Tunisie-Média : La difficile mutation du métier de journaliste

Comment passer d’un journalisme sur lequel un pouvoir a mis une mainmise
quasi-totale pendant 23 ans à un journalisme libre. Cela exige de la patience
–de nombreuses années seront nécessaires pour réussir cette mutation-, des
efforts et de la formation.

La révision du Code de la presse, promulgué en avril 1975, a été l’invité
surprise du workshop organisé le 6 juillet 2011 par le Centre Africain de
Perfectionnement des Journalistes et Communicateurs (CAPJC) sur «Le rôle du
journaliste dans l’édification de la démocratie».

La nécessaire révision de ce code, qui constitue une pierre angulaire dans
l’exercice de la profession journalistique» a dominé l’intervention de Mme Amel
Mzabi Bourarras, présidente du Syndicat tunisien des directeurs des médias (STDM),
qui a largement évoqué les insuffisances du projet, du reste encore à l’étude au
niveau d’une sous-commission de la Haute instance pour la réalisation des
objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition
démocratique.

Juriste de formation, Mme Mzabi, qui dirige la rédaction de l’EcoJournal, a mis
notamment en exergue quelques aberrations du projet qui mérite d’être harmonisé
avec les textes en vigueur au sujet des sociétés et qui ne couvre pas le champ
de la presse électronique.

Respecter des «fondamentaux»


Intervenant dans les débats, Mongi Khadraoui, secrétaire général du Syndicat
national des journalistes tunisiens (SNJT) a, quant à lui, tracé le parcours de
ce syndicat qui a longtemps souffert des tentatives de mainmise du pouvoir sous
le règne de Ben Ali. Le pouvoir en place a réalisé un véritable putsch en 2009
pour remplacer la direction du SNJT par une seconde largement acquise à lui.

Président de l’Association tunisienne des directeurs de journaux (ATDJ), Moncef
Ben Mrad a, quant à lui, évoqué des «préalables» pour une pratique saine du
journalisme. Il a notamment souligné la nécessité d’œuvrer à donner la parole au
grand nombre et à respecter des «fondamentaux»: respect de la personne, égalité
de tous les citoyens qui doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs,
égalité des sexes et dans toutes les régions du pays,…

Au sujet de la presse écrite tunisienne, il a exprimé le vœu que les patrons de
presse et les journalistes ouvrent une page nouvelle en regardant dans la même
direction avec un seul et unique objectif : construite une Tunisie nouvelle et
forte qui puisse résister à toutes les tempêtes.

Mme Saloua Charfi, professeur de communication politique à l’Institut de Presse
et des Sciences de l’Information (IPSI) de Tunis, a défendu, dans son
intervention, l’idée que la liberté d’expression et d’opinion et l’accès libre à
l’information, un droit fondamental inscrit dans la déclaration universelle des
droits de l’Homme, ne signifie pas que l’on n’œuvre pas au respect de la
déontologie journalistique.

Eviter les pièges


Elle a présenté au travers de certains exemples comment les journalistes peuvent
tomber dans des pièges comme le fait de mélanger fait et commentaire.

Les débats qui ont suivi et qui ont été animé par Abdelkrim Hizaoui, maître de
conférence à l’IPSI on souligné la difficile mutation d’un journalisme sur
lequel un pouvoir a mis une mainmise pendant 23 ans à un journalisme libre.

Une fois le constat établi, les solutions appellent de la patience –de
nombreuses années seront nécessaires pour réussir cette mutation-, des efforts
et de la formation. Une œuvre collective qui nécessite la participation de tous:
la profession, les patrons de presse, l’administration –qui est une source
d’informations inégalée- et la société civile, qui constitue un levier important
et un accélérateur du changement.