L’Union des petites et moyennes industries (UPMI) a organisé, vendredi 10 février 2023, à Sfax, une rencontre sous le thème “Analyse économique et fiscale de la loi de finances 2023 et son impact sur les PME”, à laquelle ont pris part plusieurs experts économiques industriels de la région.

D’un point de vue économique, l’expert-comptable et ex-député Fayçal Derbel considère qu’au vu des dispositions budgétaires de la nouvelle loi de finances “les dérapages continuent”, et ce au niveau du total du budget qui avoisine les 70 milliards de dinars, représentant 43,5 % du PIB. Un Taux jugé “énorme” car cela signifie que “l’Etat est en train de consommer près de 44 % de toutes les richesses créées au niveau national alors que la norme est entre 25 et 32,5 %”.

Deuxième constat montant ce dérapage, enchaîne Derbel : ” la quote part des services de la dette dans le budget total de l’Etat pour laquelle on a réservé 21 milliards de dinars, soit 30%, ce qui est excessif et handicapant “.

Le troisième constat se rapporte aux dépenses de développement qui constituent la composante la plus importante dans un budget, lesquelles dépenses sont ” très réduites ” par rapport aux dépenses de fonctionnement et ne représentent que 13% du total du budget.

Au total, les dispositions budgétaires de la loi de finances “ne sont pas des dispositions en mesure d’arrêter l’hémorragie constatée depuis plusieurs années”, assure Fayçal Derbel. Bien au contraire, ce sont des dispositions budgétaires qui ” aggravent le dérapage “, et ce au même titre que les dispositions qui n’étaient pas en faveur des petites et moyennes industries PMI même si la loi contient des mesures en faveur des jeunes agriculteurs, des diplômés de l’enseignement supérieur, des petits métiers et des couches vulnérables, a-t-il nuancé.

Pour sa part, l’expert Anis Wahabi, procédant à une lecture fiscale du nouveau texte, considère que les dispositions fiscales contenues dans la loi de finances de 2023 ” rendent très difficile la vie des entreprises qui opèrent dans le secteur formel et payent leurs impôts et les encouragent, ce faisant, à aller vers l’informel “.

Et d’ajouter : ” Le fait d’augmenter d’une façon exagérée les taux de pénalité de retard à l’encontre des entreprises qui payent l’impôt, avec plus de taxes, plus de contrôle et plus de pression fiscale va les chasser de la sphère du formel, sans qu’il y ait de l’autre côté des mesures pour faire face au marché informel “.

Parmi les aberrations que contient la loi de finances, il cite ” les mesures à effet rétroactif notamment dans l’augmentation de la Contribution sociale solidaire (CSS) de 1 à 3% pour les entreprises, et ce pour compenser le manque à gagner de la diminution de ce taux pour les personnes physiques. Il considère que cette augmentation de la CSS pour les sociétés de manière rétroactive touche à un principe général de droit, un principe constitutionnel, à savoir la sécurité juridique.

Auparavant, le président de l’UPMI, Mohamed Ali Kacem, avait souligné que la loi de finances 2023 est loin d’être une loi qui aide l’entreprise à faire face aux difficultés générées par la pandémie de Covid-19, la crise économique, l’envolée du baril de pétrole, la flambée des prix des matières premières et la guerre russo-ukraine.

Par ailleurs, et répondant à une question se rapportant à l’octroi par la Banque mondiale à la Tunisie d’un prêt de 120 millions de dinars (environ 400 millions de dinars tunisiens), au titre du Projet d’appui au redressement économique des PME, et si ce montant va soulager un tant soit peu la situation délicate des petites et moyennes entreprises souffrantes, Fayçal Derbel considère qu’il s’agit “d’une goutte dans l’océan, puisque nous avons besoin de 15 milliards de dinars de financements externes”.

Et d’ajouter : ” Je crois que ce prêt est beaucoup plus à caractère de soutien budgétaire qu’autre chose “.

Rappelons que ce projet vise à résoudre les problèmes de liquidité auxquels sont confrontées les entreprises tunisiennes en finançant des lignes de crédit à long terme qui seront rétrocédées par le ministère des Finances aux institutions financières participantes pour l’octroi de prêts aux petites et moyennes entreprises éligibles.