Deux prêts en deux années contractés auprès de la Banque africaine d’import-export, Afreximbank, une institution panafricaine de financement du commerce, créée en 1993 sous les auspices de la Banque africaine de développement et sise en Egypte.

Deux prêts au taux d’intérêt exorbitant, « 10,5% de taux d’intérêt, sans oublier le risque de change qui peut s’élever à des millions de $ » déplore Ezzeddine Saidane, CEO de Directway Consulting.

La semaine dernière, Sihem Nemsia, ministre des Finances présentait un plaidoyer impressionnant en faveur de l’approbation par le nouveau parlement d’un projet de loi pour un deuxième prêt d’un montant de 500 millions de $ arguant qu’il servirait à rembourser l’échéance d’un prêt contracté antérieurement et attirant l’attention sur le fait que : « Si nous n’honorons pas nos échéances internationales, nous risquons de passer pour un pays en faillite » !

Le coup de massue pour convaincre les députés d’approuver ! Approuver sans prendre en considération le poids de telles dettes sur les finances publiques et sur les générations futures dans un pays, où Etat et citoyens vivent à crédit ! Il y a une année, l’Etat tunisien se faisait prêter 700 millions de $ de la même banque, Afreximbank. Un cercle vicieux qui consiste à s’endetter pour assurer les salaires et le remboursement des prêts !

Mais ce n’est pas grave, notre souveraineté nationale et notre indépendance décisionnelle sont indemnes (sic) !

Faut-il en rire ou pleurer un pays où la logique populiste a massacré toutes les logiques économiques ?!

Entre temps, l’image de la Tunisie tombe en lambeaux ! Banques et entreprises tunisiennes ne jouissent plus de la confiance de leurs partenaires internationaux ! De nombreuses entreprises se voient aujourd’hui refuser leurs commandes parce qu’on ne croit plus en leurs capacités d’honorer leurs engagements financiers. L’International veut du cash et en avance !

Ezzeddine Saidane explique :« Quand une entreprise tunisienne acquiert des biens de l’étranger, elle peut acheter par virement, soit l’expression d’une confiance totale entre elle et son fournisseur. Le virement passe bien évidement par les banques qui assurent l’opération d’achat de devises et de transfert. Il y a aussi La remise documentaire. Une pratique de paiement par laquelle le vendeur exportateur mandate sa banque pour recueillir, par l’intermédiaire de sa correspondante le règlement ou l’acceptation de l’acheteur (« tiré ») au moment de la présentation des documents représentatifs de la marchandise. Il y a aussi le crédit documentaire, appelé aussi Crédoc ou lettre de crédit qui permet de sécuriser les transactions à l’international. Sous condition de fiabilité des banques intervenant dans l’opération, il fait également figure de garantie bancaire, et protège vendeurs et client. La lettre de crédit doit être acceptée à l’international et pour ce, la banque étrangère vis-à-vis de la nationale se porte garante auprès du fournisseur et si sa correspondante est solide, elle n’a même pas besoin de le faire ».

Aujourd’hui, certaines entreprises étrangères rejettent les lettres de crédit et exigent une avance de 90% du montant des commandes, ce qui est interdit par la loi tunisienne. Mais à supposer que ce soit admis, si une entreprise dispose de dépôts en devises et accepte les conditions de ses partenaires, comment préserver ses équilibres financiers si elle doit vider sa trésorerie de montants importants qui peuvent s’étaler sur de longues périodes, le temps de faire les commandes, d’achever les procédures ce qui peut s’étendre sur 3 à 14 mois, selon le type de marchandises ?

Mieux encore, dans les correspondances des entreprises étrangères dont allemandes ou italiennes, on argue du fait que l’absence d’un accord avec le FMI ne plaide pas en faveur du rétablissement de confiance dans la capacité de la Tunisie, de ses banques et de ses opérateurs à honorer leurs engagements financiers avec leurs partenaires étrangers.

Ceci pour ceux qui pensent que le retard accusé dans la signature de l’accord avec le Fonds monétaire n’a pas d’incidence sur l’économie nationale. J’invite les Tunisiens qui voient, dans la posture italienne en faveur d’un accord de prêt FMI non conditionné pour la Tunisie, un signe de victoire sur les instances monétaires internationales, à lire et relire la déclaration de Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien : «Dans le plein respect de la souveraineté tunisienne, j’ai parlé au président Saied des efforts déployés par un pays ami comme l’Italie pour parvenir à une conclusion positive de l’accord entre la Tunisie et le Fonds monétaire international, qui reste fondamental pour un renforcement et une reprise complète du pays ».

Négocier dans l’intérêt national est appréciable. Croire que la Tunisie peut, sans entreprendre des réformes conséquentes, après des années de dilapidation de prêts et de dons, imposer ce qu’elle veut au monde ou lâcher des vagues de migrants traverser la grande bleue vers l’Europe !

Charles De Gaulle disait : « Dans la politique, mieux vaut persuader les plus forts que de marcher à leur encontre ».

Dans le cas de la Tunisie, l’humilité est de mise tout en espérant que l’obsession souverainiste non adossée à une solidité économique ne se transforme pas en une humiliation de l’Etat, du peuple et de la nation !