En Allemagne, le duel sans merci de deux quotidiens économiques

 
 
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Cristoph Keese, l’ancien rédacteur en chef du Financial Times Deutschland, le 16 septembre 2002 à Hambourg (Photo : Soeren Stache)

[09/11/2007 10:34:13] BERLIN (AFP) Y-a-t-il assez de place dans un pays pour deux grands quotidiens économiques ? Cette question, d’une brûlante actualité en France, se pose aussi en Allemagne où le jeune et impertinent Financial Times Deutschland essaye en vain d’ébranler le Handelsblatt, véritable institution.

“A partir de maintenant, c’est une question de vie et de mort pour le Handelsblatt”: lors de son lancement en février 2000, en pleine euphorie boursière, le rejeton allemand du célèbre Financial Times britannique était bien sûr de lui.

Embarqués dans l’aventure: le groupe britannique Pearson et l’allemand Bertelsmann, chacun détenteur de la moitié du capital.

Mais sept ans plus tard, la bulle internet a explosé et le quotidien aux pages saumon, déficitaire, est toujours distancé par son très sérieux concurrent de Düsseldorf (ouest), fondé en 1946 et paraissant “chaque jour d’ouverture de la Bourse” depuis 1959.

L’actionnaire britannique semble perdre patience. Pearson, qui s’est déjà débarrassé du français Les Echos, a bien tenté de revendre sa part dans le FTD au prestigieux hebdomadaire Spiegel, sans succès.

Alors, le Financial Times Deutschland est-il le “journal dont personne ne veut”, comme l’a écrit le Frankfurter Rundschau ?

En terme de ventes, le quotidien saumon reste distancé par le Handelsblatt: au troisième trimestre, le second a vendu 143.415 journaux par jour, contre 103.489 pour le FTD, selon le pointage de l’organisme IVW.

Et d’après l’institut de recherche Media Tenor, le FTD est même moins souvent cité par les médias allemands que son illustre ancêtre, le Financial Times britannique.

“Le Handelsblatt est une institution. Mais le FTD a trouvé sa place” et “enrichit le paysage médiatique”, tempère Matthias Vollmacht, expert de Media Tenor, interrogé par l’AFP.

“Avant son arrivée, le journalisme économique en Allemagne était très proche des chiffres, des bilans trimestriels. Le FTD a amené plus d’intérêt pour les tendances de long terme des marchés”, explique-t-il.

Les plumes du FTD “sont un peu plus acérées. Les autres (Handelsblatt mais aussi les rédactions économiques des grands quotidiens généralistes) ont tendance à être plus bienveillantes dans leur couverture”, estime encore M. Vollmacht.

Le journal saumon avait provoqué un tollé en 2002 et 2005 en donnant des consignes de vote pour les législatives, d’abord pour les conservateurs (CDU/CSU), puis pour les libéraux (FDP). Une pratique courante dans la presse anglo-saxonne mais qui a choqué en Allemagne.

Le FTD, qui valorise les informations exclusives au point de récompenser par une bouteille de champagne les auteurs de “coups” journalistiques, se voit aussi reprocher de “survendre” des scoops qui n’en sont pas vraiment.

Sa première Une annonçait ainsi une restructuration historique du groupe Siemens. Qui n’a jamais eu lieu… “Ils se sont un peu calmés de ce côté-là”, assure M. Vollmacht.

Même s’il s’en défend, le vénérable Handelsblatt, partenaire en France de La Tribune, a bien pris acte de l’émergence de son rival. Il a converti son cahier “Finances” en format tabloïd afin de dynamiser un peu sa maquette, et a adopté les “Une” décalées du FTD, à base de photomontages.

La guéguerre que se livrent les deux titres prend parfois des allures cocasses. En 2005, pour son anniversaire, l’impertinent FTD avait envoyé des hôtesses distribuer des chocolats devant le siège du Handelsblatt.

Il avait aussi garé un véhicule publicitaire à ses couleurs devant l’immeuble de la concurrence. Manque de chance, sur une zone de stationnement interdit: la rédaction du Handelsblatt en rit encore…

 09/11/2007 10:34:13 – © 2007 AFP