Le tourisme en 2020 : La nouvelle géoéconomie du tourisme tunisien

L’Organisation mondiale du tourisme “OMT” annonce 1,6 milliard d’arrivées
internationales à l’horizon de 2020. Le chiffre est effarant. Il fait peur
et rêver. Avec deux fois plus de touristes qu’aujourd’hui et trois plus
qu’il y a une quinzaine d’années, le tourisme reste l’un des secteurs les
plus productifs du monde.

Outre que la Chine va probablement devenir la première destination émettrice
et réceptrice de touristes au monde, on sait d’ores et déjà que les avions
gros porteurs seront plus nombreux et les gros paquebots de luxe
fourmilleront sur les mers. Internet continuera de transformer le paysage de
ce secteur, bouleversant sa hiérarchie, bousculant son fonctionnement et
lançant même la mode du tourisme virtuel.

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Voyant dans le tourisme un modèle de développement, de nouvelles
destinations viendront étayer le parc mondial des destinations touristiques
et s’adapter à des mutations d’ordre démographique, climatique, économique,
culturel, technologique…

De quoi sera fait le tourisme en 2020 ? Quelles en seront les tendances?
Quels sont les éléments indélébiles qui le façonneront ? Comment la société
et ses nouvelles mœurs influenceront-elles ses orientations ? Quelles
répercussions directes pourrions-nous espérer pour notre pays ?

«La démographie de là-bas se conjugue et se transforme ici en parts de
marché et en enjeux économiques importants», résume à sa manière un
professionnel du tourisme tunisien s’agissant de l’impact du vieillissement
de la population européenne sur la destination Tunisie. Les «baby boomers»
représentent actuellement un gros marché qui va aller en s’accentuant. La
qualité d’une vie plus douce et chaleureuse, quand elle est médicalisée et
assistée, pour une large part des 64 millions de personnes du 3ème âge est
déjà un eldorado. Elle est aussi une voie magistrale pour notre tourisme de
santé et de retraite, mais pas seulement !

L’Union européenne révèle dans un récent communiqué tiré du «Livre vert sur
les changements démographiques», qu’en Europe, au cours des quatre
prochaines années, le nombre des personnes âgées entre 55 et 64 ans vivant
en Europe dépassera celui des 15-24 ans. En 2050, l’espérance de vie aura
encore gagné en Europe entre 5 et 6 ans en moyenne. Désormais, il ne s’agit
plus de vieillissement de la population mais bel et bien du «vieillissement
en bonne santé».

Dans le monde, les experts prévoient que la terre comptera 2 milliards de
personnes âgées de plus de 60 ans d’ici 2050, contre 600 millions
actuellement. Le caractère inéluctable de l’évolution démographique influera
sur le marché dans plusieurs secteurs, notamment ceux de l’immobilier et des
loisirs.

C’est d’ailleurs s’appuyant sur ce facteur qu’Ahmed Smaoui, éminent
spécialiste du tourisme tunisien, prévoit des jours radieux pour la
thalassothérapie tunisienne. La santé, le bien-être, le sport et la détente
sont devenus une préoccupation incontournable pour le touriste de nos jours.
Il s’agit aujourd’hui, pour nous, de continuer de surfer sur cette tendance,
de l’étendre au thermalisme, au tourisme vert, au tourisme sportif et
saharien, tout en œuvrant à la maximiser. Les voies en sont nombreuses et
garanties par une demande croissante. Avec l’inventivité nécessaire, ce
segment n’en sortira que ragaillardi, s’il sait se réinventer.

Pendant que certaines destinations se préparent à être “le dortoir ou
l’hôpital de l’Europe”, il est urgent de saisir qu’il ne s’agit plus
uniquement d’attentes en termes de tourisme, mais qu’il est fortement
question d’une nouvelle forme de tourisme social. D’un point de vue
sociologique, ce sont autant les seniors que les familles monoparentales et
recomposées qui seront nos futurs clients. Les nouveaux célibataires sont en
progression constante. Ils représentent 12% de la population en Europe. Il
convient de mieux les connaître, pour segmenter les produits qui leur
parlent. Les attentes de propositions précises pour un tourisme familial
diversifié et intelligent sont énormes. Les structures hôtelières auront à
proposer des produits pour 3 générations : grands-parents, parents, puis
enfants. A chacune son univers, attentes et exigences. Les structures
hôtelières intégrées doivent pouvoir accueillir des familles disloquées,
pour qui les vacances sont désormais recomposantes et reconstituantes.

