Un Mémorandum d’entente qui servirait plus les intérêts de l’Europe que ceux de la Tunisie. C’est ce qui ressort après lecture du texte du Mémorandum signé, dimanche 17 juillet 2023, entre la Tunisie et l’Union européenne, ce qui nous rappelle un proverbe national, « Il est venu t’aider pour creuser la tombe de ton père et il s’est enfui avec ta pioche » et nous renvoie à un autre : « compte sur ton âne même s’il rue plutôt que sur le cheval d’autrui » !

Tunisie UEEt pourtant que de satisfaction de part et d’autre après un sprint de négociations démarré au mois de juin 2023 duquel l’Europe sort gagnante !

La Tunisie a-t-elle été bernée ?

Les déclarations des maîtres d’œuvre européens lors du point de presse organisé au Palais de Carthage le jour de la signature de l’accord expriment une grande satisfaction ! Et pour cause, l’Europe a aujourd’hui l’engagement de la Tunisie pour rapatrier tous ses ressortissants en situation illégale avec des aides financières pour créer de petits projets (sic). Un mouvement de frayeur secoue d’ores et déjà les migrants illégaux en Europe !

De l’autre côté, on parle de 100 millions d’euros pour appuyer la Tunisie dans sa lutte contre l’immigration illégale mais aucune mention dans l’accord ne stipule que l’Europe la soutiendra dans le rapatriement des dizaines de milliers de subsahariens atterris sur son sol et qu’elle est incapable de gérer ! 100 millions d’euros en équipements et en expertise, ne nous leurrons ! L’Europe sort gagnante de l’accord, le premier ministre hollandais s’en servira pour assurer sa victoire lors des prochaines élections, Georgia Meloni, présidente du Conseil italien, fine psychologue aussi, qui a su caresser dans le sens du poil pour convaincre ses interlocuteurs tunisiens, et Ursula Van der Leyne, présidente de la Commission européenne qui a réussi là où beaucoup d’autres ont échoué.

Kais Saied, président de la République a tenu à remercier Meloni, pour les efforts déployés afin d’assurer le succès de l’accord stratégique Tunisie-Europe et également pour avoir adopté sa proposition d’organiser un sommet entre tous les Etats concernés par la question de l’immigration illégale dimanche 23 juillet à Rome.

Meloni devrait se féliciter, elle-même, d’avoir mené, tambour battant des négociations qui protègent les frontières de son pays et la débarrassent des immigrés illégaux ! Encore heureux que le MOU ne parle pas d’une Tunisie terre de refuge pour les subsahariens sis en Europe mais qui sait ?

Que stipule le MOU et qu’en gagne la Tunisie ?

L’aide budgétaire de 150 millions d’euros qui ne date pas d’aujourd’hui, reconduite et la non-conditionnalité d’un accord avec le FMI pour débloquer les fonds et les aides économiques si accords, il y a, mais rien sur les 900 millions d’euros cités précédemment !

Paroles Paroles Paroles …

Coté économie,  l’Europe promet un soutien pour l’Instauration d’un climat d’affaires favorable-ce qui ne dépend pas vraiment d’elle-, des investissements pour un développement durable, le renforcement et la modernisation du cadre des relations commerciales, l’amélioration des conditions d’accès au marché européen, appuis à l’investissement public, partenariats PPP dans le cadre du Fonds européen de développement durable, l’accès au financement de l’eau et le  développent des infrastructures stratégiques pour son transfert et sa gestion. L’UE promet également d’appuyer les politiques pour une agriculture durable ainsi que la résilience des systèmes et de sécurité alimentaires. Elle assure vouloir soutenir les technologies propres, l’économie circulaire et la transition numérique !

Soit des vœux pieux ! Des paroles, rien que des paroles toujours des paroles ! Sauf peut-être pour ce qui est de consacrer des fonds considérables à la société civile (resic) pour assurer la loyauté d’une partie des ONG plus fidèle à l’Europe, pourvoyeuse de fonds, qu’à leur patrie. Les chiffres des montants libérés à ce jour par le vieux continent en témoignent et c’est du concret !

