Kairouan : Treize siècles de règne et quelle majesté !

Elle est née Capitale. Elle n’a jamais connu de domination. En
2009, c’est tout le monde Islamique qui la réintronise. Et, qui la regarde comme
sa ville phare. Une dauphine des saintes mosquées ainsi que d’El Qods-Echarif.
Le lustre culturel de Kairouan est au zénith

kairouan-capital1.jpgC’est,
à n’en pas douter, une ville bien née. De bonne extraction, Kairouan a su
tenir son rang à travers les âges, avec la dignité qu’on lui connaît.
Altière, en treize siècles elle n’a jamais mis genou à terre. Rivée à ses
repères de piété et à la lumière de l’enseignement des connaissances, son
rayonnement n’a jamais décliné malgré les éclipses infligées par l’histoire.

Un scénario de pure tradition prophétique

En l’année 666 de notre ère, de son bras « bien guidé » Okba Ibn Nafii,
ayant achevé ses repérages sur un site à l’environnement pourtant peu
hospitalier planta sa lance dans le sol, d’une main résolue. A l’endroit
précis, ses troupes creusèrent et l’eau jaillit. Ce geste miraculé, de pure
tradition prophétique, fut le premier coup de pioche donné par l’illustre
fondateur. C’est ce qui décida du lieu de « Karr Awan », un bivouac
militaire de circonstance dicté par l’hostilité farouche des armées de
Byzance et des Berbères de la Kahéna, qui ont coalisé pour barrer la route à
Okba et mettre en échec son entreprise d’islamisation du Maghreb. C’était
compter sans le génie martial de ce leader politique et non moins chef
guerrier rompu aux techniques du combat et à l’art de la guerre.
L’emplacement du camp militaire, d’inspiration tactique, faisait de sorte
que les troupes byzantines qui venaient par la mer, se relâchant en cours de
route et arrivaient au front en ordre dispersé. Prêtant le flanc, elles se
laissaient transpercer jusqu’à la reddition. Imposant une guerre de position
en face du repaire montagneux des combattants berbères, habitués à laminer
l’adversaire par le roulement des assauts surprises, les redoutables «
blitzkrieg » alternés avec des replis tactiques rapides selon le mode d’ «
EL karr wal Farr », Okba vint à bout de l’ardeur d‘El Kahéna jusqu’à la
capitulation.

Capitale à la naissance, la « Médine » du Maghreb

L’épisode militaire ne s’éternisa point. Les troupes de Okba ont triomphé
de la résistance des berbères et des byzantines. Kairouan, cette « oasis
victorieuse » jaillit du sol en 670. A peine s’est elle mise debout qu’elle
fut déclarée Capitale des vaillants Aghlabides. En dépit du plan de campagne
d’invasion de la totalité du Maghreb, Kairouan échappa à une vocation de
base guerrière. Okba Ibn Nafii, compagnon du prophète, à l’instar du
Messager de Dieu. voyait cette épopée comme son hégire à lui et il concevait
Kairouan comme la Médine du Maghreb, une ville phare, une cité vitrine du
génie de la civilisation arabo-musulmane. Au final, Kairouan ne possède ni
caserne ni Kasbah, tout juste un rempart. Et d’ailleurs ce rempart fut
détruit et reconstitué plusieurs fois au gré des agressions militaires
répétées. Toutes n’ont en rien affecté la ville qui a résisté au temps et à
ses revers, intacte et plus belle que jamais et qui fit de son enceinte de
piété sa véritable bulle de sécurité. Son blindage spirituel l’a prémuni
contre tous les revirements impitoyables de l’histoire. Initiée en même
temps que Koufa, Foustat et Bassorah. Force est de constater que Kairouan a
su se donner des atours de majesté à nul autre pareil. Kairouan a d’abord
été une métropole multidimensionnelle, des arts et métiers, du culte et
par-dessus tout du savoir.

