Tunisie : Le vendredi de la colère contre Ghannouchi largement suivi

la_kasbah250211.jpgC’est le grand jour. Le 25 février 2011, «le vendredi de la colère» était attendu par des milliers de Tunisiens, à travers toute la République. La Kasbah, dans laquelle des centaines de jeunes faisaient déjà le sit-in depuis quelques jours, a rassemblé des milliers de manifestants venus de tout bord. Arpentant l’avenue Bab Bnet qui mène à la Place du gouvernement, on entendait les cris de la foule. Brandissant le drapeau national mais aussi des affiches, les manifestants appellent au départ de Mohamed Ghannouchi, à la dissolution du Parlement (Chambre des députés et Chambre des conseillers) et à la création d’une Assemblée constituante.

On avançait lentement au milieu de la foule. Toutes les rues menant à la Kasbah étaient pleines à craquer. Les avocats se sont rassemblés devant le barreau, habillés de leurs robes. Des centaines de lycéens étaient présents parmi les manifestants. Les étudiants se sont rassemblés en groupes. Depuis deux jours, on assistait également à l’affluence de manifestants venus des autres gouvernorats, à l’instar de Gabès et Kasserine. Il y avait même des fonctionnaires du ministère des Affaires religieuses qui annonçaient leur soutien aux manifestants. Devant le Premier ministère, des tentes ont été installées. D’autres plus grandes étaient placées en face, et rassemblant les membres de la cellule d’information du sit-in.

Une cellule créée spécialement pour servir de relais pour les manifestants de La Kasbah, par laquelle on voulait dénoncer le black out médiatique et diffuser les «bonnes informations» à travers les réseaux sociaux, là où ils ont créé une page spéciale pour la couverture médiatique du sit-in de la place de La Kasbah mais aussi d’autres pages similaires. Les membres de la cellule suit à la seconde tout ce qui se passe, se méfiant d’une couverture médiatique qu’ils estiment de simple manipulation de la part des autres médias. La Télévision Nationale Tunisienne a été, par exemple, empêchée d’entrer à La Kasbah par des manifestants très en colère. D’ailleurs, ce 25 février 2011, on dénonçait à cor et à cri le manque de professionnalisme des journalistes…

Au fur et à mesure, la place de La Kasbah voyait l’affluence de milliers de manifestants. On les estime à plus de 100 mille. Certains voyaient en ce 25 février un deuxième 14 janvier. Et la dimension de cette manifestation du 25 février est plus importante que celle du 14 janvier. Les slogans étaient encore plus directs et diversifiés, réclamant le départ de Ghannouchi. Des affiches présentaient même des caricatures du Premier ministre lui demandant de partir. «Notre révolution n’est pas terminée. Nous devons encore lutter pour exclure les restes de l’ancien régime. Mohamed Ghannouchi nous a déçus, on n’en veut plus. D’autant plus que l’action du gouvernement provisoire est douteuse», lance un manifestant. 

Vers 13 h, c’est l’appel à la prière du vendredi. On s’attendait à ce que l’imam de la mosquée de La Kasbah prononce un discours enflammé. C’est ce qui fut. Des centaines se sont rassemblés devant la municipalité de Tunis pour faire la prière, dans un paysage qui rappelle, à bien des égards, la Place d’Ettahrir, lors de la révolution égyptienne. Une fois la prière terminée, les cris reprenaient de plus bel. Entre «Allah Akbar» et «Dégage», les voix se perdaient. «C’est le jour de notre libération. Nous voulons éradiquer de ses racines la dictature de Ben Ali. Le gouvernement provisoire doit nous respecter. Son silence à nos revendications ne fera que renforcer notre détermination», déclare un manifestant.

La manifestation est restée pacifique, bien qu’à la fin de l’après-midi, certains manifestants se soient dirigés vers l’avenue Habib Bourguiba, plus exactement devant le ministère de l’Intérieur, où des confrontations ont eu lieu avec la police. Le ministère de l’Intérieur affirme qu’il a été attaqué par des jets de pierres par certains manifestants, essayant de s’introduire à l’intérieur du ministère. A travers les vidéos qui ont été diffusées dans la soirée, on entendait des tirs et on voyait des bombes lacrymogènes. Des manifestants auraient même été blessés.

A La Kasbah, on dénonce la manipulation et la présence de personnes parmi les manifestants, voulant porter atteinte à l’image du sit-in et le transformer en confrontation avec la police. En attendant les éclaircissements du ministère de l’Intérieur…