Tunisie : L’audio-visuel public à la croisée des chemins

audio-1.jpgAssurer une vraie mission de service public et réussir à lui trouver les financements nécessaires, telles sont les priorités de l’audio-visuel public s’il veut épouser les mutations nées de la Révolution du 14 janvier 2011.

L’audio-visuel public a trouvé, sans doute, son bonheur dans la Révolution qui l’a libéré du dirigisme sous le poids duquel il succombait depuis l’indépendance. L’intérêt des Tunisiens pour les événements politiques, qui se succèdent dans notre pays, depuis le 14 janvier 2011, lui permet, par ailleurs, de continuer à faire de l’audience en consacrant l’essentiel de ses programmes diffusés à l’antenne à des journaux, à des débats et à quelques documentaires et feuilletons déjà largement diffusés par le passé. Et de reporter, donc, à plus tard la résolution des vrais problèmes auxquels il est déjà exposé.

«Sans être alarmiste», soutient un ancien responsable de l’ERTT (Etablissement de la Radio Télévision Tunisienne), établissement scindé en deux, en 2007, pour donner lieu à un établissement de la radio et à un autre de la télévision, «parce que les autres chaînes privées, notamment les télévisions, réputées de gestion plus lourde, auront aussi du pain sur la planche». «Ce qui n’exclut, donc, pas que l’audio-visuel public doive bien clarifier les choses». «Et ce n’est pas une histoire d’Hommes, mais de fonctionnement», s’empresse-t-il de conclure.

De quoi souffre l’audio-visuel public? D’abord, de l’absence de clarté quant à sa mission. «Et de ce côté des choses, note notre interlocuteur, les responsables actuels et futurs ne vont pas inventer le fil à couper le beurre. Tout le monde connaît les missions d’un service public de l’audiovisuel. Il s’agit de «répondre aux besoins et aux aspirations de toute la population, en ce qui concerne l’information, la culture, l’éducation, le divertissement et l’ensemble des valeurs de civilisation… Cela est écrit noir sur blanc dans bien des cahiers de missions, ces documents qui renferment, dans bien des pays, les contrats passés entre des instances de régulation de l’audio-visuel et des radios et télévisions publiques».

Une définition large et à la limite floue et qui sous-entend la nécessité de «faire prévaloir dans ce domaine le souci exclusif des intérêts généraux de la collectivité», et d’«assurer un égal accès à l’expression des principales tendances de pensée et des grands courants de l’opinion». Une donne essentielle lorsqu’on sait que l’audiovisuel public a été, depuis l’indépendance, un audio-visuel lié au gouvernement. Et donc un audio-visuel «gouvernemental».

La prochaine élection de la Constituante offrira l’occasion de voir dans quelle mesure ce souci de «l’intérêt général de la collectivité» pourra avoir droit de cité. «La démocratie, soutient un universitaire spécialisé en sciences sociales, est un apprentissage». La radio et la télévision publiques ne manqueront pas de se tromper. «Quoi de plus normal», ajoute-t-il. «Comme l’a fait récemment une chaîne de télévision publique lorsqu’un citoyen a offensé sur ses ondes l’ancien Premier ministre, Mohamed Ghannouchi.

Donner une place de choix à toutes les manifestations de la culture nationale

Un souci de «l’intérêt général de la collectivité» qui ne consiste pas seulement à «assurer un égal accès à l’expression des principales tendances de pensée et des grands courants de l’opinion». Car il y a, sans doute, autre chose: assurer une programmation fidèle aux valeurs du service public. Dans la mesure où cette programmation devra refléter tout le vécu de la nation: les régions, les musiques, les sports,… En veillant à donner une place de choix à toutes les manifestations de la culture nationale.

Une quête permanente qui ne peut que poser la question du financement de l’audio-visuel public. Devra-t-il continuer à bénéficier de cette redevance payée par le citoyen à travers la facture de l’électricité et du gaz? Devra-t-il continuer à vivre de la publicité? Des questions ont déjà été posées –quelquefois bruyamment- sur ces chapitres. Elles devront trouver réponses.

Cela dit, plus l’audio-visuel public -qui est constitué de deux chaînes de télévision et de neufs stations de radio- s’orientera vers le «généralisme» des contenus, plus il coûtera cher. Tout le monde sait qu’une chaîne thématique, notamment en matière de télévision, a des coûts plus élevés qu’une chaîne généraliste; celle-ci produisant tout à la fois de l’information, des feuilletons, des documentaires, des variétés et autres émissions dites de service.

D’autant plus que l’audio-visuel devra trouver les moyens de financer ses ambitions pour être l’expression de l’intérêt général. Outre le renchérissement des productions, notamment lorsqu’il s’agit des dramatiques et des variétés, l’audio-visuel public, la télévision plus particulièrement, croule sous des dettes accumulées, pour l’essentiel, concernant l’achat de programmes.

Comme quoi, ici comme ailleurs, l’argent est bien le nerf de la guerre!

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