Développement : l’économie du chameau


Par Mohamed Fateh

Notre chameau n’est plus présent que sur nos cartes postales et dans les
brochures de l’Office national du tourisme. Une image de marque pourtant
presque trompeuse, puisque la bête brille le plus souvent par son absence.
Sauf en de pittoresques lieux, comme au célèbre café de La Marsa, le Saf-Saf.
Et dans certains villages de notre Sud. Le retour du chameau, c’est pourtant
l’assurance d’attirer plus de touristes, déçus par le «manque
d’authenticité», voire par l’excessive modernité de notre pays. En (bête de)
somme, le chameau pourrait même représenter la solution aux principaux
problèmes de l’économie tunisienne.

 

Les hydrocarbures pèsent de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat, et
du citoyen (tunisien) lambda. Envolée des cours pétroliers oblige, la
Tunisie se penche sur les énergies renouvelables, les lampes à faible
consommation électrique, bref autant de mesures prises pour limiter les
dégâts occasionnés par l’inflation galopante de l’essence, et autres dérivés
pétroliers. Ce qui n’empêche pourtant pas certains de continuer à rouler en
4×4, faisant fi des (bonnes) résolutions nationales, visant à juguler
l’impact de la crise énergétique sur les caisses de la Nation. Seulement
voilà. Il y aurait une solution. Le chameau, dont la sobriété est
proverbiale.

 

A condition d’accepter de remettre en cause notre mode de vie. Et nous avons
aujourd’hui de bonnes raisons pour remettre sur le tapis une discussion
depuis longtemps ajournée. Celle ayant trait au consumérisme à tout crin (de
cheval), qui ne nous a pas apporté que le confort mécanique et
électroménager. La solution (bossue) est arrivée. Le chameau. Ou plutôt le
dromadaire, avec son unique protubérance sur le dos. Or notre pays est riche
en chameaux (en tout genre). Et on devrait sérieusement se pencher sur les
modèles de développement «chameliers» qui ont fait leurs preuves dans des
pays aussi différents que l’Australie, l’Inde, et les Emirats Arabes Unis.
Parce que les Emiratis, quoi qu’on en dise, n’investissent pas que dans
l’immobilier. Et les Australiens n’ont pas que des kangourous !

 

Dès 2004, les Aussies exportent plus de 10.000 dromadaires par an à
destination du Moyen-Orient, pour au moins 1,5 million de dollars. Des
animaux essentiellement destinés à la boucherie. Un débouché intéressant
pour quelques régions de notre grand sud, surtout depuis que l’on sait que
leur (riche) sous-sol n’a visiblement pas suffi. Mieux : l’AFP a rapporté en
mars 2008 que «plus de 10.000 chameaux des six monarchies pétrolières du
Golfe sont en lice pour un concours de beauté dans le désert d’Abou Dhabi,
doté de prix d’un montant total de 35 millions de dirhams (9,5 millions de
dollars)». Les Emiratis ont beau investir à tour de bras dans les buildings
high-tech, ils restent (contrairement à nous) attachés à leurs séculaires
traditions. Et même s’ils ont du pétrole, ils ne manquent pas d’idées
(traditionalistes). Et ils font même monter les enchères en spéculant à la
hausse sur le cours des chameaux. Un pari gagnant.

 

Les Indiens, connus pour leurs brillants informaticiens, font aussi un
retour remarqué aux vieilles méthodes de l’agriculture traditionnelle. Au
prix où est le litre d’essence, les agriculteurs abandonnent leurs
tracteurs, pour se rabattre sur le dromadaire. Et la croissance de la
demande a contribué à quintupler le prix de ces bêtes, au cours des quatre
dernières années. Un dromadaire atteignant désormais les 300 euros. Et vu
que leur nombre s’est multiplié, ce sont les chameaux que l’on «immatricule»
désormais à tour de bras.

 

Autant d’exemples à méditer. Parce que nos ressources naturelles
(chamelières) ne sont pas valorisées. Tout est bon dans le chameau sobre et
beau. Même ses déjections font de l’engrais. Qu’on se le dise ! Pour lutter
contre les 4×4 tape-à-l’œil qui nous pompent l’air et l’essence. Pour de
vraies mesures d’économie d’énergie. Nous préconisons donc le développement
au pas majestueux du chameau pour ne pas faire fausse route.