Introduction au “développement régional en Tunisie, de Bourguiba à Ben Ali“* (Première partie)

Par : Tallel

Jamais, depuis cette journée historique du 14 Janvier 2011, le développement
régional n’a été, dans le discours comme dans l’imaginaire tunisien, autant
symbolique de toutes les formes de misère humaine dans cette Tunisie dite
’profonde’. Une misère que les régimes au pouvoir, six décennies durant, de
Bourguiba à Ben Ali, s’étaient donnés pourtant pour mission prioritaire de
combattre et d’éradiquer. Ce tournant du 14 Janvier 2011 est majeur, à plusieurs
égards.

Il signifie, d’abord, que la promotion prioritaire du développement régional est
désormais élevée au rang d’une des valeurs fondamentales de la révolution
tunisienne, au même titre que le droit à la dignité, le droit à la liberté, le
droit à l’égalité, le droit à la justice. La primauté du développement régional
n’aurait-t-elle pas ainsi acquis une légitimité toute révolutionnaire? Celle de
figurer dans le préambule de la nouvelle Constitution du pays, ou pour le moins,
dans celui d’un ‘Pacte républicain’, qui définirait les choix et les valeurs
fondateurs de la société tunisienne de demain.

Il signifie, ensuite, que le succès ou l’échec des stratégies de développement
nationales futures ne seront plus appréciés uniquement, à l’aune des critères
prescrits par l’économie de marché, et la ‘bonne gouvernance’ libérale. Mais le
succès et l’échec seront mesurés aussi à l’aune du rythme de convergence des
conditions de vie des citoyens tunisiens les plus démunis vers celles de leurs
concitoyens les plus nantis. Une rupture de taille dans la pensée et dans la
pratique du développement en Tunisie, depuis le tournant du ‘Changement du 7
Novembre 1987’.

La réflexion que nous consacrons dans ce papier au développement régional en
Tunisie: son passé, son présent et son devenir nous paraît d’autant plus
opportune que ce temps postrévolutionnaire tunisien, ‘vieux’ déjà de six mois,
est envahi, plus que jamais par l’espérance et la désespérance, la joie des
libertés retrouvées et la crainte de lendemains incertains, tout à la fois.
Rappeler fortement aux décideurs de demain, toutes obédiences idéologiques
confondues, que la Tunisie nouvelle sera républicaine ou elle ne sera pas; mais
aussi, que la Tunisie nouvelle sera socialement juste ou elle ne sera pas.
Républicanité et Justice sociale sont indissociables. Le débat sur la
républicanité n’est pas du ressort du présent papier. Celui sur la justice
sociale l’est. Et rien ne le symbolise mieux que l’élaboration d’une nouvelle
politique de développement régional pour les années à venir, qui allierait
liberté, équité, modernité et solidarité.

La présente réflexion est organisée autour de trois points: nous présenterons,
d’abord, une brève rétrospective du développement régional tunisien, de
Bourguiba à Ben Ali; nous procéderons, ensuite, à une analyse des défaillances
majeures de la politique de développement régional tunisienne, héritée par la
Tunisie post 14-Janvier 2011; nous esquisserons, enfin, les grandes lignes de ce
qui pourrait être une ‘nouvelle économie politique’ (NEP) du développement
régional en Tunisie.

A suivre: Analyse rétrospective du développement régional en Tunisie, de
Bourguiba à Ben Ali

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*Le Pr Chadly Ayari a présenté cette réflexion le 23 juillet dernier lors de la
“Conférence annuelle du Centre de Réflexion Stratégique Pour le Développement du
Nord-ouest “CRSDNO“.
**membre fondateur du Centre de réflexion stratégique pour le développement du
nord-ouest (CRSDNO), professeur émérite, ancien ministre.
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