Tunisie – Journée mondiale de la liberté de la presse : Un faisceau de menaces !

 

journee-liberte-presse-2013.jpgPrésence d’un article (121) de la Constitution prévoyant une instance qui ressemble comme deux goutes d’eau au ministère de l’Information, non application des décrets-lois n°115 et 116, saccage des locaux d’«Al Hiwar Attounsi», agression de journalistes… La liberté de presse est, selon certains, encore, en danger en Tunisie!

Réunies le 29 avril 2013, à Tunis, au siège du SNJT (Syndicat national des journalistes tunisiens), sept organisations tunisiennes, dont la LTDH (Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme), ont décidé de la coalition civile pour la défense de la liberté d’expression.

Décidée à quelques jours de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse (3 mai), cette coalition a valeur de symbole. Elle en dit long, selon ses promoteurs, sur les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la liberté d’expression en Tunisie.

Pourtant, la Révolution tunisienne a bien libéré le pays du joug d’une dictature qui n’a que trop duré (23 ans). Et qui a bâillonné les médias. Un vécu que de nombreux témoignages ont passé au crible depuis le 14 janvier 2011, date de la révolution tunisienne.

Parmi lesquels, le rapport établi, en avril 2012, par l’INRIC (Instance nationale de réforme de l’information et de la communication), instance créée pour assurer une mutation vers une presse libre. Avec au programme: réaliser un état des lieux et des propositions concernant le devenir des médias tunisiens.

La HAICA n’est toujours en place

Cette instance, qui a mis fin, en juillet 2012, à ses activités, compte parmi les institutions les plus critiques sur l’évolution des médias tunisiens depuis l’installation de la «Troïka» (Ennahdha, le CPR -Congrès Pour la République- et Ettakatol) au pouvoir en décembre 2011.

Le président de cette instance, Kamel Laabidi, a, d’ailleurs, soutenu, le 26 avril 2013, dans une déclaration à la radio Express FM, que la liberté de la presse est aujourd’hui bel et bien menacée, mettant en exergue l’article 121 de la Constitution proposée au vote de l’ANC (Assemblée nationale constituante) qui prévoit, selon lui, le retour de la «censure» par le biais de la création d’une instance pour les médias qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un ministère de l’Information.

Outre cet article, les critiques faites au gouvernement de la Troïka concernent un projet de loi prévoyant des peines allant de 3 mois à 3 ans de prison à l’encontre de quiconque critiquerait le président de la République.

Quid de l’application des décrets-lois n°115 et 116 relatifs à la liberté de la presse écrite (pour le premier) et à celle de l’audiovisuel (pour le second) du 2 novembre 2011? Le gouvernement a pourtant annoncé, le 17 octobre 2012, le jour de la grève générale des journalistes, qu’il les appliquera.

Pour l’heure, notamment la HAICA (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle), prévue par le décret-loi n°116, n’a pas été mise en place. Un blocage semble exister du fait du refus de la désignation du candidat proposé par le SNJT.

Le gouvernement souhaite-t-il jouer la montre en vue d’avoir les mains libres en ce qui concerne la gestion notamment de l’audiovisuel public? Certains le pensent parmi ceux qui ont critiqué, en juillet 2012, le limogeage du directeur d’Al Watanya 1 et la nomination des directeurs des deux chaînes publiques de télévision (Al Watanya 1 et Al Watanya 2).

Des «méthodes qui rappellent celles de l’ancien régime»

L’organisation Reporters Sans Frontières a, alors, dénoncé «l’absence de mécanisme de consultation réglementant les licenciements et les nominations à la tête de l’audiovisuel public en Tunisie». En ajoutant que l’on est là en présence de «méthodes qui rappellent celles employées par l’ancien régime». Comprenez celles du régime déchu de Ben Ali.

Autre exemple qui prouverait le non empressement du gouvernement à appliquer ces deux textes : le retard pris dans la mise en place de la Commission nationale pour l’octroi de la carte de journaliste professionnel. La validité de cette carte 2012, octroyée par une structure administrative et non pas par cette commission, vient de nouveau d’être prolongée de trois mois (mai-juillet 2013).

Bien plus : des médias et des journalistes affirment avoir été attaqués sans que les autorités aient fait toute la lumière sur ces attaques. C’est le cas de la chaîne «El Hiwar Ettounsi», dont le patron, Taher Ben Hassine, est membre de Nidaa Tounes.

Les locaux de cette chaîne, dans le gouvernorat de La Manouba, avaient été saccagés, dans la nuit du 26 au 27 mai 2012, détruisant des équipements dont la valeur est estimée à 200.000 dinars.

Pas plus tard que le 28 avril 2013, le journaliste Slim Bagga, directeur du bimensuel «L’Audace», a affirmé avoir été agressé, à son domicile à Sidi Bou Saïd, dans la banlieue nord de Tunis, par des voyous, qui lui ont dérobé trois dinars, et ont essayé de … le violer.

Le journaliste Zied El Henni, figure de proue du SNJT, qui a résisté aux affres du régime Ben Ali, a affirmé avoir été agressé, à Tunis, le 14 janvier 2012, jour de célébration du deuxième anniversaire de la Révolution, sur l’Avenue Bourguiba, par des membres des LPR (Ligues de Protection de la Révolution), soupçonnées d’être des milices du parti Ennahdha.

Et des hommes des médias comme Soufiane Ben Farhat, de la radio Shems Fm, Hamza Belloumi, de Nessma Tv, et Heythem Mekki, de la radio Mosaïque Fm, ont affirmé avoir reçu des menaces de mort. Des informations –vraies ou fausses- ont, du reste, circulé, en février 2013, sur la présence de journalistes sur une liste de «personnes à abattre».