En 2020, 1,5 million de Tunisiens auraient payé 570 millions de dinars de pots-de-vin. C’est ce que révèle une étude sur “la petite corruption en Tunisie” menée par l’Association tunisienne des contrôleurs publics en collaboration avec le Centre national des tribunaux d’Etat.

La petite corruption appelée “corruption administrative” a encore gagné du terrain avec la pandémie de Covid-19, parce qu’elle enregistré une hausse de 21% par rapport à 2014, souligne cette étude rendue publique, lors d’une conférence de presse tenue mardi 22 février 2022 à Tunis.

D’après cette étude, la valeur d’un seul pot-de-vin est passée de 217 dinars en 2014, à 375 dinars en 2020, ajoutant que 76% de ceux qui ont eu recours à cette corruption sont des hommes, contre 24% des femmes. La tranche d’âge de ces personnes varient entre 26 ans et 45 ans, détaille l’étude.

Financée par l’ambassade des Etats-Unis à Tunis, cette étude qui a été menée auprès d’un échantillon de 1 000 personnes souligne que 19% des sondés ont versé un pot-de-vin. Ce taux est presque conforme à l’Indice de Perception de la Corruption 2019, de l’Organisation de la Transparence Internationale (Transparency International – 18%), ce qui place la Tunisie au même rang que l’Afrique du Sud, la Bulgarie, le Panama et la Colombie.

La corruption touche indistinctement tous les niveaux d’éducation et tous les secteurs

Selon la même étude, le niveau d’instruction n’a pas d’impact sur le volume de la corruption en Tunisie. En effet, les taux de personnes qui payent des pots-de-vin ont des niveaux d’éducation primaire, secondaire et universitaire, ce qui contraste avec d’autres conclusions selon lesquelles la hausse du niveau d’instruction dans un pays réduit le phénomène de corruption.

La sécurité est la plus corrompue

Les résultats de l’enquête montrent que les secteurs dans lesquels la corruption est la plus répandues sont la sécurité (50%), la santé (20%), les collectivités locales (14%), et les établissements publics de tout type (10%). Les autres secteurs demeurent concernés, à des degrés moindres, par la corruption, à l’instar de l’équipement, des banques et du transport et même les syndicats et les partis politiques.

Quid de la corruption dans les régions?

Les appréciations par région montrent que 10 gouvernorats ont réalisé des résultats au dessus de la moyenne nationale (oscillant entre 30% à Béja et 28% à Kasserine), alors que trois gouvernorats (Monastir, Nabeul et Tunis) sont au même niveau que celui réalisé à l’échelle nationale, 6 gouvernorats entre 17% et 10% dont trois relèvent de la région du sud (Médenine, Kébili et Tataouine).

Le privé est le secteur le plus touché par la corruption

La plupart des professions du secteur privé sont les plus concernées par La corruption. En effet, les professions libérales, les chefs d’entreprises, les cadres moyens du secteur privé ou les agriculteurs ont donné un pot-de-vin avec des taux qui ont dépassé la moyenne nationale, ce qui constitue, selon l’étude, un ” indicateur d’un mauvais climat des affaires “.

Quant aux professions du secteur public et les retraités, ils donnent moins de pots-de-vin (10% des employés et 3% des enseignements).

A noter que ces faibles taux ne signifient pas l’absence de corruption au sein de cette catégorie, selon les auteurs de l’étude, mais peut refléter d’autres faces de corruption comme le clientélisme et les services rendus.

Quid des formes des pots-de-vin?

En ce qui concerne les formes de corruption les plus courantes auprès des Tunisiens, tous s’accordent sur le fait que les pots-de-vin, le régionalisme et le clientélisme reflètent clairement une situation de corruption.

Quant aux cadeaux et au favoritisme, ils sont considérés comme une pratique normale par une grande partie des citoyens, selon l’étude.

S’agissant des types de corruption les plus connus auprès des Tunisiens, 86% des sondés estiment que le phénomène s’est beaucoup aggravé en 2020, contre 4% exprimant le contraire.

A rappeler que la ” petite corruption ” se produit lorsqu’une personne soudoie des fonctionnaires, comme des policiers, des professionnels de la santé ou des agents des douanes, dans le but de bénéficier d’un traitement préférentiel ou d’accélérer des démarches bureaucratiques. Même si les sommes en jeu sont généralement faibles, la petite corruption est considérée comme répandue et difficile à éradiquer.

En revanche, la ” grande corruption ” se produit lorsque de hauts fonctionnaires exploitent leur situation d’autorité au sein du gouvernement pour se procurer des avantages personnels. Il s’agit par exemple de fonctionnaires qui reçoivent des pots-de-vin d’une entreprise en échange d’un contrat gouvernemental.