La culture et la santé toujours au cœur du tourisme mondial

Une autre tendance du moment réside en la montée du tourisme équitable (*).
Le tourisme écologique et rural répond aux besoins des grands espaces. Il
constitue un véritable retour aux sources et aux éléments de la nature, loin
de la modernité et de son stress. Ce segment est absolument vierge dans
notre pays. Cette tendance serait une excellente brèche pour rééquilibrer
les inégalités entre les régions en leur donnant de nouvelles chances.
L’inventaire des potentialités des différentes régions de la Tunisie
démontre qu’un gisement précieux et inexploitable est disponible.

Il est d’autant plus urgent de passer par les régions pour diversifier notre
offre afin de faire face à une concurrence redoutable. La dimension
culturelle est (et restera) incontestablement l’avenir du tourisme. Nous
avons de nombreux atouts qui répondent aux tendances du tourisme culturel,
religieux, archéologique, et interrégional. Ils sont à portée de main. Il
est urgent de les convertir. <

Plusieurs de nos sites de référence (Dougga, Sbeïtla…), une fois réanimés et
parfaitement intégrés dans un produit touristique complet, combleront une
large part des défaillances de notre tourisme national.

A ce jour, de nombreux pays cherchent, au prix fort, à se construire une
culture pour exister et s’imposer sur la scène touristique internationale.
Notre culture est riche, noble et diversifiée. C’est notre patrimoine dans
toute son entité qu’il nous faut revivifier. Le tourisme archéologique,
grâce à une revalorisation du patrimoine carthaginois, ferait des étincèles.
Le mythe existe, il suffit de le revigorer.

Le tourisme, en quête d’un nouveau monde

Le tourisme religieux est aussi une tendance au niveau mondial. Entre «la
Ghriba» et tout le patrimoine chrétien délaissé de notre pays, il y a de la
matière à mettre en valeur. Nous avons une place de taille à prendre pour
nous hisser sur ce créneau. En termes de tourisme religieux musulman, notre
pays est peuplé d’édifices. Kairouan est à elle seule tout un programme !
Elle est réellement une capitale islamique à laquelle il conviendrait de
redonner tous les attraits. Elle serait à ce titre un lieu de pèlerinage de
haute facture pour une nouvelle clientèle musulmane qui voyage de plus en
plus. Le marché indo-irano- moyen-oriental est en forte expansion et fait
d’ores et déjà le bonheur de bien des destinations.

Dans ce même registre, il convient de mentionner l’émergence de nouveaux
consommateurs de voyages que sont les ressortissants des pays du BRIC
(Brésil, Russie, Inde et Chine). Que pouvons-nous offrir à ces nouveaux
touristes ? Leurs attentes sont diamétralement opposées à celles de la
clientèle européenne. Il s’agit urgemment d’affiner notre connaissance de
ces clientèles, de mieux comprendre leurs motivations, d’améliorer
l’attractivité de notre patrimoine culturel en le distinguant et intégrant
de l’offre des autres pays du Bassin méditerranéens.

Selon un rapport du cabinet de conseil Eurologiques, ce sont les références
culturelles, tels que la littérature, le cinéma, la chanson, la mode qui
construisent la perception d’un pays plus qu’un autre chez les Chinois par
exemple. Avec Carthage, Hannibal, «La guerre des étoiles», «Le patient
anglais»…C’est à nous de jouer !

Comme la nature a autant de caprices que la politique et que les crises
économiques, il est primordial de savoir que les saisonnalités de certaines
destinations vont se trouver altérées pour cause de changements climatiques.
Selon un rapport produit par le Benfield-UCL Hazard Research Center,
intitulé «Holiday 2030», la température pourrait avoir des répercussions sur
certaines destinations soleil qui seront pénalisées à cause d’une chaleur
trop extrême.

Les destinations hivernales seront également touchées. Selon une étude
prospective de l’Organisation de coopération et de développement économique
(OCDE), le nombre de stations de ski européennes devrait fondre. Ces
dernières se tourneront vers le tourisme de bien-être et de santé.

