Si l’UTICA m’était contée

Le 17 janvier 1947 marque la naissance de l’Union tunisienne
de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA). C’était un autre temps.
Un intervalle où l’Union n’était autre que l’UTAC (Union tunisienne des artisans
et commerçants), l’industrie n’était pas encore à l’ordre du jour.

ferjani-utac1.jpgLe
syndicat qui défendait les petits commerçants, les artisans et les petits
métiers s’est vite transformé en une organisation énergique et combative
sous l’impulsion d’hommes de grande envergure tels que Farhat Hached et
Belgacem Gnaoui, syndicalistes dans l’âme. Leur plus grande cause d’alors,
c’était l’indépendance du pays. Leur objectif ? Mobiliser les populations
pour lutter contre le colonialisme. Leur moyen : les organisations
professionnelles.

Dans cette dynamique naît l’union des agriculteurs. C’est Farhat Hached qui
présidera le congrès constitutif de l’UTAC. Le pivot de la jeune
organisation sera Ferjani Bel Haj Ammar qui avait à peine 21 ans. Artisans
et commerçants se sont regroupés pour défendre au mieux leurs intérêts.
Ceux-là mêmes qui avaient adhéré nombreux au Néo-destour en 1934.

Ferjani Bel Haj Ammar, discret mais néanmoins homme d’action, se contentera
au début du rôle de secrétaire général alors que tour à tour se succédaient
à la présidence de l’Union tunisienne des artisans et commerçants Mohamed
Chammam suivi par Mohamed Ben Abdelkader, deux notables tunisois.

Les années 60 furent empreintes de la rupture de Ferjani Bel Haj Ammar avec
le régime de Bourguiba lancé à l’époque dans l’expérience socialiste qui a
mené au collectivisme. Le président de l’UTAC ne l’a pas accepté. Ahmed Ben
Salah étant le plus fort, le bureau exécutif de l’UTAC fut limogé et
remplacé par une autre équipe présidée par Ezzeddine Ben Achour, le temps
d’imposer le socialisme en tant que nouveau modèle. L’expérience ayant
échoué, Ferjani Bel Haj Ammar reprit sa place.

Les années 70 marquent un véritable tournant dans la politique économique du
pays et la «tunisification» de son économie qui se met en marche. La
naissance du véritable patronat tunisien s’impose peu à peu. Hédi Nouira,
alors Premier ministre, et éminent économiste était décidé à faire entrer
l’économie dans la modernité. Le taux élevé de pluviométrie, les grandes
récoltes céréalières, l’importance acquise par les hydrocarbures (le champ
pétrolier d’El Borma était à son apogée et le pays exportait le pétrole)
dans la croissance économique mondiale ont été autant d’éléments qui ont
soutenu les plans mis en place par Nouira pour intégrer le pays dans une
nouvelle ère économique. En 1973, suite à la guerre arabo-israélienne, les
prix du pétrole augmentèrent considérablement et Tunis profita de la manne
pétrolière. Cette époque marqua fortement le tissu entrepreneurial tunisien.

Hédi Nouira a eu le mérite d’être à l’origine de la promulgation de la loi
72 ayant permis de développer les industries manufacturières tout au long
des années 70. Cette loi avait provoqué de grands remous et alimenté de
grandes contestations politiques, sociales et populaires. La politique
talonne de près, une fois encore, la vie de la jeune centrale patronale.

Hédi Nouira crée aussi l’API (Agence de promotion de l’industrie) et met à
sa tête un polytechnicien brillant appelé Tijani Chelli. L’Agence assure
l’étude des projets. Une fois que l’entrepreneur avait son agrément de l’API,
la banque finançait automatiquement le projet. Ce sont les fonctionnaires
d’alors qui ont, les premiers, lancé les projets : Les Mokhtar Fakhfakh,
Aziz Miled, Néji Mhiri, Abderrazzak Chraiet…

Ceux qui ont eu le courage de quitter la vie sécurisante du fonctionnariat
ont pu participer à la construction de l’économie tunisienne privée. Ferjani
Bel Haj Ammar, quant à lui, de nouveau président de l’UTAC, s’attelle à
adapter la structure qu’il préside aux nouveaux choix économiques libéraux
du pays.

La Tunisie traverse malgré ces choix économiques judicieux une période
trouble. Le pays doit faire face à de grandes difficultés durant les années
80 et dont les plus graves se rapportaient à un taux d’endettement excessif
qui menaçait le pays de faillite.

Suite au Changement du 7 Novembre, conduit par le président Zine El Abidine
Ben Ali, la relève devait être effectuée au sein de la centrale patronale.
Lors d’une réunion du bureau exécutif, celui qui fut tour à tour communiste,
syndicaliste, libéral et fervent défenseur des intérêts des patrons, se
retire, laissant aux commandes de jeunes hommes d’affaires bien rôdés
puisqu’il en a supervisé l’apprentissage. La nouvelle génération s’installe,
mais pas seulement !

Depuis 1988, ceux qui sont à la tête de l’UTICA se sont investis dans le
renforcement du rôle du patronat dans les orientations économiques du pays.
Ils ont développé de nouvelles stratégies qui transforment considérablement
la centrale patronale. Celle-ci, de structure orientée essentiellement sur
des revendications syndicales, devient un acteur incontournable de la vie
économique. La centrale de 2009 n’est plus celle de 1988. Plus de vingt ans
se sont écoulés au cours desquels un nouveau siège est construit, de
nouveaux programmes élaborés, de nouvelles structures sont créées…

L’UTICA, à sa manière, continue à prendre part au développement. Elle
participe aux débats et ne perd pas de vue son rôle dans les choix
économiques du pays. Dans le monde entier, le patronat est lié au pouvoir.
L’épanouissement de l’entreprise repose sur un environnement sécuritaire,
sain et incitatif. L’UTICA ne fait pas exception. Y a-t-il une autre
politique que celle de l’économie ?

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