Dorénavant, les soldats tunisiens bénéficieront d’une meilleure protection dans leur lutte contre les terroristes, sanctuarisés depuis dix ans sur les hauteurs de l’ouest du pays. Le département du génie militaire de l’armée nationale, confiné jusque-là dans la rénovation et la maintenance des engins militaires, vient de lever le voile sur la construction, par ses soins, du premier engin blindé anti-mines de transport de troupes. 

Par Abou SARRA

Ce département a choisi le 15 octobre 2021, date de célébration de l’évacuation coloniale, pour annoncer son exploit.

Baptisé «Barb», en référence au cheval berbère portant le même nom et connu pour son endurance, cet engin dont le prototype avait été exposé le 24 juin 2020 à l’occasion du 64e anniversaire de l’armée nationale, a été construit avec des compétences 100% tunisiennes, rapporte un communiqué du ministère de la Défense nationale.

Dépasser les prototypes

Cet exploit, bien qu’il vienne s’ajouter à la construction par des Tunisiens de frégates et de patrouilleurs, n’érige cependant pas la fabrication d’engins militaires et navals en véritable industrie militaire crédible. Le chemin est hélas encore long.

Des pays voisins comme l’Algérie et le Maroc ont fait mieux que nous. Ils ont développé des expertises solides en la matière. L’industrie militaire y est érigée en activité hautement stratégique, bénéficiant de la priorité d’investissement public.

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Pourtant, la Tunisie ne manque pas d’atouts pour faire autant. Au nombre de ceux-ci, les experts évoquent deux avantages majeurs.

Le premier porte sur l’intérêt exprimé par des investisseurs étrangers « en vue de faire du site Tunisie une plateforme de production d’engins militaires destinés à l’exportation ».

Le second concerne la disponibilité d’un marché, en l’occurrence celui de l’Afrique. L’accès à ce marché sera favorisé par l’adhésion de la Tunisie à d’importants groupements économiques régionaux africains, entre autres le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).

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Faire l’économie des investissements lourds classiques

D’où l’enjeu d’arrêter une stratégie cohérente pour développer une industrie militaire en Tunisie. Les autorités officielles (ministère de la Défense en prime…) en sont convaincues mais restent dans le tendanciel.

Les avantages sont multiples d’après l’expert militaire, Jied Aouij, qui est en même temps directeur général la de la société tunisienne Femco LTD, entreprise de conseil en sécurité et défense spécialisée dans la fourniture d’équipements militaires.

Il en évoque quatre : réduction des dépenses militaires en devises, autosuffisance en la matière, création de nouveaux emplois directs et indirects, exportation du savoir-faire. « La Tunisie n’a pas d’histoire industrielle dans l’armement, mais son potentiel scientifique et technique est fort. Nous pourrions développer des armes au contenu technologique purement tunisien », ajoute-t-il.

Concrètement, Aouij conseille au gouvernement de commencer par « l’achat de licences auprès de fabricants étrangers (…). Car l’acquisition d’un savoir-faire technique et la formation d’un personnel qualifié permettent à l’économie nationale d’étendre et de moderniser son potentiel scientifique et technique ».

Il recommande, également, de mettre de côté ce qu’il appelle « le matériel de haute intensité » et d’opter pour la conception et la fabrication d’armes dissuasives à notre portée, technologiquement.

A titre indicatif, il fait mention spéciale pour la fabrication des drones retenus comme des armes efficaces pour la surveillance, au moindre coût, des frontières du pays. Il plaide même pour « un drone polyvalent de fabrication tunisienne ».

Au plan institutionnel, il propose la création de tout un ministère spécialement dédié à la fabrication d’armes. Ce département serait imparti de la mission de développer une industrie militaire dans le cadre d’un partenariat public/privé, ce qui favoriserait, selon lui, la création d’une nouvelle dynamique dans le domaine économique social et industriel…

 

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