Moody’s cueille la zone euro à froid et met Berlin dans l’embarras

[24/07/2012 09:34:43] BERLIN (AFP) La zone euro était cueillie à froid mardi par l’avertissement de l’agence Moody’s à trois pays dont l’Allemagne, qui doute plus que jamais de son engagement face à la crise de la dette, et qui reçoit en soirée le ministre espagnol de l’Economie.

L’agence a annoncé lundi soir qu’elle abaissait à “négative” la perspective de l’Allemagne mais également des Pays-Bas et du Luxembourg. Elle ouvre ainsi la porte à une possible perte par ces trois pays de leur note “Aaa”, la meilleure possible.

La Finlande, désormais seule avec cette note et une perspective stable parmi les 17 Etats de la zone euro, n’a pas manqué mardi de se féliciter de cette marque de “forte confiance”.

L’avertissement lancé aux trois autres pays n’a toutefois pas provoqué la panique des investisseurs mardi. En début de matinée les places européennes étaient stables ou en légère baisse, mais restaient sous tension.

Berlin a répondu sur un ton légèrement critique à Moody’s.

“Cette estimation met surtout en avant les risques à court terme, alors que les perspectives de stabilisation à long terme restent non mentionnées”, a déploré le ministère des Finances, qui qualifie de toujours “solide” la situation allemande.

Le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker a lui déclaré dans un communiqué que les “fondamentaux” des trois pays visés étaient sains.

Pour Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg, il est “improbable que les coûts d’emprunt de l’Allemagne augmentent”, le pays continuant à faire office de refuge dans une zone euro à la conjoncture chancelante.

L’activité du secteur privé s’y est à nouveau contractée en juillet, et les suppressions d’emplois ont atteint de leur côté leur plus haut niveau en deux ans et demi, selon une première estimation de l’indice PMI publiée mardi.

Mais selon M. Schulz, l’avertissement “affaiblit la stratégie de crise du gouvernement allemand”, premier contributeur à tous les plans d’aide.

Cela tombe mal pour la chancelière Angela Merkel, confrontée à une fronde euro-sceptique de deux partis alliés, les libéraux du FDP et les Bavarois de la CSU, malmenés dans les sondages. Elle est aussi régulièrement rappelée à l’ordre par la Cour constitutionnelle sur sa politique européenne.

Le quotidien de centre-droite Frankfurter Allgemeine Zeitung a jugé dans un éditorial que l’annonce de Moody’s arrivait “pile au bon moment” pour rappeler à l’Allemagne “qu’elle préjugerait de ses forces en aidant davantage les pays du Sud”.

Comme par exemple la Grèce, qui doit accueillir à partir de mardi la “troïka”. Ce groupe de représentants de l’Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne doit évaluer l’avancement des réformes imposées en échange de l’aide octroyée. De son verdict dépend la poursuite des versements du plan de sauvetage en cours.

La Grèce le dispute à l’Espagne dans la liste des pays qui inquiètent le plus les marchés, alors que le ministre espagnol de l’Economie, Luis de Guindos, est attendu à Berlin dans la soirée, mardi.

Madrid, qui bénéficie déjà d’une enveloppe de 100 milliards d’euros pour recapitaliser ses banques, voit malgré tout s’envoler ses coûts d’emprunt.

Elle envisage de recourir à un “planplan de sauvetage global assoupli” avec une ligne de crédit, pour faire face à une échéance de quelque 28 milliards d’euros en octobre qu’elle ne pourra honorer, affirme mardi le journal El Economista.

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à Saint Jacques de Compostelle (Photo : Miguel Riopa)

Le ministère allemand des Finances se refusait absolument à tout commentaire sur l’ordre du jour de la rencontre entre M. de Guindos et le ministre allemand Wolfgang Schäuble. Aucune conférence de presse n’était prévue.

Jusqu’ici l’Allemagne affirme que l’Espagne n’a besoin de soutien que pour renflouer ses banques.

La positionposition française est plus nuancée : “J’espère qu’il ne sera pas nécessaire de ré-intervenir (pour l’Espagne). S’il faut ré-intervenir, ça peut être une augmentation des +pare-feux+, c’est-à-dire des protections, ou des interventions de la Banque centrale”, a déclaré mardi le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.