L’Asie du sud-est devrait “dédollariser”, mais pas trop vite

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és à Jakarta le 15 octobre 2010 (Photo : Adek Berry)

[17/10/2010 09:12:43] PHNOM PENH (AFP) Les pays d’Asie du sud-est qui se reposent beaucoup sur le dollar pourraient s’inquiéter de sa chute, mais ils ne devraient pas pour autant réduire du jour au lendemain leur dépendance à l’égard du billet vert, préviennent les analystes.

Au Cambodge, le dollar est bien plus commun que le riel local, et au Laos voisin, les achats se font en kip, en dollar ou même en baht thaïlandais.

Au Vietnam, le dong est assez répandu, mais le dollar représente quand même 20% de la monnaie en circulation. Et en Birmanie, le volatile kyat n’a pas la confiance de la population.

“Je n’ai jamais rencontré aucun Birman avec des économies en monnaie locale”, souligne Sean Turnell, expert de l’économie birmane à l’université Macquarie de Sydney.

Une telle dépendance envers le dollar est connu sous le nom de “dollarisation” et reflète “un manque global de confiance dans la monnaie locale”, explique Jayant Menon, économiste en chef de la Banque asiatique de développement.

Le billet vert évolue depuis le début du mois à ses niveaux les plus faibles depuis janvier par rapport à un panier de grandes monnaies étrangères, mais les analystes estiment que cette situation n’affectera pas immédiatement l’utilisation des monnaies locales dans ces pays asiatiques.

Cela pourrait malgré tout influencer la façon dont les habitants épargnent.

“Au Vietnam, cela pourrait entraîner un report vers l’or. Au Laos, vers le baht”, note Jayant Menon.

“L’objectif à long terme pour ces pays devrait être de +dédollariser+”, continue l’économiste, co-auteur d’un nouveau livre sur la “dollarisation” au Cambodge, au Laos et au Vietnam.

La dépendance au dollar a certes des avantages. Elle peut apporter une stabilité à un marché par ailleurs volatile et rendre plus difficile pour les gouvernements de simplement imprimer des billets en cas de problème budgétaire, selon les experts.

Mais elle limite également la possibilité pour les banques centrales de contrôler l’offre de monnaie et de mettre en place des politiques de change.

Malgré les mauvais côtés de la prédominance du dollar, certains responsables asiatiques la défendent.

“Grâce à la dollarisation, les gens n’ont pas peur de mettre de l’argent à la banque”, a ainsi assuré Hang Chuon Naron, secrétaire général du Conseil économique national du Cambodge. “Et cela impose une discipline au gouvernement”.

Malgré tout, même si la “dédollarisation” n’est pas une priorité, il peut concevoir un avenir où le riel devienne la monnaie principale de son pays.

Dans l’intervalle, il faut “faire des réserves nationales, et encourager un fort taux de croissance et une confiance à long terme. Nous devons faire ça pas à pas”, a-t-il souligné.

Une approche à long terme soutenue par l’économiste en chef de la Banque asiatique de développement.

“Si les gouvernements essaient de changer le système du jour au lendemain, en exigeant l’utilisation de la monnaie nationale, l’expérience montre que c’est en fait contre-productif et retarde encore plus le processus de +dédollarisation+”, prévient Jayant Menon.

Mais les gouvernements ont à leur disposition certaines mesures à court et moyen termes pour aller vers une émancipation vis-à-vis de la monnaie américaine.

Au Cambodge par exemple, le gouvernement “pourrait essayer d’inciter plus les gens à épargner dans la monnaie locale”, conseille l’économiste. Ou une partie des salaires du secteur privé pourrait être payée en riel.

Et “à long terme, il faut améliorer les institutions, les marchés financiers, les marchés des capitaux et la stabilité économique et politique”, souligne-t-il.