M. Lassaad Allani, vice-président de la Fédération Nationale de l’Electricité, de l’Electronique et de l’Electroménager (FEDELEC) : « Plusieurs défis et menaces guettent le secteur de l’électroménager »

Le secteur de l’électroménager fait face actuellement à plusieurs
difficultés. La contrefaçon, le marché parallèle, le marché informel et les
hypermarchés, sont des défis permanents pour les professionnels. Nous avons
rencontré M. Lassaâd Allani, vice-président de la Fédération nationale de l’Electricité,
de l’Electronique et de l’Electroménager (FEDELEC), qui nous a fait part des
préoccupations du corps professionnel et des moyens à mettre en oeuvre pour
promouvoir le secteur.
Entretien.

Webmanagercenter : Au dernier Forum de la FEDELEC, en juillet dernier, vous
avez évoqué des difficultés qui se rapportent au marché parallèle et à la
concurrence déloyale. De quoi s’agit-il exactement ?

Lassaâd Allani : Le secteur de l’électroménager fait face à plusieurs
défis et nous pouvons même dire à des menaces ! Ainsi, le secteur de la
distribution connaît de grands changements : l’implantation de nouvelles
enseignes étrangères, de magasins spécialisés, d’hypermarchés, la
privatisation du magasin général, la libéralisation du commerce, le
lancement du commerce électronique, l’apparition prochaine des magasins
franchisés et pour terminer l’accord de libre échange avec l’UE. Pou ce qui
est des menaces, la contrefaçon, le marché parallèle et le marché informel
constituent de vrais dangers pour la prospérité du secteur.
Les acteurs économiques doivent aujourd’hui composer avec deux réalités :
– primo, se mettre à niveau pour ce qui est des circuits de distribution
modernes et survivre à la guerre de prix et de communication marketing ;
-secondo, se mettre dans la logique du marché parallèle.

En fait, l’origine de ce mal appelé marché parallèle trouve ses racines en
2002, à l’époque où des enseignes renommées dont BATAM, ont fait faillite en
laissant un vide sur le marché.
Ce vide a été comblé partiellement de manière anarchique par les circuits du
marché parallèle. Les quelques autres enseignes tels que ALLANI, LMS et
NABLI n’ont pas pu récupérer les parts de marchés perdus.
Pour pouvoir mettre un terme à cette situation chaotique pour les secteur,
nous avons lors du Forum de la FEDELEC, soumis plusieurs propositions aux
autorités concernées.
Notre plan d’action porte sur quatre axes : l’amélioration de la
compétitivité, l’amélioration de l’environnement industriel et législatif,
l’économie de l’énergie et l’organisation du secteur de distribution. Nous
avons, également appelé à un coaching des entreprises tunisiennes dans leur
processus à l’export.

Quel est l’apport du secteur électroménager à l’ensemble de la profession
?

L’électroménager occupe une place importante dans le réseau commercial en
Tunisie. Il regroupe des fabricants tunisiens, des importateurs et des
distributeurs (grossistes, chaînes de magasins spécialisés, magasins
indépendants et hypermarchés). C’est un secteur qui connaît un grand essor
économique puisqu’une grande partie des acteurs mondiaux se sont implantés
sur le marché tunisien tels que LG, Samsung, Thomson, Candy, Whirpool, Sony,
Ariston, Arcelik, Brandt, Siemes et autres. Au vu des conditions favorables
pour les IDE et l’essor que connaît aujourd’hui la Tunisie, il est attendu
que plusieurs industriels européens s’installent sur place dans le cadre de
la délocalisation d’une partie de leurs activités industrielles. D’ailleurs
en juillet 2008, Poulina Group Holding a signé des accords de partenariat
technique et commercial avec le groupe italien Antonio Merloni.
Tous comme les industries électriques et électroniques, les industries
électroménagères pourraient connaître une croissance à deux chiffres. Il
s’agit d’une industrie d’assemblage où le taux d’intégration dans la phase
de la production reste relativement faible. Seuls quelques industriels
atteignent un taux d’intégration de 40%.

Trouvez-vous que l’Etat assume vraiment son rôle dans la lutte contre la
contrefaçon et le marché parallèle ?

Je dirais Oui. Tout d’abord, la contrefaçon et le marché parallèle
constituent un fléau mondial auxquels font face tous les pays du monde. La
Tunisie étant membre de l’OMC s’investit au mieux pour contrer ce fléau.
J’insisterais surtout sur la responsabilité du consommateur qui accepte
d’acheter un produit contrefait au détriment de sa sécurité. L’organisation
de la défense du consommateur a du pain sur la planche pour sensibiliser
sans arrêt le consommateur. Le consommateur étant le maillon final et faible
de la chaîne, il a toujours échappé aux règles de bonne conduite lorsque
l’on aborde le fléau du marché parallèle et de la contrefaçon.
La direction de la qualité et de la protection du consommateur, le Ministère
du commerce, entre autres, déploie beaucoup d’efforts pour contrôler les
opérations d’importation et de distribution pour une meilleure compétitivité
du secteur.
Aujourd’hui, l’administration a beaucoup fait en instaurant de nouvelles
lois, de nouvelles procédures relatives à l’importation et à la
distribution. Beaucoup reste à faire. Il faudrait plus de communication en
direction des importateurs et distributeurs. Je terminerai par dire que la
responsabilité incombe à tous.

