Impliqués dans des affaires de corruption et de détournement de fonds, conformément à l’article 96 du code pénal,  plusieurs anciens responsables de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG)  et des hommes d’affaires propriétaires de sociétés privées de transport des phosphates, ont écopé de peines de prison allant de 4 à 8 ans et de lourdes amendes dépassant les 40 millions de dinars.

La chambre criminelle spécialisée dans les affaires de corruption financière du tribunal de première instance de Tunis, qui a prononcé, le 26 février 2024, ces peines, a également décidé de suspendre les poursuites à la suite d’un règlement judiciaire en faveur d’un ancien député du parlement dissous et propriétaire d’une société de transport de phosphate.

Les accusés dans cette affaire hypermédiatisée ont été inculpés d’abus de pouvoir en tant que fonctionnaires publics pour en tirer un avantage indu pour eux-mêmes ou pour autrui, de nuire à l’administration, de violer les règles en vigueur pour réaliser ces avantages, et de participer à ces actes, et ce conformément à l’article 96 du code pénal.

“Plusieurs anciens responsables de la CPG et des hommes d’affaires ont été condamnés pour corruption et détournement de fonds.”

Discuté actuellement au parlement pour amendement, l’article 96 du code pénal stipule qu’il « est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende égale à l’avantage reçu ou le préjudice subi par l’administration tout fonctionnaire public ou assimilé, tout directeur, membre ou employé d’une collectivité publique locale, d’une association d’intérêt national, d’un établissement public à caractère industriel et commercial, d’une société dans laquelle l’Etat détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d’une société appartenant à une collectivité publique locale, chargé de par sa fonction de la vente, l’achat, la fabrication, l’administration ou la garde de biens quelconques, qui use de sa qualité et de ce fait se procure à lui-même ou procure à un tiers un avantage injustifié, cause un préjudice à l’administration ou contrevient aux règlements régissant ces opérations en vue de la réalisation de l’avantage ou de préjudice précités ».

Les révisions proposées, de quoi s’agit t-il ?

Quant aux révisions proposées, actuellement, par le parlement, elles portent, essentiellement sur un rétrécissement de la portée du crime, par rapport à l’expansion de la criminalisation contenue dans l’article 96.

Les propositions d’amendement délestent l’ancien texte de l’article 96 de certains ambiguïtés et imprécisions. Ainsi, elles exigent, dorénavant,  la présence de preuve de la mauvaise foi et de l’élément intentionnel, pour faire la différence entre l’erreur non-intentionnelle et l’acte criminel qui implique une négligence intentionnelle et préméditée de l’agent public de commettre cet acte avec l’intention d’obtenir un avantage ou de causer un préjudice à l’administration.

“Les peines prononcées vont de 4 à 8 ans de prison et de lourdes amendes dépassant les 40 millions de dinars.”

Les cas qui ne relèvent pas de la mauvaise foi ont également été clarifiés, tout en maintenant la peine privative de liberté, et en doublant même la sanction financière requise. Cela, en plus de stipuler que les poursuites ne devraient avoir lieu que dans le cas où la Cour des comptes le déciderait, ce qui éviterait des poursuites et des plaintes non sérieuses.

Une exigence de cohérence, les mêmes propositions prévoient l’abrogation de l’article 97 du code pénal pour une raison simple : éviter la double incrimination et sanction des mêmes actes.

“L’objectif est de mettre à l’épreuve le professionnalisme, la bonne foi et la probité des fonctionnaires tunisiens.”

Pour notre part,  nous pensons que l’article 96, une fois révisé, saura mettre à l’épreuve le professionnalisme, la bonne foi  et la probité  des fonctionnaires tunisiens.

Ces derniers, particulièrement, ceux qui occupent des postes de décision, n’auront plus l’opportunité d’exploiter cet article pour justifier leur immobilisme et inaction. Ils n’auront plus surtout, de considérer cet article comme un alibi, pour se déresponsabiliser. Car nous sommes profondément convaincus que l’immobilisme et le blocage des projets ne sont pas imputables au seul article 96 du code pénal mais également à bien d’autres paramètres de gouvernance.