Adossée à une forte expertise développée depuis des décennies dans le domaine de l’industrie pharmaceutique et forte de structures crédibles en matière de contrôle et de gestion du médicament (Direction de la pharmacie et du médicament – DPM), laboratoire national du contrôle de médicaments et laboratoire Niveau 3 hébergé par l’Institut Pasteur de Tunis), la Tunisie a cru, peut-être naïvement, disposer de tous les atouts pour être le siège de l’Agence africaine du médicament (AAM).

Malheureusement, le comité technique relevant de l’Union africaine chargé d’étudier les dossiers des candidatures était d’un autre avis. Il a retenu in fine le Rwanda pour héberger le siège de cette nouvelle institution panafricaine.

Abou SARRA

Pour l’histoire, il a fallu quatre tours pour que le Rwanda l’emporte contre l’Algérie placée en deuxième position. La Tunisie n’était que troisième, mais devançant le reste des candidats à savoir le Maroc, l’Egypte, le Zimbabwe, l’Ouganda et la Tanzanie.

Les résultats ont été annoncés par le Conseil exécutif de l’Union africaine qui réunit les ministres des Affaires étrangères, lors de sa 41ème session qui s’est tenue le 16 juillet 2022 à Lusaka (capitale de la Zambie).

Interpellés sur les raisons et facteurs qui ont desservi la candidature de la Tunisie, experts et anciens diplomates en Afrique en ont cité trois.

Le premier porte sur le dilettantisme de la délégation tunisienne qui a négocié la candidature de la Tunisie. Pour les diplomates interrogés, les membres de cette délégation ont sous-estimé l’argumentaire des autres candidats. Ils ont pensé que l’AAM serait implantée dans le pays qui a le système de gestion et de contrôle du médicament le plus efficace. Or, cela n’a pas été le cas.

D’autres critères sont entrés en jeu, s’agissant notamment du lobbysme au sein de l’UA, de l’image du pays candidat et des avantages multiformes à fournir au futur personnel de l’AAM (sécurité, couverture médicale, statut de diplomate…). Sur ce plan, la Tunisie a été mal servie par l’instabilité politique qui prévaut dans le pays et par l’image d’un pays exportateur de terroristes.

Le lobbysme rwandais au sein de l’UA était très fort

Le deuxième facteur qui n’a pas joué en faveur de la Tunisie a trait à l’image positive et au lobbysme très fort dont bénéficie le Rwanda au sein de l’UA.

Il rappeler qu’en 2018, le président rwandais, Paul Kagamé, a assuré pour une année la présidence tournante de l’Union africaine. Il a dû en conséquence marquer de son empreinte les structures de cette institution continentale.

Mieux, la vice-présidence actuelle de la Commission de l’Union africaine (secrétariat de l’UA chargée des activités quotidiennes de l’Union) est une Rwandaise, en l’occurrence Monique Nsanzabaganwa. Elue en février 2022, elle est là pour quatre années.

A ce lobbysme très fort vient s’ajouter l’image de marque dont jouit le Rwanda depuis quelques années. Ce pays est souvent cité en exemple. Affublé du surnom flatteur de « Suisse de l’Afrique » ou de « nouveau Singapour », ce pays connaît en effet ces dernières années une croissance annuelle approchant les 8 %, à laquelle s’ajoute une amélioration sensible des infrastructures (routes, hôtels, technologies modernes équipant les services publics – hôpitaux, écoles…) aussi bien que des conditions de vie des citoyens. Ce malgré de faibles ressources naturelles propres et une situation géographique très enclavée.

Quant au troisième facteur, il serait dû, selon les experts, à la concurrence maladroite que se sont livrés quatre pays relevant d’une même zone géographique pour héberger l’AAM, en l’occurrence la Tunisie, l’Algérie, l’Egypte et le Maroc qui relèvent tous de l’Afrique du Nord. S’il y avait eu coordination entre ces pays, le choix ne leur aurait peut-être pas échappé.

Un mot sur l’AAM. Cette institution panafricaine dont la création a été adoptée le 11 février 2019 par les chefs d’État et de gouvernement africains, est une initiative de l’Union africaine (UA). Elle a pour rôle de coordonner entre les différentes agences du médicament dans les pays membres de l’UA.