Candidats à l’émigration clandestine : l’Europe est loin d’être un Eldorado !

Par : Autres

Candidats à l’émigration clandestine : l’Europe est loin d’être un Eldorado
!

 

bloc_08102004.jpgDes
milliers de nos jeunes se portent chaque année candidats à l’émigration,
clandestine ou légale. Malgré les très grands risques qu’ils encourent
(allant d’une peine de prison jusqu’à la mort), ils continuent de rêver
d’une Europe qui leur permettrait de s’enrichir du jour au lendemain. S’ils
changent de regard, et réfléchissent un peu, ils verraient rapidement que
cette Europe est loin d’être un Eldorado et qu’ils pourraient le faire dans
leur pays d’origine s’ils mettaient sérieusement la main à la pâte.

Deux mille euros ! Tel a été le prix de la mort de dizaines de candidats à
l’émigration clandestine, le samedi 2 octobre à Chatt Meriem. Deux mille
euros ! Soit trois mille de nos dinars, soit plus de seize SMIG payés par de
jeunes gens croyant qu’en Europe, l’argent se ramasse à la pelle. Ce qu’on
peut appeler tout simplement une catastrophe, a touché cette fois
essentiellement de jeunes Marocains, mais la mer et la mort ne choisissent
pas leurs victimes en fonction de leur nationalité.

 

Et les jeunes candidats à l’émigration clandestine, Tunisiens , ou
originaires de l’Afrique subsaharienne et même de l’Asie en général, ne sont
pas en reste . Selon les statistiques, environ 30% des clandestins sont des
Tunisiens, tandis que les 70% restants sont des Maghrébins, des
ressortissants de l’Afrique subsaharienne, voire des Asiatiques.

 

Tous les jours, la mer apporte, sur les côtes Tunisiennes ou libyennes, son
lot de morts. Tous les jours, nos gardes-côtes, empêchent ou interceptent
des embarcations partant vers Lampedusa (l’île Italienne la plus proche des
côtes Tunisiennes). Malgré une batterie de lois réprimant très sévèrement
toute organisation ou participation à l’émigration clandestine, les
candidats ne désespèrent pas. Bien que leur situation financière leur ait
permis de réunir des sommes importantes pour ce voyage et bien qu’ils aient
suivi (pour certains d’entre eux) des études supérieures, ils ne reculent
pas devant le danger et le rêve d’un Eldorado en Europe alors que leur
situation leur permet de démarrer un projet rentable dans leur pays.

Selon les chiffres donnés par l’Union Européenne, derrière 90% des
demandeurs d’asile, venant à travers ce chemin, se cachent des motifs
économiques. Les jeunes Africains (qu’ils soient du nord ou du sud)
souffrent pour la plupart dans leur pays , du chômage, de la précarité et
d’une surexploitation . Ils allument la télé, ils voient la « Star Ac » et «
Qui veut gagner des millions », et observent de jeunes gens de leur âge, pas
nécessairement plus cultivés qu’eux, gagner justement ces millions et mener
la belle vie.

Ces mêmes jeunes gens viennent, en touristes, se prélasser l’été chez eux
dans leurs hôtels qui sont, pour eux les autochtones, inaccessibles. Ils
voient les cousins et voisins partis en Europe, il y a quelques années,
rentrer avec de belles voitures, une belle femme et dépenser sans compter.
Conclusion hâtive et irréfléchie : en Europe, on gagne de l’argent
facilement.

Ce que, ces jeunes ne voient pas, cependant , c’est le revers caché souvent
inconsciemment. de la médaille et même quand on leur fait découvrir ce
revers, ils refusent de voir la réalité en face et laisser disparaître un
rêve qu’ils ont nourri durant des années.

A la télé , ils ne voient jamais les éboueurs, les maçons, les ouvriers et
mille autres petits boulots où les gens travaillent des heures pour gagner
des pacotilles, des gens qui sortent très souvent épuisés d’une journée de
labeur . Ces jeunes ne suivent jamais les infos sur les cités des banlieues
des différentes capitales ou des grandes villes Européennes (notamment du
sud) où la saleté, l’insécurité et la pollution (sous différentes formes)
sont monnaie courante. Ils oublient que le cousin ou voisin parti en Europe
est souvent un « flémard » qui adore se vanter et s’encenser ne vivant que
du « m’as- tu vu ». Au « bled » (comme ils disent), ils circulent dans une
belle voiture, mais chez eux en Europe, ils vivent dans un petit studio
délabré et se réveillent à cinq heures du matin pour prendre le métro par
zéro degré.

Qu’on ait du chômage, c’est indéniable, que le niveau de vie du Tunisien ou
du Marocain soit inférieur en moyenne à celui de l’Européen de l’ouest,
c’est indéniable également. Seulement, il faudrait peut-être balayer devant
nos portes et que chacun de nos jeunes, au lieu de penser à partir
illégalement, s’interroge s’il pourrait accepter un petit boulot dans son
pays d’origine comme il serait disposé à le faire ailleurs en Europe.

Qui parmi nos jeunes à Tunis, candidats à l’émigration, accepterait sans
protester un petit boulot de huit heures par jour pour 200 dinars? Combien
de nos jeunes, avant de prendre la poudre d’escampette, se sont interrogés
sur le nombre d’heures perdues au café et sur le nombre d’heures consacrées
au contraire à rédiger des CV et à essayer de décrocher des rendez-vous pour
des emplois ? Combien parmi eux ont-ils refusé un emploi dans un call
center, dans un magasin, dans une PME, juste parce que ce qu’on leur offrait
était inférieur à ce dont ils rêvaient ou parce que le boulot en question
exigeait plusieurs heures de travail sérieux ?
Savent-ils qu’en Europe, généralement, huit heures de travail, ce sont huit
heures de travail effectif non entrecoupé de pause café, pause pipi, pause
cigarettes, pause téléphone, etc… ?

Se sont-ils interrogés sur les raisons qui ont poussé les centaines de
milliers de SDF (sans domicile fixe) dans la rue ? Il n’est pas rare de
trouver parmi les SDF Européens (de souche) des diplômés qui ont échoué dans
leur boulot pour se retrouver du jour au lendemain dans l’incapacité de
payer un loyer ? Combien de nos jeunes s’intéressent -ils aux émissions
Françaises couvrant au mois de décembre les « Restos du cœur » où l’on voit
des milliers de Français faire la queue pour manger à leur faim ?

Ces jeunes qui ont réuni des milliers de dinars (ou d’euros) pour le départ,
n’auraient-ils pas mieux fait de démarrer un projet individuel ou, mieux
encore, de le faire avec d’autres en mettant en commun ces montants
importants?
Il aurait suffi que ces jeunes posent la question aux Européens vivant ici
ou aux Tunisiens qui sont rentrés après des années d’émigration légale ou
illégale en Europe (ou en Amérique) pour réfléchir à deux fois avant de se
jeter dans la « bouche des requins » après avoir casqué des milliers de
dinars qu’ils auraient pu investir rentablement dans un projet dans leur
pays.

Le temps investi à réfléchir au départ, à rassembler le montant exigé par
les passeurs et à trouver quelqu’un (et le convaincre) pour les accueillir
au Nord de la Méditerranée, n’aurait-il pas été mis mieux à profit à mûrir
un projet ? Un projet qui n’aurait certainement pas rapporté gros, mais qui
ne les aurait pas mené au tombeau !

 

R.B.H.

 

11 -10 – 2004 ::
07:00

 ©webmanagercenter – Management & Nouvelles Technologies
– Magazine en ligne