Tunisie : Le FMI, conseiller, pilote ou copilote ?!

Si on s’amuse à lire de près les divers communiqués de presse
du Fonds monétaire international (FMI) sur l’évolution de l’économie tunisienne,
on est tenté d’avancer que le Fonds est fortement impliqué dans le pilotage des
différents rouages économiques du pays.

Les missions dépêchées chaque année, par le FMI, en Tunisie, conformément à
l’article IV, prévoient, du début de l’année jusqu’à sa fin, toute évolution
positive (croissance élevée) ou négative (ralentissement) de l’économie du pays
et de ses agrégats. Elles osent même réviser à la hausse comme à la baisse leurs
prévisions.

L’année 2008 est édifiante à ce sujet : la mission du FMI, qui a séjourné,
durant le mois de janvier, avait annoncé un léger ralentissement pour cet
exercice.

Selon le FMI qui semblait anticiper sur la crise, les risques inhérents aux
perspectives économiques pour 2008 sont principalement liés, selon le FMI, à la
conjoncture internationale. En effet, le ralentissement probable de la
croissance en Europe et la poursuite de l’augmentation des prix du pétrole et
des produits de base pourraient peser sur la croissance et accélérer
l’inflation.

Cette projection n’a pas tardé à être confirmée par les résultats de cet
exercice. La croissance a, effectivement, reculé d’un point, passant de 6,3% en
2007 à 5,1% en 2008, tandis que l’inflation a connu son record depuis une
décennie (5 à 6%).

Autre implication du FMI, le budget de l’Etat pour 2009, élaboré avant le
déclenchement de la crise financière internationale, a été calculé sur la base
«des paramètres optimistes» du FMI : le maintien d’un rythme crescendo de la
croissance (6,1%) et un prix référence du baril de pétrole à 100 dollars.

Un mois et demi après (18 novembre 2008), le directeur général du Fonds, M.
Dominique Strauss-Kahn, a tenu à se rendre, à Tunis, pour informer les
responsables tunisiens que la Tunisie, bien qu’elle ne soit pas touchée par la
crise financière internationale en raison de son peu d’intégration dans
l’économie de marché, va subir, indirectement et malgré elle, les effets pervers
de cette crise. Selon lui, la croissance va baisser d’un point à un point et
demi en 2009.

Quatre jours après, samedi 22 novembre 2008, le Premier ministre, M. Mohamed
Ghannouchi, annonce, devant la Chambre des députés la baisse d’un point le taux
de croissance pour 2009, soit 5% contre 6,1% prévus initialement. Le nouveau
document du budget général de l’Etat annonce à son tour une baisse de 10 dollars
le prix du baril sur la base duquel a été calculé le budget économique pour
2009, soit 90 dollars contre 100 dollars prévus auparavant.

Le rôle du FMI ne s’est pas arrêté là. La mission du Fonds, qui a séjourné à
Tunis au début de l’été dernier (27 mai – 9 juin 2008), vient de publier, ces
jours-ci, son rapport.

Elle y recommande en particulier de remplacer, «à moyen terme», l’actuel
système de compensation par un «filet protecteur mieux ciblé», le but étant de
maintenir «la durabilité fiscale» du pays, de réduire sa vulnérabilité aux
chocs, et «créer l’espace fiscal nécessaire pur de dépenses supplémentaires dans
le social et les infrastructures».

Il faut dire que, «malgré une augmentation significative des subventions au
fuel et aux produits alimentaires, le déficit budgétaire a été maintenu dans la
limite de 3% du PIB, grâce à des revenus importants, venant notamment du secteur
des hydrocarbures. La Tunisie achète des produits pétroliers mais exporte du
brut.

De même, le gouvernement a maintenu ses engagements en faveur de la
consolidation fiscale, y compris la rationalisation des subventions à moyen
terme.

Le FMI estime également que «la BCT devrait se tenir prête à augmenter les
taux d’intérêt si la pression inflationniste s’intensifie, étant donné que la
stabilité macroéconomique est une condition d’une croissance forte et durable».

A ce sujet, la partie tunisienne utilise la réserve obligatoire pour pomper
l’excès de liquidités ’’et refuse, jusqu’ici, d’augmenter les taux d’intérêt’’
de peur d’affaiblir la croissance.

Enfin, le Fonds «encourage la Tunisie à continuer à renforcer l’efficience du
secteur bancaire et sa solidité dans la perspective d’une ouverture progressive
du compte capital, voire de la convertibilité du dinar».

Le Fonds enfonce ici des portes ouvertes. Car la Tunisie s’est engagée avec
le Fonds à réaliser toute une réforme du système bancaire avec une option pour
l’adoption des règles prudentielles de Bâle II qui prônent une plus grande
rigueur dans la gestion des risques et moins d’intervention de la Banque
centrale.

Pour le reste, la grande réforme engagée en concertation avec le FMI est
manifestement autour de la flexibilité de change. Celle-ci est une sorte de
package articulée autour de la mise en place d’une logistique appropriée (bases de données, veilles, formation de ressources humaines) et la
réalisation concomitante de trois objectifs : la libéralisation du compte
capital, le flottement du dinar et le passage au ciblage de l’inflation.