La Tunisie sous stress hydrique malgré de bons résultats

ghedir-goulla1.jpgQue
ceux qui sont restés sur le traditionnel «L’eau est incolore, insipide et
inodore
», un formidable acquis et un droit absolu, se réveillent. Il est
largement temps de reconsidérer votre approche et appréciations par rapport
à ce liquide précieux.

100% des villes tunisiennes et plus de 90% de la population rurale nationale
sont desservis en eau potable. Nous n’avons jamais eu, depuis
l’indépendance, des restrictions en eau. Nous n’avons jamais connu des
coupures en eau, sauf travaux exceptionnels de notre SONEDE nationale,
contre laquelle nous vociférons, car elle ose couper l’eau sans prévenir.

Pendant des années, des pays voisins imposaient des coupures prolongées
durant des heures, ou plutôt limitaient l’eau courante à quelques heures
dans la journée.

Sommes-nous privilégiés par la nature ou par les choix de nos dirigeants et
de la politique appliquée en matière de sécurité et de gestion en eau ?

Les plus enthousiastes clament «la Tunisie est à l’abri de la pénurie d’eau
jusqu’en 2025
». Oui, mais 2025, c’est déjà demain ! D’autres scandent que
notre politique des contrôles de naissance fait de nous un pays à l’abri des
grosses pénuries : eau, famine, etc. Force est de constater que la Tunisie a
toujours fait au mieux avec ce qu’elle a.

La Tunisie est aride ou semi aride sur les ¾ de son territoire. Le nord
fournit 82% des ressources en eaux superficielles, le centre 12%, et le sud
6%, alors que ce dernier représente 62% de la superficie du pays. Le pays y
dépense l’équivalent de 2% de son PIB annuel.

Les nappes souterraines du sud posent le problème de la durabilité de leur
exploitation, d’autant plus que cette région est de plus en plus considérée
comme une région de mise en valeur par l’eau. La surface des oasis a plus
que doublé en 30 ans, passant de 15.000 à 36.000 hectares irrigués. Les
nappes de surface sont exploitées à la limite de leurs ressources. «Elles
affichent des situations de surexploitation, avec tout ce qui s’en suit
comme aspects de dégradation qualitative et quantitative de l’eau
(intrusions salées et baisses des niveaux piézométriques
)».

L’eau a été au lendemain de l’indépendance, une priorité absolue et l’un des
choix fondamentaux de la Tunisie moderne au même titre que l’école et la
santé pour tous.

Les trois dernières décennies furent marquées en Tunisie par l’engagement
massif de l’Etat pour la mobilisation des ressources en eaux, en vue de
subvenir aux besoins des différents secteurs.

La stratégie mise en place pour répondre aux besoins d’un développement
économique (agriculture moderne, industrie et tourisme) en expansion, allait
de pair avec les besoins de consommation domestiques qui explosent avec
notamment l’amélioration du niveau de vie des tunisiens.

La sécurité en eau dans le pays est assurée. Mais les chiffres révèlent la
précarité de la situation par un rapport à un avenir somme toutes assez
proche. La demande globale serait de l’ordre de 2,6 milliards de m3. Trois
milliards de m3 sont disponibles et 4 milliards de m3 sont exploitables.

L’agriculture est le premier bénéficiaire de cette politique. Elle en est le
premier consommateur : 80% des ressources. La superficie irriguée en Tunisie
est passée de 65.000 hectares en 1956, à 145.000 en 1975 et environ 345.000
aujourd’hui.

L’irrigation, grâce à la mobilisation des ressources en eau de différentes
natures, essaimées du nord au sud du pays, marque de profondes mutations
dans le paysage agraire et la société rurale. Le secteur agricole reste le
principal consommateur d’eau, bien que la pression du tourisme se fasse
sentir sur les ressources en eau. Le parc hôtelier tunisien se compose de
200.000 mille lits, pour quelque 800 hôtels, sans compter les nombreux golfs
réputés gourmands en eau.

A titre indicatif, un touriste étranger demande 800 à 900 litres d’eau par
jour pour ses différents besoins, alors que l’habitant va consommer 100 à
150 litres. Le secteur touristique est approvisionné à hauteur de 67% par la
SONEDE et 33% par prélèvement direct. La grille tarifaire de la SONEDE
applique un principe imparable : «Plus vous consommez gros, plus vous payez
gros
». Dans les hôtels, des écriteaux invitent à faire attention à l’eau et
à en éviter le gaspillage. La télévision tunisienne passe régulièrement des
spots de sensibilisation pour l’économie d’énergie, mais pas assez pour
l’économie de l’eau.

D’autre part, la Tunisie compte environ une centaine de stations d’épuration
et le pays se tourne vers le dessalement. On compte environ 4 stations de
dessalement et le pays développe un véritable savoir-faire technique grâce à
des ressources humaines d’exception. Le pays regorge de spécialistes en la
matière et un récent code des eaux encourage le secteur privé à produire et
distribuer de l’eau dessalé.

Malgré cela, nous vivons un stress Hydrique ! Les normes établies par les
Nations unies précisent qu’il y a désormais un seuil de pauvreté en matière
d’eau en dessous duquel certains pays sont déclarés vivant un stress
hydrique. Nous en faisons partie. La moyenne est de 1.000 m3 d’eau par
personne et par an, la Tunisie, elle se situe à 470 m3.

Lire aussi :

– Pr. Lebdi Fethi :
Par son approche, la Tunisie est une école de l’eau…

– Coût de l’eau :
l’inestimable prix

– L’eau dans le monde : L’insoutenable précarité de l’équilibre

*Extrait de la Lettre n°16 Programme International Géosphère
Biosphère-Programme Mondial de Recherches sur le Climat (PIGB-PMRC)