La FEDELEC a élaboré un cahier de charges concernant le secteur de
l’électroménager, de quoi s’agit-il exactement et où en est-il aujourd’hui ?

Ce cahier de charges organise le secteur de l’électroménager. Il identifie
les devoirs et les droits de chaque partie : Industriels, importateurs,
grossistes, détaillants, consommateur, et ce, conformément aux différents
textes de lois. C’est le fruit de plusieurs séances de travail impliquant en
plus de ces acteurs représentés par leurs chambres nationales syndicales, l’ODC,
le ministère du commerce, le ministère de l’industrie. Il concerne seulement
le commerce des produits électroménagers. Il a été approuvé le 29 mai 2008.

Dans une logique de mondialisation et d’ouverture de l’économie tunisienne
sur le monde extérieur, ce cahier des charges accorde une place
prépondérante à l’organisation des services de garantie et d’après-vente et
ce pour une meilleure protection du consommateur. Il rentrera en application
dans un futur proche.

Pensez-vous que le crédit à la consommation joue un rôle dans la
promotion du secteur et l’amélioration du pouvoir d’achat du consommateur ?

Il est important de souligner que le crédit à la consommation augmente les
ventes et améliore le pouvoir d’achat du consommateur. C’est un outil parmi
d’autres qui organise le secteur. Il est en revanche très important de
souligner que c’est une arme à double tranchant dans la mesure où il faut
éviter le surendettement des ménages.
Aujourd’hui, trois banques tunisiennes offrent le crédit conso à travers le
circuit de distribution. Personnellement, je pense qu’il faut généraliser
cet outil sur tout le territoire sachant qu’aujourd’hui ce sont seulement
les hypermarchés et quelques enseignes spécialisées utilisent cet outil de
financement.

J’irais encore plus loin en demandant aux banques et aux institutions
financières de généraliser l’utilisation des TPE (Terminal de Paiement
Electronique) à tous les commerçants tunisiens (électroménagers et autres).
Ceci serait de nature à donner un coup de fouet à l’exportation et aux
entrées des devises étrangères. Je m’explique : imaginez que nos concitoyens
vivant à l’étranger puissent effectuer leurs achats en produits
électroménagers et autres en utilisant leurs cartes internationales de
paiement, le résultat serait que les commerçants tunisiens pourraient
contribuer à la rentrée des devises étrangères et à l’exportation.
En définitive, plus nous donnons de chance au circuit normal de
distribution, plus le marché parallèle sera contrôlé.

Qu’en est-il de l’économie de l’énergie?
Nul ne peut ignorer la flambée du coût de l’énergie. Présentement, tous les
réfrigérateurs et congélateurs distribués en Tunisie sont soumis au contrôle
énergétique. L’étiquetage de la consommation est devenu obligatoire. Les
climatiseurs seront à leurs tours soumis à la même procédure dès la saison
2009. Les autres produits tels que le lave linge, le lave vaisselles et les
gazinières suivront. Le consommateur tunisien devrait être plus que jamais
attentif à la problématique de l’économie de l’énergie en surveillant sa
consommation.

Propos recueillis par Maha Ouelhezi

Encadré :

A propos de la FEDELEC
La FEDELEC est la Fédération de l’Electricité, de l’Electronique et de l’Electroménager
membre de l’UTICA. Créée en 1954, elle regroupe l’ensemble des
professionnels : industriels, distributeurs et installateurs qui opèrent
dans les domaines électriques, électroniques et de l’électroménager et
câbles. Son rôle principal est de regrouper l’ensemble de la profession et
de veiller sur ses intérêts.

Sous les directives de la centrale de l’UTICA, la FEDELEC travaille
étroitement avec les ministères concernés (industrie, commerce, affaires
sociales, formation professionnelle, etc.), mais aussi avec des
établissements spécialisés tels que l’INNORPI, l’ANME, l’ODC, le CETIME, le
laboratoire central Etc. Pour la FEDELEC, l’essor du secteur se fait à
travers la stabilité de l’emploi, la compétitivité des entreprises,
l’innovation, la conquête des nouveaux marchés, la formation continue, etc.

Le secteur rassemble près de 2700 entreprises, pourvoyant 120 mille emplois.
Plus de 60% de ces entreprises sont exportatrices, dont la majorité opère
dans les composants automobile. La performance à l’export s’élève à plus de
36% en 2007, et est maintenue en 2008. C’est l’Union Européenne qui profite
le plus de cette manne d’exportations puisque 84% de la production du
secteur lui est destinée.