Voiture sabotsEfficience chirurgicale lorsqu’il s’agit de poser un sabot ou de remorquer une voiture garée en zone bleue — même si le conducteur est en détresse, même si l’arrêt dure une minute devant une pharmacie. Mais efficience fantomatique lorsqu’il s’agit de marchés municipaux anarchiques, de trottoirs squattés, ou de déchets qui s’amoncellent dans les artères de la capitale.

La police municipale, bras opérationnel de l’Agence Municipale de Gestion (AMG), semble avoir trouvé son terrain de jeu favori : les contraventions. Là, tout fonctionne à merveille — rapidité, rigueur, intransigeance, et même une forme d’inhumanité. Le citoyen devient cible, le véhicule devient faute, et la loi devient couperet.

Deux poids, deux mesures

Mais ailleurs ? Silence radio. Les étals illégaux prolifèrent, les escaliers poussent sur les trottoirs, les ordures s’invitent dans les avenues… sans que l’AMG ne déploie la même ardeur. Deux poids, deux mesures, appliqués avec une constance troublante.

Et si cette sélectivité n’était pas fortuite ? Car enfin, que rapporte une voiture verbalisée ? Une amende, un sabot, une remorque… Des gestes qui ne relèvent pas autant de la régulation que de la rentabilité. Des recettes immédiates, des flux garantis, un rendement assuré.

L’injustice urbaine

Et dans des zones comme le Centre urbain Nord — cité médicale, administrative, saturée — l’injustice devient structurelle. Car l’erreur première est urbanistique : un plan d’aménagement défaillant, incapable d’anticiper l’évolution du site, ni de prévoir des parkings à la hauteur des besoins. Mais comme toujours, c’est le citoyen qui trinque. Pris en étau entre une logistique absente et une répression omniprésente.

Mardi dernier, j’ai payé une heure de stationnement devant une clinique. Le ticket est tombé par mégarde sur le siège en fermant la portière.  Le sabot est tombé, sans appel ! Je montre le reçu à l’agent. Il a reconnu ma bonne foi. Mais il a tout de même exigé les 23 dinars. La loi, m’a-t-il dit. Mais quelle loi ? Celle qui voit sans regarder ? Celle qui punit sans réfléchir ?

L’efficience, principe ou calcul ?

La mission de l’AMG est pourtant vaste : marchés hebdomadaires, stations de louage, Palais des Congrès, cérémonies de mariage… Mais c’est sur les zones bleues que s’exerce son zèle. Comme si l’efficience n’était pas un principe, mais un calcul.

Alors, faut-il conclure que la police municipale gagne au change ?
Qu’elle choisit ses combats en fonction de ce qu’ils rapportent ? Qu’elle applique la loi là où elle est rentable, et l’oublie là où elle dérange ?

La question reste ouverte. Mais les sabots, eux, tombent comme des verdicts.

A.B.A