Hammamet en quête de silence

moncefbey-1.jpgVoici le cri de coeur des habitants de l’avenue Moncef Bey de Hammamet.
C’est devenu une habitude à Hammamet, à l’approche de chaque été, l’avenue
Moncef Bey s’anime. Les commerçants, les restaurateurs et les gérants et
exploitants des discothèques et des boites de nuit s’activent pour achever
les travaux d’aménagement et d’embellissement de leurs locaux en prévision
de la saison estivale. En même temps, les habitants du quartier s’apprêtent
impuissants à vivre un nouveau calvaire. Et pour cause : la réputation de
l’avenue en question lui vient du nombre de discothèques, bars, restaurants
et autres lieux musicaux qu’elle abrite, tous ayant cette particularité
d’être en plein air. Dès lors, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour
comprendre la grogne des riverains qui, à juste titre, se sentent comme
pris en otage par des promoteurs irresponsables diffusant, sans
discontinuer, de 22 heures à 04 h du matin, des musiques à des niveaux
sonores élevés. Depuis 20 ans, ces lieux ne désemplissent pas, et depuis 20
ans les plaintes des résidents, excédés par le bruit n’ont pas cessé non
plus. Ils ne comptent plus les courriers et les pétitions adressés au maire
de la ville, au gouverneur de Nabeul et même aux Ministres de l’Intérieur
et de l’Environnement.

Mais en vain. De juillet à septembre, l’avenue Moncef Bey est-elle
condamnée à battre chaque nuit aux rythmes endiablés de ses boites de nuit ?
Pourtant dans leur quête de silence, les habitants semblent très
constructifs, font montre de beaucoup de compréhension et appellent à une
collaboration avec les professionnels de la musique afin de trouver un
terrain d’entente. Bien sûr, il ne peut être question de brimer la jeunesse
en la privant du plaisir de se défouler, ni de sous-estimer le rôle
économique et culturel de ces lieux musicaux. Mais en même temps, il faut
demeurer conscients des risques que fait courir aux habitants l’exposition
rapprochée à des niveaux sonores élevés. Tous les spécialistes sont unanimes
là-dessus. Les nuisances sonores, en plus de porter atteinte à la qualité de
vie, engendrent chez les personnes exposées une multitude de troubles
neurologiques : stress, énervement, fatigue, perturbation du sommeil,
surconsommation de somnifères.

De même, il est aujourd’hui démontré que le bruit peut entraîner une
détérioration précoce des performances auditives, voire même des surdités
irréversibles. En Tunisie, il n’y a pas de législation spécifique sur les
nuisances sonores. Toutefois, il n’y a pas de vide juridique en la matière.
Il existe en effet une multitude de textes réglementaires disparates qui ne
concernent chacun qu’une source de bruit bien particulière. D’une façon
générale toutes ces mesures réglementaires rappellent le droit du citoyen au
calme et à la tranquillité et prévoient des sanctions à l’encontre des
bruits qui, par leur durée, leur répétition ou leur intensité, troublent le
repos des habitants et compromettent la santé et la tranquillité publiques.

Mais la difficulté majeure dans l’application de la loi réside dans la
dispersion des responsabilités administratives et la complexité du phénomène
lui-même. A ce titre, une loi cadre sur le bruit serait probablement la
bienvenue, et pourrait clarifier les prérogatives de chaque intervenant et
apporter un minimum de coordination entre les services du ministère de
l’intérieur (le bruit porte atteinte à la tranquillité publique), le
ministère de la santé (le bruit nuit à la santé) et le ministère de
l’environnement (le bruit est une pollution). Mais en attendant, les
habitants de l’avenue Moncef Bey de Hammamet se débrouillent comme ils
peuvent. Certains déménagent en juillet – août, d’autres sont contraints
d’insonoriser leurs maisons. Mais la majorité des habitants prennent leur
mal en patience en espérant une réaction de la part des pouvoirs publics.
Nous pensons que le maire de Hammamet est habilité à prendre certaines
dispositions pour préserver la tranquillité des habitants de ce quartier. Il
peut, par la négociation, responsabiliser les gérants et exploitants des
discothèques en plein air et les amener à limiter l’intensité du bruit dans
leurs établissements, à ne pas dépasser une durée prédéterminée, à effectuer
des travaux d’isolation acoustique…bref à se conformer à la réglementation
en vigueur. C’est au maire de trouver un compromis entre la protection de la
tranquillité publique, qui lui incombe, et son rôle d’animation culturelle
de sa commune. Entre une ville aseptisée et des établissements de nuit
faisant fi de toute réglementation, il y a un juste milieu à trouver. Pour
l’instant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Pour lutter
efficacement contre le bruit, il faut réduire cette pollution à la source.
Demander aux habitants de procéder au double vitrage de leurs maisons nous
semble incohérent. C’est comme si en matière de pollution de l’air, on
réglait le problème en distribuant des masques à gaz.

Dr Salem SAHLI Association d’Education Relative à l’Environnement de
Hammamet (AERE)

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