21% en septembre 2012, avec un effet sur la fréquentation des salles.

“Si la production cinématographique ne trouve pas de nouvelles sources de revenus, de nombreux projets seront paralysés et ce sera une grande perte pour la création culturelle en Espagne”, s’est inquiété le président de la fédération des cinémas, Juan Ramon Gomez Fabra.

Signe de ces difficultés, la société de distribution, exploitation et production Alta Films, spécialisée dans le cinéma indépendant, a annoncé son dépôt de bilan. Une nouvelle accueillie avec “une grande émotion” par l’Association française des exportateurs de films (Adef), qui y a vu un effet de “l’absence de soutien politique espagnol au cinéma” ou de “la décision des télévisions publiques et privées de ne plus acheter de films d’auteur”.

“Secteur dévasté”

Autre pays touché, l’Italie, où les tours de vis budgétaires on entraîné en 2013 de nouvelles coupes dans les financements publics du 7e art. En février, le gouvernement a encore diminué de 4 millions d’euros l’enveloppe de ces fonds pour 2013, qui est passée à 72,4 millions.

L’Association nationale des industries cinématographiques et audiovisuelles (ANICA) a dénoncé “le fait qu’on continue à frapper un secteur déjà dévasté par les réductions continuelles de l’investissement public”.

La France, elle, “reste privilégiée” selon les mots d’Eric Garandeau, du fait d’un système de financement robuste. Mais le CNC a cependant dû se serrer la ceinture et reverser 50 millions d’euros à l’Etat en 2012 pour participer à l’effort budgétaire, avec un autre prélèvement prévu en 2013.

Quant aux investissements des chaînes de télévision dans les films agréés par le CNC, ils ont diminué de 5,4% en 2012. Et France Télévisions, confrontée à une baisse de ses dotations publiques, va devoir diminuer son investissement dans le cinéma de 3 millions d’euros en 2013, à 57 millions.

Même la vertueuse Allemagne est touchée. Fin avril, 13 fédérations professionnelles de l’industrie cinématographique allemande – producteurs, réalisateurs… – ont lancé un appel aux chaînes publiques de télévisions ARD et ZDF pour que 3,5% des 7 milliards de redevances collectées soient consacrés durablement à la production de longs métrages.

Le cinéma allemand s’inquiète de financements qui risquent de fondre. La responsable des programmes télévisés de la chaîne régionale bavaroise BR, Bettina Reitz, a d’ores et déjà averti qu’à l’avenir “il n’y aura certainement pas plus, mais plutôt moins, voire sensiblement moins, de projets cinématographiques” financés.

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