Nous concernant, il faut rester vigilent sur leurs transformations, à long
terme, elles peuvent se placer sur notre segment de marché.

Certains pays encore peu, ou pas encore assez, touristiques s’y mettent à
grande vitesse. Plus que jamais, l’industrie du tourisme est perçue comme un
modèle de développement économique. Selon certains experts du cabinet
Accenture, l’offre en matière de tourisme ne pourra pas rattraper la demande
dans ce domaine. En effet, «les structures ne pourront pas vraisemblablement
accueillir 800 millions de touristes en plus en une dizaine d’années, quelle
que soit la rapidité avec laquelle on augmenterait la capacité d’accueil».

Ils prévoient d’ailleurs que la politique de rationnement de l’offre
touristique va se généraliser au niveau mondial. Cela a déjà commencé par
exemple au Costa Rica. En effet, le gouvernement de ce pays, soucieux de
préserver l’écosystème de ces parcs naturels, a décidé de doubler le prix à
l’entrée pour contenir la fréquentation grandissante des visiteurs.
“Certains pays mettraient en place des barrières pour limiter la délivrance
de visa touriste afin de protéger les sites touristiques qui sont limités en
nombre et en capacité d’accueil. Un Etat ne peut accepter plus de touristes
qu’il n’en est capable”.

Il n’empêche que pour le moment, nombreux pays créeront des places
alternatives copiant des sites reconnus. «Preuve en est, la Chine qui met en
avant Macao comme le Las Vegas de l’Asie, et Las Vegas se dote d’une Tour
Eiffel. De même, les musées, les gros événements et autres institutions qui
se dupliquent dans le monde. Le Louvre a déjà adopté cette stratégie et
s’installe à Abu Dhabi. Le musée Guggenheim à New York a désormais des
antennes à Bilbao, Venise et Berlin».

En attendant, la vente par Internet continue son essor. Cette vente va
croître mais parviendra-t-elle à se substituer au commerce ? La présence
d’Internet sur le téléphone portable (smartphone) modifie la donne. L’acte
d’achat par la comparaison de produits, de prix et de services est plus que
jamais de rigueur. Le Web a traumatisé l’univers du voyage. Après le succès
de plateformes existantes (Tripadvisor, Yelp) qui permettaient aux cybers
touristes de dénoncer certaines pratiques, d’émettre des appréciations et de
« casser » carrément des produits ou des destinations, l’heure est à la
rétroaction 3.0. Il permet aux entreprises de se joindre à la conversation
pour exposer leur point de vue, diffuser leurs excuses, proposer leurs
solutions et se défendre. “Les compagnies ont surtout écouté et réalisé
l’impact de ne pas réagir pendant près d’une décennie. Aujourd’hui, les
voyageurs branchés sont plus nombreux à se fier à d’autres voyageurs plutôt
qu’à des publications ou à d’autres sources d’experts. Les médias sociaux
tel Facebook influencent directement les achats de plus de 70% des voyageurs
branchés”. Les réseaux sociaux nous placent davantage au cœur du village
global.

Nul ne doute que les pratiques touristiques ne sont plus figées et qu’elles
continueront d’évoluer notablement, ce qui aura pour conséquence de modifier
la localisation du tourisme.

Toutes les données ainsi livrées doivent nous inciter à entrer dans une
véritable “révolution culturelle”. Tout le background acquis au fil des ans
dans ce domaine doit nous pousser à adapter au plus vite notre outil pour
être au rendez-vous de cette nouvelle chance, qui est une vraie «fenêtre» de
tir. Pour cela, il faut radicalement réviser nos habitudes et explorer les
potentialités infinies du pays. C’est l’unique issue pour donner ce nouvel
élan tant espéré!

SOURCES :

– Trendwatching.com. «Half a Dozen Consumer Trends for 2009», décembre 2008

http://veilletourisme.ca

– Steinbrink, Susan. «The PhoCusWright Consumer Travel Trends Survey Tenth
Edition», PhoCusWright, mai 2008.

– Ihaddadène, Luc. «Vous pensiez aller au ski en 2050? – Vivre en 2020», Le
Monde hors série, mars 2007.

Lire aussi :

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