Tourisme : Permettez-moi de vous donner mon humble avis…

Par : Autres

Permettez-moi de vous donner mon humble avis sur les potentiels leviers de
croissance du secteur du tourisme en Tunisie.

Le tourisme en Tunisie est aujourd’hui basé essentiellement sur un produit
balnéaire, et de façon plus marginale la thalasso. Sur ces produits, la Tunisie
est pionnière en Afrique du Nord. Le problème est que la saison touristique dure
à peine trois mois dans l’année, et il s’en suit que les employés dans les
établissements hôteliers sont pour la plupart saisonniers. Avec une telle
structure, je pense qu’il est difficile de pouvoir améliorer la qualité de
service dans nos établissements touristiques, actuellement médiocres dans
l’ensemble, une contrainte de taille si on souhaite vendre un produit de
meilleure qualité à un meilleur prix.

Je pense que, pour résoudre ce problème, il faut d’abord repenser notre manière
de vendre la Tunisie. Je suis étudiant en France, j’ai visité récemment
l’Allemagne et la République tchèque et j’ai vu dans ces trois pays des
campagnes d’affichage où on aperçoit le bout d’une maison blanche (on reconnaît
à peine une maison de Sidi Bou Saïd) donnant sur une mer bleue turquoise et
écrit dessus Tunisie (avec la langue du pays).

Certes, ça donne envie de vacances ensoleillées au bords de la mer. Mais je
trouve que c’est très restrictif de ce qu’est la Tunisie et de ce qu’elle peut
offrir à ses visiteurs.

A mon avis, on doit développer une gamme de produits plus large, en particulier
au tourisme culturel. Si je prends l’exemple de Marrakech, cette ville
continentale a réussi à travers les riads et les maisons d’hôtes (entre 4 et 10
chambres) à attirer une clientèle riche cherchant à découvrir l’architecture,
l’art de recevoir et les traditions culinaires du pays. Voici un exemple à
suivre.

Il faut cesser de croire que seuls les grands hôtels à 500 lits ou plus ont un
impact macroéconomique sensible, et se dire plutôt que multiplier les maisons
d’hôtes (à 6 chambres) avec une clientèle plus aisée financièrement, à laquelle
on offre un produit original, apportera plus de revenues que si on l’«enferme»
dans un grand hôtel et en l’isolant de la vraie Tunisie.

Ce genre de tourisme a le mérite de préserver les traditions et de les valoriser
et, de par sa nature, se distinguer et se différencier des autres destinations
s’offrant aux touristes étrangers. De plus, ce tourisme est moins saisonnier que
le tourisme balnéaire, il pourrait alors être une plateforme pour former un
personnel qualifié d’une meilleure qualité de service.

Ensuite, je pense que la riche histoire de notre pays est sous-exploitée. J’ai
eu la chance de discuter avec plusieurs Européens et leur parler de Carthage. A
ma grande surprise peu d’entre eux connaissent Carthage et plus rares sont ceux
qui savent que le peuple carthaginois a prospéré en Tunisie! Certes le plus
important aéroport en Tunisie porte le nom de Tunis-Carthage mais je pense que
ce n’est pas assez pour la faire connaître.

Sur ce même point, arrêtons-nous sur les musées ; je pense qu’il faut donner aux
musées plus de moyens. Le musée de Carthage, pour l’avoir visité, ne me semble
pas à la hauteur de la glorieuse histoire de ce peuple. Et je regrette
qu’aujourd’hui des maisons se soient élevées à la place du vieux port de
Carthage, ne serait-il pas plus ingénieux de rebâtir (reproduction grandeur
nature) ce port qui a marqué l’histoire de la Méditerrané?

Enfin, pourquoi n’existe-t-il pas en Tunisie un musée retraçant l’histoire de
l’indépendance? Ce même concept existe en Egypte et même à Berlin pour
l’histoire du mur de Berlin.

Je souhaite vous parler aussi de l’artisanat. Il vous suffit d’aller dans les
souks de Tunis et de parler avec les commerçants pour vous rendre compte que la
majorité des produits vendus dans nos souks sont fabriqués à l’étranger ! Par
exemple, les chaussures traditionnelles tunisiennes sont fabriquées au Maroc et
les narguilés viennent de la République tchèque (le verre). Certes, les chéchias
sont fabriqués par des artisans tunisiens et sont exportés vers plusieurs pays
du monde, mais peut-on faire mieux ?

De plus, pour avoir visité les souks en Tunisie et à Marrakech, j’ai remarqué
que les commerçants tunisiens ont la fâcheuse tendance d’arnaquer les touristes
sur les prix. Je pense que cela n’est pas sans lien avec la première. Je
m’explique, le fait que ce ne sont pas les artisans qui vendent eux-mêmes le
produit qu’ils ont pris soin de faire et pour lequel ils ont donné leur amour et
leur savoir-faire, fait que toute la magie et l’euphorie qui entourent un
produit artisanal s’effondre. Je ne dis pas qu’à Marrakech ce ne sont que des
artisans dans les souks, mais il suffit qu’il existe quelques uns (ou plus) pour
redonner un nouveau souffle à cette magie dans les rues de la Médina.

Par exemple, dans les souks de Marrakech j’ai rencontré une femme styliste
australienne qui remodelait de vieux habits traditionnels en modernes robes de
soirées (www.kasbekaftans.com) et qu’elle vend à plus de 300 euros. Aurait-elle
pu vendre ses produits si elle n’était pas présente dans sa boutique ?

Une autre idée pour donner du souffle à l’artisanat serait d’encourager des
associations à but non lucratif qui, pour aider les hommes ou les femmes à bas
revenus, leur proposeraient de fabriquer des produits artisanaux dans leurs
maisons, en leur donnant la matière première nécessaire, et en se chargeant de
commercialiser ces produits en les revendant aux commerçants. Ce genre
d’associations existe au Maroc pour aider les femmes berbères à garantir un
revenu minimum tout en leur permettant de conserver un mode de vie traditionnel,
par exemple on leur fournit du tissu et elles en font des sacs à main en tissu
berbère.

Enfin, je pense que le plus grand pari à court terme serait de faire passer la
force de négociation de la main des grands tours opérateurs européens vers celui
des institutions hôtelières locales. Cela pourrait se faire, comme l’a dit M.
Adel Boussarsar, à travers Internet. Pour cela, il faut que les experts du
secteur s’unissent pour se donner les moyens d’organiser toute la logistique
qu’il y a derrière. On peut alors imaginer des portails qui offrent aux
visiteurs la possibilité de monter sur mesure leurs circuits. Ce genre de
portail, pour pouvoir rivaliser avec les plus grands, doit être spécifique à la
Tunisie et doit être riche en contenu. Par exemple, il doit contenir en
permanence les actualités culturelles du pays comme le programme du festival de
Carthage ou le festival de jazz de Tabarka mais aussi les expositions d’art et
les pièces de théâtre du Théâtre municipal de Tunis…

J’espère que ma voix sera entendue par les personnes concernées.

Majdi Ghorbel

Réaction à l’article :


Adel Boussarsar ou le tourisme tunisien à l’école allemande

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