L’Afrique, au cœur de la nouvelle donne géopolitique

Par : Tallel
 
 

afrique200200906.jpgLongtemps laissé à
l’agonie, le continent africain est en train de voir sa cote réévaluée, au
point d’attirer toutes les puissances à son chevet. Dernière en date, la
Russie, avec la visite de Vladimir Poutine en Afrique du Sud et au Maroc.

L’avènement du nouvel ordre mondial post 11 septembre a redonné à l’Afrique
une importance géostratégique compromise par la fin de la guerre froide. A
ceci deux facteurs principaux : la lutte déclarée par l’Amérique de Bush
contre le terrorisme partout où il surgit et, bien sûr, au moment où les
réserves de pétrole des pays du Golfe s’épuisent, la ruée vers l’or noir
africain.  

Vu de
Washington, la bande du Sahel, du sud algérien à la Somalie, avec ses
frontières poreuses et sa corruption endémique ressemble à une base arrière
idéale pour les djihadistes de tout poil : d’où la reprise en main de la
région, à travers une plus grande coopération économique et militaire avec
ces pays en échange de mesures volontaristes pour juguler l’avancée de
l’islamisme radical, du Sénégal à l’Erythrée, en passant par le Maghreb (la
percée des milices des Tribunaux islamiques en Somalie vient pourtant
contredire le succès de cette politique).

Mais le
principal enjeu dans ce regain d’intérêt pour l’Afrique, reste la
diversification de l’approvisionnement énergétique, face à la perspective de
l’épuisement des réserves d’un Moyen-Orient chaotique. Or, l’Afrique et ses
gisements d’hydrocarbures au Nigeria, en Angola, en Algérie, au Gabon, en
Libye, au Tchad, etc., qui fournissent actuellement 10% de la production
mondiale, semble la mieux placée. Au point que dès 2020, un quart des
importations de brut aux Etats-Unis pourraient provenir du continent (elles
sont à l’heure actuelle de 15%).

Mais les
Américains ne sont plus seuls sur ce marché porteur. Leur principal
concurrent, la Chine, dont la demande énergétique croît de manière
exponentielle, y investit de plus en plus : «les
Chinois deviennent des maîtres de l’influence indirecte. Ils établissent des
communautés financières et des avant-postes diplomatiques
»,
expliquait le journaliste américain Robert D. Kaplan en 2005 dans les pages
de The Atlantic Monthly,
et leurs compagnies sont déjà présentes au Nigeria, au Gabon, au Soudan
(voir l’article de Philippe Cohen «Quand
la Chine ratisse l’Afrique
», dans le n°479 de
Marianne
)…

De ce
renforcement de la présence américaine et chinoise, découle évidemment une
réorientation de la stratégie russe en Afrique. C’est dans cette optique
qu’il faut apprécier la visite historique d’un président russe en Afrique du
Sud et au Maroc.

Longtemps terrain d’affrontement des deux blocs lors de la guerre froide,
l’Afrique, au même titre que l’Amérique Latine, avait été délaissée par la
Russie. Vladimir Poutine, dont on connaît la volonté de réaffirmer la
puissance de son pays sur la scène internationale, cherche à renouer des
liens historiques tissés jadis avec les mouvements de libération nationale
(l’URSS avait par exemple soutenu le combat de l’ANC contre le régime de
l’Apartheid). Elle-même grande productrice d’hydrocarbures, la Russie
cherche à reprendre pied en Afrique en développant ses échanges avec
Pretoria dans les domain es du nucléaire civil, des minéraux et des métaux
précieux («des projets représentant
des milliards de dollars
», soulignait Poutine) et avec Rabat,
dans ceux du tourisme et de l’armement.  

Une
question se pose : le nouveau positionnement de l’Afrique, aux confluences
des intérêts géostratégiques planétaires, va-t-il lui être bénéfique ? Rien
n’est moins sûr. Les places laissées vacantes par la France et le
Royaume-Uni sont chères. Si le lobbying américain auprès de l’Onu en faveur
du Darfour –sûrement pas totalement dénué d’arrière-pensées– va sans doute
permettre l’arrivée de milliers de casques bleus au Soudan, on sait que la
voracité énergétique de la Chine n’est pas étrangère aux tensions
récurrentes entre le Tchad et le Soudan ; ailleurs, au Nigeria, la
population Ija w désespère de voir les fruits de l’exploitation des
gisements du delta du Niger (que se partagent les consortiums étrangers)
mieux répartis, et la région est au bord du chaos. Sans compter le putsch
avorté en Guinée Equatoriale (en 2004), ou les désordres écologiques et
humanitaires que peut représenter la construction de l’oléoduc reliant le
Tchad à la façade maritime du Cameroun.

Quant à
la lutte contre le terrorisme, c’est le moins que l’on puisse dire, elle n’a
pas remis en cause outre mesure le pouvoir des potentats locaux, alignés sur
la politique de l’administration américaine.

(Source :

www.marianne-en-ligne.fr
du

07/09/2006)