La grogne paysanne enfle en Europe face à la crise

[04/02/2009 18:39:42] BRUXELLES (AFP)

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évrier 2009 dans le port de Piraeus, en Grèce (Photo : Louisa Gouliamaki)

De la Grèce à la Bulgarie ou la Lettonie, en passant par la France et l’Allemagne, le mécontentement des agriculteurs européens grandit face à la crise économique qui fait chuter les prix, notamment dans le secteur laitier, mettant Bruxelles dans l’embarras.

C’est en Grèce que la grogne est la plus virulente, depuis plus de deux semaines. Des échauffourées se sont encore produites mardi à Athènes entre des agriculteurs crétois et les forces de l’ordre. Les exploitants manifestent contre les prix jugés trop bas de leurs produits.

Le ministre grec de l’Agriculture Sotiris Hatzigakis a du reste rencontré mercredi à Bruxelles à ce sujet la commissaire européenne à l’Agriculture Mariann Fischer-Boel.

Le mouvement a fait tâche d’huile en Bulgarie où plusieurs actions ont été menées mercredi. Une centaine d’éleveurs ont ainsi bloqué le principal poste-frontière bulgaro-roumain pour réclamer de meilleurs prix d’achat du lait.

Et en Lettonie, le ministre de l’Agriculture a démissionné mercredi sous la pression de la profession. Là encore, les agriculteurs réclament des aides dans le secteur laitier, avec garantie des prix et moratoire d’un an sur le remboursement des prêts.

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à Oryahovo le 4 février 2009 (Photo : Dimitar Dilkoff)

La colère se focalise depuis déjà plusieurs mois sur la baisse du prix du lait. Il n’est nullement limité à l’Est ou au Sud de l’Europe, de nombreuses manifestations ayant eu lieu en fin d’année dernière en Allemagne notamment, ou en France.

“Le mécontentement concerne toute l’Union européenne”, souligne une responsable de la confédération syndicale agricole européenne Copa-Cogeca, Marie-Christine Ribera.

Après avoir atteint un pic fin 2007 sous l’effet de la flambée mondiale et généralisée des cours des matières premières agricoles, le prix du lait à la production a chuté en moyenne de 50% l’an dernier. En cause: la récession mondiale qui entraîne une baisse de la demande.

“Les agriculteurs sont coincés car les prix faibles mettent en péril leur activité”, souligne Mme Ribera.

Selon Gérard Choplin, de la Coordination paysanne européenne, “la plupart des producteurs de lait en Europe vendent à perte, en dessous de leurs coûts de production, donc ils se révoltent et manifestent”.

Le phénomène touche aussi le secteur des céréales avec une chute de moitié des prix du blé depuis un an. Problème: selon la Copa-Cogeca la chute des prix n’est pas répercutée par la grande distribution sur les étals, “alors qu’ils devraient l’être pour relancer la consommation”, proteste Mme Ribera.

“Ce sont les intermédiaires qui se font leur marge sur le dos des producteurs”, accuse-t-elle.

La Commission européenne est du coup sous pression et voit mise à mal la philosophie libérale de la réforme de la Politique agricole commune qu’elle défend.

Elle a ainsi beaucoup milité pour obtenir le relèvement progressif dans l’UE des quotas laitiers, qui restreignent la production. “On augmente la production au moment où on est déjà dans une situation excédentaire, c’est catastrophique”, dit Gérard Choplin.

L’Union européenne vient aussi d’être contrainte de réintroduire dans l’urgence des aides au secteur que Bruxelles voulait enterrer: soutiens au stockage pour le beurre et surtout les subventions à l’exportation pour les produits laitiers, au grand dam de ses concurrents comme l’Australie ou l’Argentine.

“Nous sommes conscients des difficultés en Europe, c’est précisément la raison pour laquelle nous avons annoncé ces mesures”, souligne le porte-parole de la Commission chargé des questions agricoles, Michael Mann, en promettant de nouvelles possibilités d’aides aux producteurs les plus fragiles l’an prochain dans le cadre de la Politique agricole commune.