Les thérapies de choc ont soulagé les marchés sans guérir la crise

[14/10/2008 20:51:39] PARIS (AFP)

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à New York, le 14 octobre 2008. (Photo : Stan Honda)

Les thérapies de choc des Européens et des Américains ont soulagé les marchés financiers, toujours nerveux mardi après leur plongeon historique la semaine dernière, sans pour autant guérir la crise financière et économique.

“Bien que nous ayons franchi un cap, l’économie mondiale est toujours en soins intensifs et le sera pendant encore un peu de temps”, a commenté à Londres l’analyste Dave Evans de Regent Markets.

Soucieux d’envoyer un nouveau message fort au secteur financier, le ministre américain au Trésor Henry Paulson a musclé mardi son , en annonçant une entrée inédite de l’Etat fédéral américain au capital d’une série de banques pour un montant de 250 milliards de dollars.

“Il n’y a pas de raison de déclarer la fin de la crise financière et de verser dans l’optimisme exagéré”, en dépit de l’euphorie des marchés lundi, a averti Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe.

La crise affecte déjà d’autres secteurs de l’économie, comme l’automobile et l’agroalimentaire: l’allemand Daimler a annoncé mardi 3.500 suppressions d’emplois en Amérique du Nord, et l’américain Pepsico 3.300.

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à la Bourse de New York le 13 octobre 2008 après la clôture en forte hausse (Photo : Timothy A. Clary)

Alors que les craintes d’une contagion de la crise financière à l’économie réelle se confirment, le plan Paulson “nouvelle mouture” a brièvement dopé les marchés boursiers.

Mais Wall Street, après avoir ouvert en nette hausse, s’est ensuite replié sur des prises de bénéfices. Vers 18H30 GMT, le Dow Jones perdait 1,5% et le Nasdaq 3,2%.

Un bref passage dans le rouge de Wall Street en début de séance avait déjà ébranlé la belle assurance des Bourses européennes qui ont néanmois terminé dans le vert. Paris a gagné 2,75%, Londres 3,23% et Francfort 2,70%.

Après l’annonce d’un plan européen de soutien aux banques pour un montant de quelque 1.700 milliards d’euros, Wall Street avait enregistré lundi un rebond inédit depuis les années 30.

Signe d’une nervosité persistante, les valeurs de plusieurs banques françaises ont été fortement chahutées en Bourse, après des rumeurs mettant en cause leur solidité financière.

Après Société Générale lundi, BNP Paribas et Crédit Agricole ont démenti avoir besoin de lever du capital. Dexia, dont le titre a chuté de 15%, a réfuté “toute rumeur” de nationalisation par l’Etat belge.

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Carte de l’Europe et des plans de sauvetage des banques (Photo : Dp)

Parallèlement, les craintes de récession ont été avivées par de mauvais indicateurs européens.

Les grands instituts allemands de conjoncture ont estimé que la première économie européenne était “au bord de la récession”, prévoyant “au mieux” une croissance de 0,2% pour 2009.

La Banque de France a revu à la baisse sa prévision de croissance pour le troisième trimestre, estimant que le PIB devrait baisser de 0,1% au lieu d’une hausse de 0,1%.

La récession se précise aussi en Irlande, qui a admis que son PIB reculera de 1,3% sur 2008 et de 0,8% en 2009.

Les cours du pétrole sont repartis à la baisse, faute de signes montrant un regain réel de la demande.

Au coeur de la crise, le marché interbancaire a repris un peu d’air. Ses taux se sont nettement détendus, indiquant que les établissements financiers sont beaucoup moins réticents à se prêter de l’argent entre eux.

En attendant une embellie sur le front de la conjoncture, “l’entrée du Trésor américain dans le capital des grandes banques permettra une résolution rapide de la crise financière”, ont pronostiqué les analystes de la maison de courtage Aurel à Paris.

L’Etat fédéral américain a débloqué 250 milliards de dollars pour entrer au capital d’institutions financières, dont neuf des plus grandes banques américaines qui se sont déjà portées candidates et qui doivent absorber la moitié du plan, soit 125 milliards.

Parmi elles figurent les plus grands noms de Wall Street comme Citigroup, JP Morgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Morgan Stanley et Merrill Lynch.

Cette entrée au capital des banques, inédite aux Etats-Unis depuis la crise de 1929, se fera sous la forme d’actions préférentielles, a indiqué M. Paulson. L’argent nécessaire sera prélevé sur l’enveloppe de 700 milliards de dollars approuvé début octobre par le Congrès pour le plan de sauvetage des banques.

Au départ farouchement opposé à une entrée de l’Etat dans le capital des banques, M. Paulson s’y était résolu vendredi à l’occasion de la rencontre des ministres des Finances du G7 à Washington.

Son plan initial prévoyait simplement que l’Etat rachète les actifs invendables accumulés par les banques au cours de la récente bulle immobilière.

Les Européens doivent aussi peaufiner leur plan de sauvetage.

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à Manille le 14 octobre 2008. (Photo : Romeo Gacad)

“Nous voyons la lumière au bout du tunnel mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines”, a estimé le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Un sommet européen, mercredi et jeudi à Bruxelles, étudiera l’élargissement aux 27 Etats de l’Union européenne (UE) des mesures de soutien adoptées par les grands pays de la zone euro et le Royaume-Uni.

L’idée du président français Nicolas Sarkozy de convoquer, avant la fin de l’année, un sommet extraordinaire consacré à une “remise à plat du système financier international” commence à faire son chemin, selon l’Elysée.

“Nous avons le plaisir de constater que le président Bush est passé d’une franche hostilité à un soutien qu’on peut dire assez net maintenant”, a commenté une source élyséenne.

Signe de cette nouvelle entente transatlantique, M. Bush a convié Nicolas Sarkozy et José Manuel Barroso samedi à la résidence présidentielle de Camp David.

Partout dans le monde, les indicateurs des marchés restaient au vert mardi.

La Bourse de Sao Paulo, première place financière d’Amérique du sud, évoluait en nette hausse mardi à la mi-séance, gagnant 3,03%.

En Asie, Tokyo a refait mardi près de la moitié de ses pertes de la semaine passée (-24,33%). Les autres Bourses asiatiques ont également enregistré de belles performances: Hong Kong a gagné 3,19% et Singapour 2,50%. Seul bémol, la Bourse de Shanghai a clôturé en baisse de 2,71%.