Occulté délibérément, des décennies durant, par les économistes du sérail, le dossier de l’absence de concurrence, talon d’Achille de l’économie tunisienne, vient d’être dépoussiéré par le gouvernement Najla Bouden. Malheureusement, au regard de la feuille de route proposée pour y remédier, la volonté de résoudre ce problème selon les règles de l’art n’y est pas.

Décryptage.

En recevant, samedi 2 avril 2022, Frédéric Jenny, président du Comité de la concurrence de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), venu l’informer des recommandations d’un rapport élaboré par l’Organisation sur la révision du cadre institutionnel et réglementaire de la concurrence en Tunisie, la cheffe du gouvernement a saisi cette opportunité pour lancer, officiellement, le démarrage de cette réforme tant attendue par les opérateurs.

Signalons au passage que cette audience, en dépit des enjeux qu’elle comporte pour la relance de l’économie et sa diversification, n’a pas bénéficié de l’intérêt médiatique requis. Rares sont les médias qui ont reproduit et analysé le communiqué publié par la présidence du gouvernement, à l’issue de cette entrevue avec ce haut responsable de l’OCDE.

Ce rapport, confectionné à la demande des autorités tunisiennes en vue d’encourager des réformes pro-concurrentielles dans le pays, a été élaboré en partenariat entre l’Union européenne et l’OCDE.

Une réforme qui s’annonce mal

Sans révolutionner l’état des lieux, les actions basiques proposées par le rapport montrent que ce dossier a été traité de manière très superficielle par les gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays, depuis l’accès du pays à l’indépendance en 1956.

Et pour cause. Ces recommandations de basse facture suggèrent le renforcement des ressources des structures en charge de la concurrence (le ministère du Commerce et le Conseil de la concurrence), la nécessité de clarifier les attributions de chaque structure, l’élaboration d’études pour identifier les barrières érigées pour dissuader la libre concurrence, la diffusion de la culture de la concurrence auprès des acteurs économiques et la promotion des qualifications des cadres et agents chargés d’appliquer la politique et la réglementation sur la concurrence.

Il s’agit d’actions en amont que la Tunisie aurait pu entreprendre et promouvoir avec ses propres moyens et structures de formation sans recourir à cette assistance technique tapageuse de l’OCDE et de l’UE.

Effectivement, au moment où de larges pans du monde des affaires, interdits arbitrairement d’accéder à certains secteurs verrouillés par l’effet de l’existence d’oligopoles et de monopoles surprotégés par des lois sur mesure, s’attendent à des recommandations concrètes et réalisables devant favoriser l’ouverture les secteurs de production et des services à la concurrence, ce rapport vient leur proposer un stage d’initiation à la littérature de la concurrence. C’est kafkaïen.

A titre indicatif, l’industrie tunisienne, une des grandes ambitions de la Tunisie indépendante, est aux mains de monopoles protégés. En raison de l’absence d’innovation, une des vertus de la concurrence, ce secteur, par l’effet des ententes et de l’absence de contrôle, continue à produire, jusqu’à ce jour, des produits de mauvaise qualité, chers et souvent rares à trouver.

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A ce propos, Jalloul Ayed, ancien ministre des Finances (2011), estime que le mal de l’industrie tunisienne réside dans la persistance de lois scélérates adoptées, au temps des anciens régimes des Beys, de Bourguiba et de Ben Ali, à la mesure des intérêts de castes proches du pouvoir : « Ces législations empêchent, aujourd’hui, l’accès des investisseurs privés à pas moins de 25 secteurs ». C’est énorme.

Suivra la deuxième partie.

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