Le Vietnam à l’OMC ou l’interminable apprentissage de l’économie de marché

 
 
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Des agricultrices vietnamiennes transportent de la paille sur leurs vélos en banlieue de Hanoi, le 7 novembre 2006 (Photo : Hoang Dinh Nam)

[08/11/2006 09:04:47] HANOI (AFP) En rejoignant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Vietnam a obtenu mardi la récompense de vingt ans de réformes. Mais les analystes le soulignent avec force, il n’est pas pour autant devenu une économie de marché.

Les concessions effectuées par le pays communiste pour son adhésion à l’OMC sont certes fondamentales au regard de ce qu’était son économie centralisée à la fin des années 80.

L’ouverture du marché des biens et des services, la réforme fiscale et administrative, le respect de la propriété industrielle lui ont permis de franchir un bond en avant vers le libre-échange.

Mais les schémas de pensée traditionnels ont la peau dure. “L’apprentissage par le Vietnam de ce que signifie l’économie de marché a toujours été une pente très raide”, estime Carl Thayer, expert du Vietnam à l’Australian Defence Force Academy.

“La chose la plus difficile pour le pays a été d’accepter d’ouvrir autant de secteurs de son économie à des sociétés potentiellement cent pour cent étrangères.”

La masse des réformes ne compense pas entièrement les résistances idéologiques, les habitudes héritées de l’économie planifiée et la volonté du Parti communiste de garder le contrôle de certaines activités.

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La délégation vietnamienne et le directeur de l’OMC Pascal Lamy, le 7 novembre 2006 à Genève (Photo : Fabrice Coffrini)

Le secteur public continue de bénéficier de traitements préférentiels. La privatisation est lente. La Bourse est sous-développée”, constate Carl Thayer.

Quant au Bureau politique du Parti communiste, l’organe le plus puissant du pays, “c’est un bloc conservateur sans expérience dans la gestion et la régulation de l’économie”.

Certains analystes soutiennent que la voie vietnamienne, appelée “économie de marché à orientation socialiste”, a le mérite d’éviter une surchauffe du système.

L’apprentissage par étapes a été nécessaire, rappelle Doan Viet Dai Tu, du groupe d’investissement et de conseils Openasia.

Il y a une dizaine d’années, “l’Etat vietnamien a compris qu’il ne connaissait pas le marché et qu’il existait des modes de régulation qui ne sont pas des mécanismes autoritaires mais des mécanismes d’équilibre entre offre et demande”, explique-t-il.

Le régime ne s’est pas pour autant livré corps et âme. “Les Vietnamiens sont pragmatiques et apprennent sur le tas. C’est une économie de transition graduelle et de test. Ils essayent quelque chose; si ça marche ils accélèrent, sinon ils ajustent ou font marche arrière”, ajoute l’homme d’affaires.

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Le Vietnam devient le 150e Etat membre de l’OMC

Aujourd’hui, juristes, parlementaires et chef d’entreprises vietnamiens n’ont pas tous les connaissances nécessaires pour appréhender dans son intégralité ce que signifie l’OMC.

“C’est un long processus d’apprentissage, et il y a toujours beaucoup de gens qui ne savent pas ce que cela veut dire en terme d’engagements légaux”, estime Fred Burke, avocat chez Backer et McKenzie à Ho Chi Minh-Ville (sud).

“Les membres de l’équipe de négociations du ministère du Commerce sont devenus des experts de classe mondiale en terme de négociations à l’OMC. La question est de savoir à quel point cette connaissance a débordé de ce groupe restreint”.

“Il y a un fossé entre les principes de l’OMC et leur perception générale chez beaucoup de responsables vietnamiens”, ajoute l’avocat.

De fait, ni les Etats-Unis ni l’Union européenne n’ont encore accordé au Vietnam le statut d’économie de marché, une lacune qui empoisonne Hanoï à chaque dispute commerciale.

Début octobre, l’UE a imposé des taxes anti-dumping de 10% sur les chaussures de cuir vietnamiennes, arguant du fait que l’Etat accordait aux producteurs des avantages qui perturbaient les lois du marché.

“Même si les Vietnamiens ne sont pas contents du résultat de l’affaire de la chaussure, ce qu’il en reste, c’est la nécessité d’accélérer les négociations sur le statut d’économie de marché”, se félicite un diplomate européen.

 08/11/2006 09:04:47 – © 2006 AFP