Une Médina féérique

L’édifice majeur à Kairouan est sa majestueuse mosquée, édifice
prestigieux, qui fit de la ville le quatrième lieu saint de l’Islam. Ce
Patrimoine est d’abord un pari de génie civil. Cette mosquée contient une
salle de prière de dimensions imposantes ( 70 mètres sur 30). Elle compte
dix sept nefs structurées par des rangées de colonnes du plus beau marbre
prélevées sur les vestiges de Carthage et de Sousse. La nef centrale se
termine par le Mihrab un joyau de décoration céramique orné de calligraphies
somptueuses. Le minaret haut de 35 mètres de forme carrée selon le rite
sunnite est structuré en trois étages surmontés d’un dôme imposant. Le plan
de masse est légèrement décliné de sorte à recueillir les eaux de pluies si
rares dans des citernes sous-terraines afin de pourvoir aux besoins des
fidèles pour les besoins des ablutions.

Ce qu’il faut savoir est que « Jemâa El Kébir » s’est mué en Université «
Mederssa » avec un capital de savoir qui a fait école et qui a été source de
rayonnement pour cette capitale initiatrice d’autres foyers de culture à
l’instar de Fès qui n’a jamais renié sa filiation faisant une place à part
au patrimoine des « Karaouyyines ». Autre monument célébrissime la mosquée
d’Abou Zoummaat El Balaoui compagnon du prophète dit le barbier qui avait
constamment sur lui trois poils de la barbe du prophète, ce qui lui a valu
son surnom. Cet endroit s’anime particulièrement à la célébration de la
naissance du prophète. La médina est incrustée de trois cents autres
mosquées et mihrabs (mosquée sans minaret). Cela fait que le Kairouanais
peut accomplir ses prières chaque jour de l’année en un lieu différent. Ces
sites ne sont pas que lieu de culte mais aussi d’enseignement du savoir.
Kairouan a donné naissance à d’illustres figures savantes tel Assad Ibn Al
fourat et Imam Sahnoun, grands juristes théologiens ainsi qu’à Ibn Al Jazzar,
médecin de renom. La Médina de Kairouan est une superbe mosaïque d‘échoppes
et de métiers qui entretiennent des pratiques professionnelles
traditionnelles avec respect et jalousie. Kairouan, carrefour marchand est
une zone de prospérité économique et manufacturière. Le point de Kairouan
pour le tapis de sol est célèbre de par le monde et le tapis Kairouanais
rivalise avec celui de Boukhara ou Tachkent.

L’apogée

Les Aghlabides au temps de la splendeur et de la gloire de leur règne
eurent la merveilleuse idée de donner à la ville une extension urbanistique.
Kairouan s’est ainsi prolongée par de nombreuses coquettes agglomérations
dont Rakkada ou Ibrahim II au Xème siècle élit résidence. Son château est
une splendeur architecturale. Il l’a voulu à l’image de Taif, station
balnéaire de la mer rouge et lieu de retraite des Califes abbassides. Haut
lieu de féérie de l’âge d’or et du haut empire abbaside

La dissidence

Kairouan, même quand elle a perdu son rôle de prima donna après la
scission des Fatimides n’a pas connu à proprement parler une décadence. Elle
sut se préserver des retours de l’histoire. D’ailleurs elle éloigna les
fatimides vers une ville du littoral Mahdia laquelle eut sa période de
gloire. Et une fois qu’ils seront éloignés ils porteront en eux le sens de
l’urbanité Kairouanais et ont fondé cette cité célèbre du Caire.

La ville éternelle

Cette ville a poussé par défi et s’est maintenue, treize siècles durant,
comme un challenge de l’histoire de l’aire maghrébine où elle a transposé
ses empreintes à Fez, au Maroc, avec la mosquée des Karaouyines au. Ses
traces remonteraient jusqu’en Andalousie à Cordoue. Kairouan est inscrite au
patrimoine universel de l’UNESCO. Ses admirateurs spéculent en permanence
sur l’éventuel impact de Kairouan sur l’imaginaire d’Al Farabi, auteur de la
« Cité Idéale ». Cette lecture capricieuse de l’histoire donne de l’aplomb à
l’épopée d’Okba. Kairouan est élue capitale du monde islamique pour l’année
2009.