L’oeuvre du grand romancier tunisien d’expression arabe, Hassanine Ben Ammou, est à l’honneur au Forum tunisien de la pensée Modernité tunisienne qui lui consacre deux rencontres nocturnes, les 2 et 3 avril, à la Cité de la Culture.

Des écrivains, poètes, chercheurs universitaires et critiques littéraires ont participé à la première rencontre organisée, mardi soir, à la salle Sophie Goulli. Ce rendez-vous a été modéré par l’universitaire Jalila Al Tritar, lauréate du 17e Cheikh Zayed book Award (catégorie Critique Littéraire et artistique).

Le président du Forum de la pensée Modernité tunisienne, l’écrivain et chercheur, Mohamed Al May, était parmi les intervenants dont des universitaires et écrivains tels que Samir Massaoudi, Taoufik Al Alaoui et Mustapha Kilani ou encore le poète Moncef Ouhaibi.

Les interventions ont jeté la lumière sur l’oeuvre romanesque et l’expérience narrative de Hassanine Ben Ammou qui était présent à cette première rencontre.

Lectures dans l’oeuvre d’une icône littéraire nationale

A cette occasion, El May a annoncé la sortie du trente-troisième livre de la série “Icônes de la culture tunisienne” dédiée aux penseurs, romanciers, écrivains, poètes et autres créateurs tunisiens. Auparavant, il a rappelé la vocation de ce forum qui célèbre l’oeuvre des créations littéraires et intellectuelles nationales.

Malgré son abondance, l’oeuvre de Ben Ammou n’a pas eu l’intérêt qu’elle méritait de la part de la critique, a estimé El May dans un bref aperçu de son parcours littéraire. Il a relevé “le manque de documentation sur la carrière de ce grand créateur au parcours inédit et unique qui constitue un phénomène sur la scène romanesque tunisienne”.

« Largement connu par ses romans du genre historique, Ben Ammou s’est également fait connaitre dans l’écriture du scénario. C’est aussi un artiste visuel qui a à son actif plusieurs expositions personnelles ainsi que des participations à des expositions collectives », a encore dit le président du Forum.

Dans sa lecture de « Al Karroussa” (La calèche), des contes de Ben Ammou inspirés de plusieurs déambulations dans la Médina, Al Alaoui s’est attardé sur ce qu’il qualifie de « pièges narratifs déroutants ». “Ce type de narration témoigne de la créativité chez Ben Ammou”, a souligné cet écrivain et spécialiste en linguistique qui enseigne à la Faculté des lettres, des arts et des Sciences Humaines de la Manouba.

Cependant, Ben Ammou, cette grande icône littéraire nationale n’a pas été appréciée à sa juste valeur, a-t-il considéré, imputant ce manquement à l’Université tunisienne.

Entre histoire et roman

Une lecture du roman « Bab El Falla » a été faite par le poète Moncef al Ouhaibi qualifiant un roman “Sherazadien”, à l’image de la structure des contes de Scherazade sont une collection de contes merveilleux issus de la tradition orale arabe. Il a présenté l’oeuvre d’un romancier connaisseur de l’histoire tunisienne et un texte littéraire historique avec un style d’écriture aux allures du documentaire, se rapprochant parfois du reportage”

“Bab El Falla” (2005), lauréat d’un Comar d’or en 2006, est un roman dans lequel l’auteur aborde la fin du règne des hafsides (1560-1574) et de l’occupation espagnole et le début du pouvoir ottoman à Tunis.

L’écrivain Mustapha Kilani a parlé des écrits de Ben Ammou, le George Zeidan tunisien, tel qu’on surnomme, et ses textes déroutants encombrés de personnages et d’actions. Partant de la relation entre le roman et l’histoire chez des théoriciens et penseurs tels que le Français Paul Veyne (1930-2022) et l’Allemand Reinhardt Koselleck (1923-2006), Kilani a aussi parlé « du roman tunisien qui était toujours indissociable de l’écriture de l’histoire ou en était motivée ».

L’écrivain a conclu que l’approche romanesque chez Ben Ammou se démarque par une fusion entre la fiction et le récit historique au point qu’il est difficile de faire la différence entre le fictif et le réel.

Proposant une lecture chronologique de l’intégralité de l’ouvre de Ben Ammou, Samir Massaoudi a souligné que tous ses romans ont pour dénominateur commun les crises vécues par la Tunisie sur différentes époques, ainsi que des récits autour d’histoires d’amour entrelacées. Il a souligné que les œuvres de cet avant-gardiste du roman historique en Tunisie, ont tendance à glorifier la fonction de l’imaginaire au détriment du cadre temporel. Ce dernier n’est autre qu’un terrain qui balise le chemin vers la construction de son récit, a-t-il expliqué.

Ben Ammou a interagi avec les différentes lectures données par les participants. Il a notamment parlé des circonstances de l’écriture de la biographie d’Ibn Khaldoun (27 mai 1332-17 mars 1406), après avoir été retissant à ‘”écrire sur cet érudit de la pensée arabe, natif de Tunis à l’époque des Hafsides, qui était philosophe, historien, économiste et sociologue.

Hassanine Ben Ammou est né à Dar Chaabane El-Fehri (Nabeul), le 5 mars 1948. Il est considéré comme l’un des grands romanciers spécialisés dans le genre historique connu pour son style narratif attrayant et léger.

Al Karroussa, Bab Al alouj, Rahmana, Bab El Falla, Al Moureskia, El Andalousia, Al Ghouroub Al Khaled, Al Kholkhal, Am al fzou 1864, Forsen Al Sarab et bien d’autres sont parmi les principaux ouvrages de romancier spécialiste de l’histoire médiévale et moderne de la Tunisie. Ses oeuvres ont été reproduites pour être réadaptés à la télévision et à la radio.

Au-delà de la plume, Ben Ammou a depuis longtemps trouvé refuge dans le pinceau pour réaliser des oeuvres d’une autre dimension.

Le rendez-vous avec ce grand romancier spécialisé dans le roman historique se poursuivra ce mercredi soir, dans une deuxième et dernière séance.