L’affaire Pérol entre les mains d’un juge contre l’avis du parquet

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çois Pérol, actuel patron de Banque populaire-Caisse d’épargne et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, arrive à l’Elysée le 1er octobre 2009 à Paris (Photo : Gerard Cerles)

[24/06/2010 14:06:32] PARIS (AFP) Contestée par l’opposition et les syndicats, la nomination en 2009 de l’ancien conseiller de l’Elysée François Pérol à la tête de Banque populaire-Caisse d’épargne (BPCE) doit faire l’objet d’une enquête d’un juge d’instruction, que le parquet a tenté de bloquer jeudi.

Depuis sa nomination en février 2009 à la tête de la Caisse d’Epargne pour mettre en place la fusion avec la Banque populaire, M. Pérol, 46 ans, est la cible de multiples plaintes déposées par les syndicats CGT et Sud du groupe bancaire qui semblent en passe de parvenir à leurs fins.

Le juge d’instruction du pôle financier de Paris, Roger Le Loire, a en effet estimé dans une ordonnance transmise aux plaignants que les conditions pour l’ouverture d’une information judiciaire pour prise illégale d’intérêt étaient réunies.

Les syndicats estiment que M. Pérol, ancienne figure incontournable de la présidence sur les dossiers économiques et industriels, a à ce titre joué un rôle essentiel dans la fusion des deux établissements bancaires dont il a pris la tête juste après son départ de l’Elysée.

Or, la loi du 2 février 2007 interdit à tout fonctionnaire de travailler pour une entreprise qu’il a surveillée, avec laquelle il a conclu un contrat ou qu’il a conseillée dans ses opérations, durant les trois années précédant son départ de la fonction publique.

La prise illégale d’intérêt est passible de cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

Le parquet a annoncé jeudi qu’il faisait appel de l’ouverture de cette information judiciaire. Il reviendra ainsi à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris de se prononcer, sans doute après l’été.

Le parquet avait déjà mené une enquête préliminaire début 2009 au cours de laquelle M. Pérol avait été entendu par les policiers de la Brigade financière.

Les services du procureur avaient finalement considéré que la mission de François Pérol s’était limitée “à informer et donner un avis au président de la République sur le rapprochement, sur le soutien financier de l’Etat et sur l’explication à donner à l’opinion publique”.

Mais dans son ordonnance, le juge Le Loire estime que cette enquête préliminaire, “relativement succincte”, ne suffit pas à garantir la “manifestation de la vérité”.

Il bat en brèche les arguments développés par le parquet en rappelant que les collaborateurs du chef de l’Etat peuvent être considérés comme des “fonctionnaires ou agents d’administration” et entrent donc dans le champ de la prise illégale d’intérêts.

Le juge rappelle en outre que M. Pérol n’a pas attendu son arrivée à l’Elysée en 2007 pour travailler sur des dossiers touchant la Caisse d’Epargne, notamment la création d’une filiale avec la Caisse des dépôts en 2004, puisqu’il était membre des cabinets de Francis Mer et Nicolas Sarkozy à Bercy entre 2002 et 2005.

Enfin, le juge, qui instruit notamment l’affaire de l’UIMM, a reçu en mars un courrier anonyme contenant des mails envoyés en 2007 par d’anciens hauts-cadres de plusieurs banques dans lesquels “il est question du rôle de M. Pérol dans ce qui n’était à l’époque qu’un projet de rapprochement” des deux banques.

Le magistrat préconise l’audition comme témoins de Xavier Musca, ancien directeur du Trésor qui a succédé à M. Pérol à l’Elysée, de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, ou encore de Charles Milhaud, ancien patron de la Caisse d’épargne.

Le nouveau patron de France Télécom et ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, Stéphane Richard, ainsi que le secrétaire général de la Commission bancaire, Daniel Nouy, pourraient eux aussi être entendus par le juge Le Loire.