Eurotunnel croit en sa rentabilité et parie sur le fret

 
 
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Un train Eurostar sort du tunnel sous la Manche, le 13 juillet 2006 (Photo : Denis Charlet)

[12/11/2006 10:01:09] PARIS (AFP) Eurotunnel veut miser sur le transport de marchandises en développant son offre de navettes camions et en donnant vie à sa filiale fret Europorte 2, une façon de croire en sa rentabilité à long terme, une fois réglé le problème de son endettement astronomique.

“Il y a deux vies chez Eurotunnel”, résume Jean-Pierre Trotignon, directeur des opérations du groupe : d’un côté la dette et de l’autre une société rentable, qui affiche désormais un projet industriel.

Il faut entrer “dans un mécanisme vertueux qui permette un développement du tonnage du fret ferroviaire”, a déclaré vendredi le PDG de l’exploitant du tunnel sous la Manche, Jacques Gounon, en marge d’une visite du site à Coquelles (Pas-de-Calais).

Eurotunnel réussira-t-il là où la SNCF a pour le moment échoué ? Le fret — principal foyer de pertes de la société nationale– n’est quasiment nulle part rentable en Europe, regrettait encore récemment Guillaume Pépy, numéro deux de la SNCF.

A la différence du trafic passagers (navettes voitures et autocars), désormais “stabilisé”, “le marché fret transmanche continue à croître”, assure Jean-Pierre Trotignon chez Eurotunnel.

Les difficultés du fret “classique” transmanche sont pourtant criantes avec seulement 1,6 million de tonnes en 2005 acheminées par la SNCF et le britannique EWS, soit 18,9% de moins qu’en 2004.

Mais Eurotunnel mise surtout sur ses propres “navettes camions” de ferroutage : des rames de 800 mètres de long qui font traverser la Manche à 30 semi-remorques en une demi-heure. Ainsi, 1,3 million de camions, soit l’équivalent de 17 millions de tonnes de marchandises, ont emprunté le tunnel en 2005, selon les chiffres du groupe.

Le chiffre d’affaires du fret a représenté environ 250 millions d’euros en 2005 sur un total de près de 800 millions.

Eurotunnel peut “sans difficulté” augmenter ses capacités fret de 50%, a assuré Jacques Gounon, sans donner d’échéance.

Pour ce faire, le groupe prévoit à partir du 1er janvier une amélioration de la fluidité du trafic avec des travaux de maintenance mieux répartis et une augmentation des rotations aux heures de pointe.

Le groupe promet aussi aux routiers, parfois coincés des heures à l’embarquement, une réduction de l’attente, avec par exemple 15 mn au lieu de près de 30 entre les départs.

Eurotunnel table aussi sur une politique de ristourne sur les prix en cas d’abonnement à long terme.

Le groupe vient d’ailleurs de signer un contrat quinquennal avec un transporteur routier néerlandais, Nedexco, qui assure 300.000 passages de camions en cinq ans au tunnel. Les parties ont refusé de dévoiler le montant de la ristourne accordée par Eurotunnel.

Au-delà des navettes camions, Eurotunnel souhaite aussi lancer du fret “classique”, via sa filiale dédiée Europorte 2, dont les premiers convois pourraient circuler en 2007, selon le directeur des opérations Jean-Pierre Trotignon.

Créée en 2003 dans la foulée de l’ouverture à la concurrence des lignes fret internationales, Europorte n’a jamais fait circuler aucun train.

Autant d’annonces destinées à rassurer investisseurs, salariés et actionnaires. Mais le sort de l’exploitant du tunnel, sous la protection de la justice depuis début août, est encore suspendu aux négociations sur son énorme dette.

Les créanciers doivent se prononcer le 27 novembre sur le plan de restructuration financière qui devrait réduire de moitié la dette du groupe et la faire passer de plus de 9 milliards d’euros à 4,16 milliards.

Sans accord – ce qui semble toutefois improbable – la justice pourrait décider le placement en redressement judiciaire du groupe.

 12/11/2006 10:01:09 – © 2006 AFP