Privée d’ajuster son prix de vente, sevrée de subventions, la filière est en stress financier. Aller vers la vérité des prix, serait la ‘’juste’’ solution ?

Vendredi 10 courant, la CONECT organisait son troisième congrès. Le choix économique de la Centrale privilégie une politique économique sectorielle. Un panel a été organisé pour la circonstance, se penchant sur la situation de quelques filières clés de l’économie tunisienne.

Ali Klebi PDG de la société Vitalait, a exposé la situation de l’industrie laitière mise à mal par la rigidité de la politique des prix des produits dits de base. Une piste pour aider la filière à renouer avec la performance a été présentée. La filière sévèrement écrémée, peut se remettre, au prix d’un ajustement de marché, à faire son beurre ! Détails.

Un Pari gagnant 

Le parcours de l’industrie laitière en Tunisie est édifiant. Il faut savoir que jusqu’en 1983 on a importé du lait en poudre. À cette date et par souci de souveraineté alimentaire la production locale a été amorcée avec une approche volontariste. En régime de croisière la filière comptait 112.000 petits producteurs possédant 5 à 7 têtes. Près de 250 collecteurs, privés en majorité, assurent le ramassage. Quarante conditionneurs/ industriels ferment la marche.

Près de 15 % du cheptel a été perdu

Le pays après avoir accédé à son autosuffisance a pu dégager un excédent à l’export. La formation du prix était simple. Le prix de production se situait à 1,980 dinar. L’État ristournait 640 millimes aux conditionneurs de sorte que le prix public soit de 1,340 dinar. Et Ali Klebi de soutenir que le marché roulait tranquillement. Mais une première fissure est apparue. L’État, n’a pas servi la subvention aux conditionneurs et puis la guerre en Ukraine est survenue.

Un secteur en fermentation avancée 

Des suites de certains évènements à l’échelle du monde, subitement les cours des aliments importés et ceux d’autres intrants ont flambé de plus de 40 %. La seule botte de foin locale est passée de 20 à 34 dinars.

Les petits producteurs n’ont pas pu répercuter ce surcoût sur le prix, car administré. Et cela a perturbé toute la filière. Ne pouvant travailler à perte les petits producteurs ont cédé leur bétail. Près de 15 % du cheptel a été perdu soutien Ali Klebi.

L’État doit 400 milliards de millimes aux conditionneurs

Les autres producteurs s’arrangent au petit bonheur la chance parfois même en recourant au robinet pour 5 à 10 %, des volumes. Pour leur part les conditionneurs sont également à la peine. Ils protègent leur marge en augmentant les prix des produits dérivés tel, les yaourts par exemple, dont les prix ont, par ailleurs, explosé.

Quoi qu’il en soit le secteur reste en stress financier. L’État doit 400 milliards de millimes aux conditionneurs dont 100 milliards à Vitalait. De ce fait cette dernière a payé 5,7 milliards de millimes en agios en 2022 et en paierait 7 en 2023. A l’évidence la situation appelle une prise en mains et les opérateurs disent qu’ils sont en pourparlers avec les pouvoirs publics. Ali Klebi propose la solution Conect.

Oser la vérité des prix 

Conect rappelle que dans la région, les prix sont bien plus élevés qu’en Tunisie. En Algérie il est de 3 TND, il est de 3,2 TND au Maroc et 2,8 TND en Égypte. Par conséquent laisser filer le prix du litre de lait de 1,4 à 1,8 dinar ne serait pas catastrophique sachant qu’à ce prix c’est toute la filière qui recouvre la santé. À bien calculer 400 millimes par jour nous ramène à 12 dinars par mois pour un ménage.  Cela reste supportable.

Laisser filer le prix du litre de lait de 1,4 à 1,8 dinar ne serait pas catastrophique

À défaut c’est la filière qui implose nous contraignant à importer d’Europe, qui est la zone excédentaire la plus proche. A ce niveau, il faut rappeler que le prix FOB d’Europe serait de 1 euro, soit l’équivalent de 3,3 TND. Si l’on y ajoute toutes les autres charges notamment de transport on avoisinerait les 3,7 dinars. La décision attendue ne fait pas de doute.

De surcroit pourquoi ne pas libérer le secteur et laisser faire le libre jeu de la concurrence comme dans notre voisinage direct. Nous ajouterons pour notre part que l’approche Conect s’apparente à celle empruntée par le Conseil d’Analyse Economique dirigé par Afif Chelbi et qui a inspiré les pactes de compétitivité pour les filières de production. Celle-ci possède une approche plus globale. Et par conséquent plus impactante.