REPORTAGE – Tunisie : Choses vues dans un restaurant de Tunis à l’heure de la rupture du jeûne!


repture-jeune-27082011-art.jpgUne clientèle hétéroclite, venue d’horizons différents, rencontrée dans un
restaurant du centre-ville de Tunis. Le décor: quelque trente tables et quatre
serveurs, pantalon et nœud papillon noirs, qui veillent à ce que tout se passe
bien. Reportage.

Les absents ont toujours tort. Les retardataires aussi. Arrivé quinze minutes
après la
rupture du jeûne, Tawfik s’est vu attribuer une petite place au coin
d’une table de ce restaurant du centre-ville de Tunis: le couple, qui l’occupe,
ayant bien voulu lui accorder l’hospitalité.

«J’ai été retardé par un livreur qui a accusé trente minutes de retard», se
désole-t-il. «J’ai dû, ensuite, tout ranger afin que je ne perdre pas trop de
temps après la rupture du jeûne. Car l’ouverture du magasin, qui m’emploie, se
fait à 20 heures 30. Le temps que je mange et savoure, ensuite, un café et une
cigarette sur une terrasse de l’Avenue Bourguiba, c’est tout juste»,
ajoute-t-il.

Ils sont, comme lui, une dizaine à venir quasiment tous les jours dans ce
restaurant pour rompre le jeûne. «Je commence à travailler à 21 heures dans une
boutique de chaussures de la rue Charles De gaulle. La rupture du jeûne se fait
à 19 heures 05. Le calcul est simple à faire: deux heures pour manger et me
rendre de la Cité Ezzouhour, dans la banlieue ouest de Tunis, à ma boutique, et
avec les moyens de transport public que je prends! J’ai dû plus d’une fois
prendre un taxi. Je préfère venir dans ce restaurant et repartir à mon travail
sans stress», affirme-t-il.

En avoir marre de «fréquenter la routine»

Autre cas, celui de la famille B.R. Mahmoud, le père, jean et barbe en
broussaille, est venu spécialement pour rompre le jeûne avec sa femme et ses
deux enfants. Habitant La Goulette, dans la banlieue nord de Tunis, Mahmoud dit
en avoir marre de «fréquenter la routine». Il est venu pour changer d’air et «de
cuisine». Ce qui ne déplaît pas à son épouse qui accepte, malgré tout, «ces
critiques». «L’essentiel est que je quitte mes fourneaux», fait-elle remarquer.

Propriétaire d’une voiture de louage, qui dessert la ville d’Annaba (Bône),
Abdelaziz est venu dans ce restaurant parce qu’il n’a pas «d’autre choix».
«Lorsque je ne suis pas chez moi ou sur la route, je viens ici pour rompre le
jeûne. Et ce en attendant que j’épouse une Tunisienne!», affirme-t-il, avec un
large sourire sur les lèvres.

Libyen, habitant de Misrata, ville située à 200 Km à l’est de Tripoli,
Abdelhamid est réfugié en Tunisie depuis trois semaines. Il vient dans ce
restaurant pour la première fois avec son épouse et son bébé de six mois.
Demain, il ira dans un autre. Une manière de découvrir le pays qu’il visite pour
la première fois de sa vie.

Pantalon gris et chemise blanche, il traîne toujours avec lui une petite
bouteille d’eau en plastique dans laquelle il a placé l’équivalent d’un
demi-litre de lait. Et quelques dattes. Il ne rompt, en effet, jamais son jeûne
sans avoir pris quelques dattes et quelques gorgées de lait. Idem pour son
épouse Wafa, qui a de la famille en Tunisie.

Dans un autre coin du restaurant, Daniel, son épouse et sa petite fille de 16
ans, sont venus prendre leur repas du soir. En attendant de prendre le dernier
train du soir pour Sousse où il passe de précieuses vacances. «Je ne viens pas,
évidement, pour rompre le jeûne. Mais, je suis loin de passer un mauvais moment
avec des gens dont j’admire le courage et la piété», lance-t-il, en croquant une
pomme.

Ainsi va le monde dans ce restaurant du centre-ville de Tunis qui dresse, en ce
ramadan 2011, quelque trente tables pour servir, à l’heure de la rupture du
jeûne, une clientèle des plus hétéroclites venue d’horizons différents. Et
quatre serveurs sont là pour veiller, pantalon et nœud papillon noirs, à ce que
tout se passe bien.