Ainsi, à ce jour, 28 millions d’euros incluant 4 projets ont été consacrés par l’Union Européenne à la Tunisie dans le domaine de l’agriculture. Pour le changement climatique et l’énergie, ils seraient 12 millions d’euros pour 5 projets en cours. 105 millions accordés au secteur privé et au développement économique pour 9 projets en cours et 159 millions d’euros visant 8 projets pour le développement régional et local.

Mais c’est la démocratie (sic), la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, qui n’a servi qu’à détruire le secteur privé en Tunisie sans résultats réellement probants en la matière, qui ont reçu le plus de fonds de la part de l’Union européenne, soit 259 millions d’euros pour 6 projets dont profitent des ONG. Des ONG au service de qui ? C’est la grande question.

Dans le cadre du Mémorandum d’entente du dimanche 17 juillet, l’Europe promet également à la Tunisie une participation active du milieu d’affaires européen au Forum UE-Tunisie sur les investissements dans des secteurs ciblés mais aucune garantie de l’adhésion des secteurs privés ne pourrait être donnée en la matière. Il revient aux investisseurs eux-mêmes de juger de l’opportunité que représente le site Tunisie pour eux. C’est seulement en relançant les investissements des nationaux que la Tunisie pourrait gagner l’engouement des internationaux et à ce jour, le discours officiel n’est pas encourageant malgré les atouts de la Tunisie.

La matière grise, or noir de la Tunisie !

Les clauses du Mémorandum consacrées au rapprochement des peuples parlent des visas Schengen et d’harmonisation des pratiques des Etats quant à la délivrance des visas, on n’y mentionne nullement une augmentation des quotas à accorder à la Tunisie pour ce qui est des visas ce qui relève aussi des déclarations d’intention sans plus !  La coopération dans l’éducation viserait plus d’attirer les compétences via des programmes tels qu’Erasmus et Europe créative que de soutenir le développement technologique et le savoir en Tunisie. Mark Rutte, premier ministre néerlandais parle d’une population jeune et énergique et de « fenêtres » d’opportunités à travers le programme Erasmus auquel on consacre 10 millions conjugués à 65 millions d’euros pour moderniser 80 établissements d’enseignement.

On parle d’ailleurs d’un » partenariat de talents pour promouvoir la migration légale » Comme si les talents européens allaient venir s’installer en Tunisie.

Prenons-leur, leur matière grise, leur or noir, ils ne la méritent pas !

Pour l’instant les seuls projets qui ne relèvent pas des discours démagogiques et de la politique politicienne, sont le projet ELMED pour la production de 600 MW d’énergie solaires, auquel des fonds ont été déjà consacrés mais qui est modeste devant le potentiel de la Tunisie dans le photovoltaïque et le projet MEDUSA, lequel si réalisé, représente une grande importance pour la Tunisie. MEDUSA lui permettrait de bénéficier d’une connexion à haut débit et en fera une plaque tournante en matière de connexion internet à l’Afrique. Le câble sous-marin de Médusa reliera les deux rives de la Méditerranée, de l’Egypte au Portugal en passant par Marseille, ainsi que Bizerte en Tunisie. Le câble, qui devrait être opérationnel pour la fin 2025, disposera de 24 paires de fibres d’une capacité de 20 Tb chacune, et d’une durée de vie annoncée de 25 ans.

On n’apprend pas aux vieux singes à faire la grimace et l’Europe a appris depuis des décennies à préserver ses intérêts et tirer le meilleur parti de ses partenariats avec les pays du Sud de la Méditerranée et de l’Afrique.

Reste qu’il revient aux décideurs politiques tunisiens de veiller au grain sur les intérêts nationaux et à notre grand malheur, on n’en voit pas beaucoup !