«L’Algérie connaîtra, en 2024, la création de zones franches avec des pays frères, à commencer par la Mauritanie, puis les pays du Sahel tels que le Mali et le Niger, outre la Tunisie et la Libye », a déclaré, le 13 février 2024, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune dans une allocution prononcée par visioconférence lors de la 41e réunion du Comité d’orientation des chefs d’Etat et de gouvernement du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).

Située souvent à la frontière de deux pays, une zone franche est un espace clôturé dédié aux échanges commerciaux en exonération des droits de douane et proposant des installations d’entreposage, de stockage et de distribution.

Intégration régionale par les zones franches

Le non-dit dans la déclaration du Chef d’Etat algérien est néanmoins, hautement géostratégique. L’ultime objectif de cette initiative algérienne serait d’enclencher un processus d’intégration régionale new-look. Le timing de cette déclaration semble augurer d’importants changements d’alliances au niveau régional sous la houlette des prussiens algériens.

Annoncée à quatre jours seulement de la célébration du 33ème anniversaire de l’Union du Maghreb arabe (UMA, 17 février 1989)), l’annonce de la création de ces zones franches ne manque  pas d’enjeux. Elle peut être interprétée comme une proposition d’alternative algérienne à l’UMA qui, semble-t-il, serait un projet enterré à jamais, et ce, au regard, des hostilités structurelles qui prévalent, depuis des décennies, entre l’Algérie et le Maroc.

“L’Algérie connaîtra, en 2024, la création de zones franches avec des pays frères, à commencer par la Mauritanie, puis les pays du Sahel tels que le Mali et le Niger, outre la Tunisie et la Libye.”

Pour le cas de la Tunisie, la déclaration du Président algérien intervient après la visite que vient d’effectuer en Algérie, le ministre tunisien de l’intérieur, Kamel Fekih à la tête d’une délégation composée des gouverneurs des régions frontalières avec l’Algérie.

Au cours de cette visite, la commission bilatérale tuniso-algérienne pour la promotion des zones frontalières a concocté une feuille de route fort prometteuse.

Le document porte,  entre autres sur la création «d’une zone de libre-échange commune dans les régions de Taleb Larabi et Hazoua (Tozeur Tunisie». Ce serait un avant-goût des projets à lancer sur toute la frontière entre les deux pays

La Tunisie bien préparée à ce nouveau processus d’intégration régionale

Pour la Tunisie, le projet de création de zones franches avec l’Algérie ne date pas d’aujourd’hui. Il a fait l’objet de plusieurs études : l’étude menée par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), l’étude menée par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) sur la création d’une “zone maghrébine d’industrialisation et de libre-échange commercial” et l’étude élaborée par l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) intitulée “La Tunisie et ses pays voisins: risques communs et solutions partagées”.

“L’ultime objectif de cette initiative algérienne serait d’enclencher un processus d’intégration régionale new-look.”

Les zones franches identifiées en Tunisie sont situées pour la plupart à proximité des frontières avec les deux pays voisins. A la frontière tuniso-libyenne, deux zones seront ainsi créées à Ben Guerdane (gouvernorat de Médenine) et à Choucha (gouvernorat de Tataouine). A la frontière tuniso-algérienne, il est prévu de créer trois zones à Hazoua (gouvernorat de Tozeur), Bouchebka (gouvernorat de Kasserine) et à Melloula (gouvernorat de Jendouba).

Un projet de loi régissant les zones franches est fin prêt

Sur la base de ces études le gouvernement tunisien avait même concocté un projet de loi en 2017.

Ce projet de texte, qui gagnerait à être dépoussiéré dans les meilleurs délais,  prévoit au plan institutionnel la création d’une structure nationale qui sera chargée de gérer ces zones. Ces dernières auront, d’après le projet du texte, le statut de zones à caractère économique public. L’Etat ou les collectivités publiques participeront au capital de ces zones franches à hauteur de 50% au moins.

Au rayon des incitations, elles bénéficieront d’avantages fiscaux (exonération de la TVA, exonération de l’impôt sur les bénéfices ou les plus-values, etc.) et des exonérations de droits de douane (taxes à l’importation ou à l’exportation).

“La Tunisie est bien préparée à ce nouveau processus d’intégration régionale.”

Dans le détail, le projet de loi prévoit des mesures spéciales: un horaire spécial, suppression au maximum des autorisations, un guichet unique pour fournir sur place toutes sortes de prestations administratives, exonération des opérations de change, des procédures du contrôle du commerce extérieur, exonération du commerce de détail et des prestations de services du contrôle de change (ces derniers seront toutefois soumis à une autorisation de la BCT).

C’est pour dire, in fine que la Tunisie est bien préparée pour adhérer à cette nouvelle dynamique d’intégration régionale propulsée par les zones franches. Le seul chaînon qui manque serait à notre avis, le retard monstre qu’accuse la réalisation du tronçon autoroutier Bousalem- frontière algérienne, objet d’inexplicables reprises d’études de faisabilité technico-économiques.