Le déficit budgétaire, situation dans laquelle un Etat dépense plus qu’il ne produit, est retenu, depuis une dizaine d’années par le Fonds monétaire international (FMI), comme une des défectuosités majeures de l’économie tunisienne. Pour 2022, la Banque mondiale estime ce déficit à 9,1% du PIB contre moins de 3% en 2010.  

Abou SARRA

Cette hausse serait due officiellement au poids des subventions des hydrocarbures et des denrées alimentaires dont les cours ont flambé à l’international par l’effet de la guerre russo-ukrainienne.

Pour y remédier, le FMI a constamment conditionné l’octroi de ses crédits à la mise en place d’une réforme fiscale et exigé de « rendre le système fiscal plus équitable et plus juste ».

Objectif : augmenter les ressources fiscales et dissuader le recours abusif à l’endettement pour financer le déficit budgétaire.

Le fonds vient de récidiver, cette année, lors des récentes négociations pour l’octroi à la Tunisie de nouvelles facilités de paiement. Ces dernières sont estimées au niveau des experts à 1,9 milliard de dollars.

Concrètement, FMI a exigé des autorités tunisiennes d’entreprendre cette réforme avant même la décision finale pour l’octroi du crédit précité par son Conseil d’administration.

A ce sujet, sont d’ores et déjà visibles d’importantes avancées. Elles sont perceptibles, à titre indicatif, à travers la réduction significative et accélérée des subventions accordées à l’énergie. Le prix du carburant a été augmenté à quatre reprises cette année (le 1er février, le 1er mars, le 14 avril et le 17 septembre 2022). Selon nos informations, une autre augmentation est prévue d’ici la fin de l’année.

Pour mémoire, le prix du litre d’essence et de gasoil a augmenté 16 fois depuis 2010. Cela pour dire que pour le poste de l’énergie la Tunisie avance vers la vérité des prix.

Les recommandations-conditionnalités du FMI…

Au rayon du renforcement des ressources fiscales, le FMI recommande aux autorités tunisiennes d’élargir l’assiette fiscale. Parmi les leviers que le gouvernement tunisien peut actionner, à cette fin, figure celui de la TVA. Actuellement, il ne perçoit que 7 milliards de dinars par le biais de la TVA sur un potentiel total estimé à 15 milliards de dinars.

Pour le FMI, la Tunisie peut doubler ses recettes pour peu qu’elle s’engage à intégrer l’économie parallèle dans la formalité.

Le FMI recommande également d’agir sur le régime fiscal forfaitaire et d’augmenter sensiblement la taxe, annuelle, payée par les forfaitaires. Cette augmentation peut procurer, annuellement, aux caisses de l’Etat plus d’un milliard de dinars, et ce dans le cas du scénario où l’Etat tunisien décide d’augmenter cette taxe de 200 dinars ‘actuellement) à 1 000 dinars.

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Quelque cinq cent mille (500 000) forfaitaires sont concernés. Parmi eux figurent plusieurs professions libérales. Est-il besoin de rappeler ici qu’un médecin exerçant dans le privé paye moins d’impôt qu’un médecin opérant dans le public.

Autre créneau à travers lequel l’Etat peut se procurer d’importantes ressources fiscales est celui des droits de douane dont le montant perçu annuellement ne correspond guère au montant élevé mobilisé pour payer les importations.

C’est dans cet esprit (apparemment) que le gouvernement tunisien a décidé, ces derniers jours, de sabrer dans les importations de produits dits «superflus» et d’instaurer le contrôle technique des biens et marchandises importés aux frontières (ports, aéroports et passages frontaliers terrestres).

… et les propositions du gouvernement tunisien

De son côté, le gouvernement tunisien, dans le programme présenté au FMI, a établi toute une stratégie pour réformer la fiscalité du pays.

Cette stratégie a été articulée autour des objectifs suivants. Il s’agit  « d’améliorer les capacités de l’État à collecter ses ressources par l’amélioration du recouvrement et la promotion de la digitalisation de l’administration fiscale, de favoriser une fiscalité plus juste et plus transparente stimulant l’investissement privé, l’économie durable et inclusive et garantissant une meilleure visibilité aux opérateurs économiques à moyen et long terme ».

Pour mettre en œuvre cette stratégie, le gouvernement tunisien s’est engagé à promouvoir la logistique fiscale sur la période 2022-2026. Il se propose entre autres de dématérialiser les services aux contribuables, de moderniser l’administration fiscale, de généraliser la digitalisation, de mettre la fiscalité en faveur de la croissance inclusive et durable, de l’investissement et de la transition énergétique. Le gouvernement a pris l’engagement de garantir une meilleure maîtrise du tissu fiscal, de lutter contre l’informalité et d’améliorer la gestion du régime forfaitaire.

Tout ceci pour dire qu’il y a de bonnes choses à retenir dans ces propositions/recommandations et du FMI et du gouvernement tunisien. Espérons seulement que cette fois-ci sera la bonne pour entamer cette réforme tant attendue.

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