“Beaucoup plus qu’un livre d’histoire, la Muqaddima est un projet intellectuel pour une compréhension globale de l’urbanisme, des dynamiques du pouvoir et des transformations sociétales”, a déclaré la Sud-coréenne Karima Kim, lauréate, “International”, du prix Ibn Khaldoun pour la promotion et la recherche dans les sciences humaines 2025 pour sa traduction de la Muqaddima en langue coréenne.

La professeure coréenne s’exprimait dans une intervention faite à l’occasion de la cérémonie de remise du «Prix Ibn Khaldoun” 2025 organisée, mardi, au Centre des Arts, de la Culture et des Lettres, Ksar Saïd, à Tunis. Ce prix est organisé par la Chaire ICESCO « Ibn Khaldoun pour la culture et le patrimoine » de Ksar Saïd en partenariat avec l’association Med21.

Composé des historiens Abdelhamid Larguèche (président), Latifa Lakhdar et Faouzi Mahfoud, le comité d’évaluation du prix Ibn Khaldoun pour la promotion et la recherche dans les sciences humaines 2025, a attribute deux autres prix au Franco-marocain Mehdi GHOUIRGATE (Méditerranée) et au Tunisien Moncef M’halla (Pays d’accueil).

Deux prix honorifiques ont été également décernés, à titre posthume, aux Professeurs tunisiens Ahmed Abdessalem et Aboul-Kacem Mohamed Kerrou en présence des membres de leurs familles respectives.

Dans son intervention intitulée “La Muqaddima un pont entre les langues et les civilisations”, l’auteure de la traduction de la Muqaddima en coréen, a estimé que “la pensée d’Ibn Khaldoun dépasse son cadre spacio-temporel. Elle propose des outils d’analyse qui demeurent utiles à notre époque”.

Beaucoup plus qu’un historien appartenant au passé, “en Corée, Ibn Khaldoun est aujourd’hui considéré un penseur contemporain porteur d’une vision critique et d’un esprit ouvert sur l’autre”.

La Tunisie, pays d’Ibn Khaldoun, est “un lieu de mémoire mais aussi de pensée vivante et d’innovation”. Elle a évoqué un pays tourné vers l’avenir et largement imprégné par la pensée khaldounienne qui le guide, tel un flambeau, vers de nouveaux horizons.

La Professeure coréenne est revenue sur les conditions ayant entouré la traduction de son ouvrage en coréen, entamée en 2005. Elle dit avoir été poussée par un sentiment de devoir envers le lecteur coréen en vue de transmettre cette vision si profonde chez Ibn Khaldoun auprès de ses compatriotes et dans leur langue.

Cette traduction inédite est le fruit d’un voyage intellectuel et culturel de plusieurs années qu’elle souhaite partager, tout en affirmant une expérience au-delà du cadre académique, qui converge vers un processus assez personnel et profond.

La Professeure de Littérature arabe à l’Univerité de Hong-Kong des études étrangères à Séoul, Karima Kim est spécialiste en Littérature de la maqâma et Littérature arabe contemporaine de la diaspora.

Après avoir fait des études en langue arabe, depuis sa jeunesse, elle a eu son diplôme de Doctorat autour de l’oeuvre du célèbre écrivain, encyclopédiste et polygraphe arabe “al-Jahiz”, et son fameux ouvrage “Al Boukhala” (Les avares). Al-Jahiz, de son nom complet Abû Uthmân Amr Ibn Bahr Ibn Mahbûb al-Kinâni al-Fuqaymî al-Basrî, est un érudit de la pensée arabe qui a vécu entre 775/776 et 153/155 en Irak.

L’idée de traduire cette oeuvre émane d’une conviction chez l’autrice que ce projet constitue un pont entre les civilisations et ouvre de nouveaux horizons pour le dialogue entre l’Asie de l’Est et le Monde arabe”.

La traduction est un travail qui n’est pas sans contraintes, a-t elle avoué, évoquant des contraintes d’ordre linguistique et lexique et en lien avec la construction des phrases assez longues, les noms historiques et les contextes culturels. Pour l’autrice, il a fallu, par souci de précision, trouver un équilibre entre ces divers éléments tout en respectant le texte original.

Cette traduction a pris six longues années, une période qui dépasse celle passée par Ibn Khaldoun pour la finalisation de son fameux manuscrit.

La version coréenne de “la Muqaddima a eu un large écho dans les milieux académiques et culturels en Corée du Sud”. Sa parution a été largement médiatisée ce qui a créé un intérêt pour la civilisation islamique et la pensée arabe”.

La Muqaddima sera au cœur d’une conférence filmée prévue cet été dans le cadre des classiques de la littérature mondiale présentés à l’Université nationale de Séoul.

En 2020, cet ouvrage en coréen était parmi les œuvres lauréates du prestigieux prix Qatari “Prix Sheikh Hamad pour la traduction et la compréhension international”. Cette œuvre monumentale a vu le jour au Sud de la Méditerranée est aujourd’hui traduite vers d’autres langues dont la langue cooréenne

Véritable vecteur d’interculturalité, la traduction, selon la professeure coréenne, ne se limite pas à transmettre les mots. Elle est un outil pour comprendre l’autre et construire les ponts entre les esprits et les cultures”.

A travers cette œuvre, elle dit avoir voulu donner un aperçu de la profondeur de la pensée arabe et la richesse de sa civilisation”.

La professeure Karima Kim a souhaité voir cette rencontre jeter les bases d’un “dialogue constant entre l’Orient et l’Occident et entre les langues et les cultures dans le cadre de la compréhension et du respect mutual.”