Tunisie : Lettre Ouverte de Hédi Djilani

Notre pays connaît, en ce moment, une transition vers la démocratie dont nous devons nous féliciter tout en rendant hommage aux martyrs dont le sacrifice n’aura pas été vain et qui ont amplement mérité les honneurs et les hommages de la nation.

Je me trouve, cependant, l’objet d’attaques personnelles qui touchent à mon intégrité, mon honnêteté et mon honneur et cela est parfaitement injustifié et inacceptable.

Mon nom est, en effet, apparu parmi une liste de personnes dont le gouvernement Suisse souhaite geler les comptes et biens détenus dans son pays.

Je voudrais préciser que je ne possède aucun compte bancaire et aucun bien dans ce pays et je contacterai les autorités compétentes à ce sujet.

Comme beaucoup le savent, deux de mes filles sont mariées à des membres des familles Trabelsi et Ben Ali. Mes deux gendres seront soumis à enquête et la vérité apparaîtra en ce qui concerne la nature de leurs agissements passés.

Je ne comprends pas que l’on m’associe aux reproches faits à la famille de l’ancien président Ben Ali. Ai-je sali mes mains avec de l’argent malpropre ? Ai-je utilisé mes fonctions syndicales et politiques pour m’enrichir ou nuire à quelqu’un ?

Si c’est le cas alors qu’on vienne me juger.

J’ai assumé les fonctions de Président de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat pendant plus de 22 ans, période pendant laquelle j’ai œuvré à moderniser cette organisation et fédérer les énergies nationales autour du projet de développement de notre pays tout en y associant particulièrement les femmes chefs d’entreprise (CNFCE) ainsi que les jeunes, à travers la création du CJD.

Est-il besoin de rappeler que j’ai subi autant de pression, voire davantage, que tous les autres hauts responsables du pays. J’ai essayé de défendre les intérêts de la nation et des entrepreneurs de tous les secteurs du mieux que j’ai pu, tiraillé entre les exigences que m’imposait le pouvoir en place et parfois ceux de la base syndicale de l’UTICA.

Je n’ai jamais utilisé ou mis à profit ma présence à l’UTICA au service de mes intérêts personnels ni ceux d’aucune autre personne et je défie quiconque de m’accuser du contraire.

Je souhaite également préciser que, contrairement aux calomnies que j’ai pu entendre, j’ai refusé, dès ma prise de fonction, tout salaire à l’UTICA car je considère que ma mission était d’intérêt national et je l’ai toujours souhaitée bénévole.

J’ai essayé de représenter les chefs d’entreprise tunisiens de la meilleure manière possible dans notre pays et au-delà de nos frontières et je suis aujourd’hui fier du travail que j’ai accompli avec l’aide de l’ensemble des élus et du personnel de l’UTICA, que je ne remercierai jamais assez.

Certes, je n’ai pas la prétention de dire que mon bilan est parfait et beaucoup de choses peuvent et doivent encore être améliorées. La révolution populaire et la démocratie qu’elle a apportée, profiteront à l’entrepreneuriat et je suis certain que notre organisation patronale saura être à la hauteur des attentes. Aujourd’hui le plus important est de préserver nos nobles acquis et continuer à militer pour un avenir meilleur.

J’ai décidé de démissionner de mon poste de Président de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat car je suis convaincu d’y avoir fait mon temps et que ce vent de changement suscite des vocations légitimes chez mes confrères. Mon départ était programmé pour le prochain congrès national de Juin 2011 et plusieurs de mes interviews et déclarations des années passées peuvent en attester.

Les 22 ans passés à l’UTICA ont eu pour effet de m’éloigner de mes propres affaires et je peux vous prouver que ma fortune personnelle, relative, en 1988 est supérieure à celle que je possède aujourd’hui. Je ne m’en plains pas car je considère que c’est un sacrifice que j’ai fait pour mon pays.

Aujourd’hui, l’essentiel du chiffre d’affaires de mon groupe se fait dans le textile à l’export et je suis également présent dans la finance. Je ne possède aucune entreprise qui soit cliente ou fournisseur de l’Etat Tunisien et je n’ai jamais eu aucune activité fondée sur les commissions ou les prises d’intérêt illégales.

Le groupe que je dirige a participé à plusieurs appels d’offres dans le cadre des différentes privatisations qu’a connues notre pays, les plus récentes étant celles d’Ennakl et Magasin Général, sans succès.

Mes sociétés ont pris part à la vie économique tunisienne et étaient soumises aux mêmes règles et lois que n’importe quelle personne morale de ce pays. Encore une fois, si un fournisseur, un client ou un tiers quelconque pense le contraire, qu’il en apporte les preuves.

L’ensemble des sociétés que je possède ou dont je suis actionnaire emploie environ 3500 personnes en Tunisie. Toutes ces sociétés sont soumises, de manière régulière, à des contrôles fiscaux approfondis et je suis fier de dire que je n’ai jamais gagné le moindre dinar non déclaré durant toute ma vie et que je suis heureux d’être un important employeur et contribuable dans mon pays.

Bien entendu, je suis prêt à être soumis à un audit/contrôle de tout organisme officiel afin que mon honneur et mon honnêteté ne soient plus bafoués.

Enfin et c’est peut-être ce qui m’a le plus affecté, mon nom continue à être sali sur le Net et dans certains médias au risque de parfois friser l’incitation à la haine.

Encore faut-il préciser que la démocratie ne consiste pas à accuser à tort et à travers. La diffamation, à mon endroit, a assez duré et je suis en droit d’être protégé par la loi comme n’importe quel autre citoyen de notre nation désormais démocratique.

Je n’ai fait que servir mon pays de la meilleure manière qui soit et avec toute l’énergie que j’ai pu trouver en moi et je n’ai jamais été un homme malhonnête. Le nom que je porte a servi la Tunisie sur plusieurs générations et ma famille a, grâce à Dieu, connu le succès économique avant même l’indépendance de la Tunisie.