« To be or not to be ? » C’est peut-être la question du moment. Et en écho à cette interrogation existentielle, l’opinion cherche à savoir si le nouveau gouvernement peut renflouer les caisses et remettre le pays à flots. Dit en termes simples, le deal devient clair.

A coup sûr, les circonstances doivent peser à la nouvelle cheffe de gouvernement, tant le contexte est difficile. Elle s’arrange, par pudeur, par discrétion à ne pas le montrer. Prévenante, elle voudrait ne pas heurter l’opinion. Mais dans le même temps, elle a la partie facile car son travail est à moitié fait. Le hasard lui a épargné la peine d’avoir à choquer l’opinion laquelle sait déjà que les caisses sont vides. Elle a eu le discours qu’il faut pour dire qu’afin de ramener des ressources, elle va s’atteler à ramener la confiance. Saura-t-elle trouver la méthode ?

Quo Va Dis, Domine ?*

Le pays s’est donné un gouvernement. Il ne faut pas se leurrer. Ce n’est pas l’épilogue, mais bien le commencement des difficultés. Nos problèmes n’ont pas pris fin pour autant. Et c’est même là qu’ils commencent. Car, désormais le pays est en attente de solutions.

L’ennui est que l’on ne pourra pas se contenter d’une simple “sauce interne“. Depuis que le pays s’est laissé aller aux délices de l’argent facile via l’endettement, principalement extérieur, on est sous les projecteurs des bailleurs de fonds étrangers. L’inconfort de la situation est qu’on ne peut plus faire notre grande lessive entre nous, « l’œil de Moscou », entendez par-là le Big Brother, le marché nous a à l’œil.

De surcroît, l’œil fureteur des agences de rating quand bien même on les dénigre ne nous lâchera pas. Le pays est dans de beaux draps et dans l’œil du cyclone. Il est donc impossible de dribbler ou de botter en touche. Il faudra trouver des solutions et qui soient passantes. Le Conseil d’administration de la BCT a eu ce mot glaçant, évoquant le “tarissement aigu des ressources“. L’avertissement est on ne peut plus clair.

Imaginez l’état d’esprit du parieur hésiter tout le temps qu’on lui susurre à l’oreille “faites vos jeux“, et voilà le croupier qui lui annonce sans appel “Les jeux sont faits“. Le choc est dur.

Au vu de l’urgence, que seront les choix de Najla Bouden Romdhane (NBR) ? Par quelle pirouette pourra-t-elle faire admettre qu’elle a la solution pour faire disparaître les problèmes de la Tunisie ?

La galanterie financière des marchés, ça n’existe pas !

Dos au mur, le pays sait que les marchés vont le saigner avec des taux usuraires déjà que l’encours actuel de notre dette est en solde. Les CDS** sur le risque Tunisie sont élevés. Rééchelonner serait dégradant. Effacer l’ardoise n’est pas envisageable. Il serait illusoire de tabler sur la galanterie des marchés. Najla Bouden Romdhane, dans le meilleur des cas, peut avoir l’oreille du marché pour expliquer qu’elle a son plan. Mais l’argent ne coulera pas à flots pour autant. Donc, murmurer à l’oreille du marché pour montrer que le pays s’écarte de l’hypothèse du défaut est une chose. Mais pour trouver des fonds, il lui faudra s’adresser ailleurs.

NBR a les faveurs de l’opinion. Mais cette même opinion vit dans l’angoisse du lendemain. Le versement des salaires et des pensions de retraite sera-t-il garanti ? A supposer que salaires et retraites tombent en fin de mois, seront-ils sabrés par un “Hair cut“***. Nous évitera-t-on l’autarcie ? Et avec pareils arguments, peut-on convaincre les pays frères et amis à nous assurer l’obole ? Après tout, qui ne tente rien, n’a rien. Ce serait une méthode – on ne dira pas “friponne“ mais espiègle – de monnayer la marche vers la démocratie. Faire partager les hoquets de notre transition entre frères et amis, quoi de plus naturel !

Cheffe de gouvernement = Cheffe de guerre ?

NBR n’a pas eu la haute main pour composer son équipe. Des ministres étaient déjà là, choisis par le président de la République. Mais elle semble bien tenir son monde. Il lui est facile de les persuader de jouer le jeu car le pays est enfoncé jusqu’au cou. Et donc la consigne est de se serrer les coudes. De ce côté-ci, on la crédite d’un ascendant moral et d’autorité sur ses ministres. Et, même d’une certaine distanciation vis-à-vis du président pour agir en cheffe de gouvernement.

Pour elle, l’équation est simple : cheffe de gouvernement égale à cheffe de guerre. Il est dans ses possibilités de convaincre l’opinion que pour faire revenir la confiance il lui faut un gouvernement fort. Et on la croit capable d’emmener l’opinion et le président dans ce sens. Mais il lui faudra viser juste. L’opinion consent à des sacrifices quand c’est au service de la bonne cause. Il ne lui reste qu’à agir, vite et bien. Et fermement.

NBR n’est pas Sheherazade, elle ne dispose pas de 1001 nuits. Son état de grâce est de moins de 90 jours, c’est-à-dire moins qu’une lette de change. Et cela se dit, un instrument de crédit de “COURT TERME“. Le compte à rebours est déjà lancé !

Ali Abdessalam

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*Quo va Dis Domine : Expression latine qui signifie « où allez-vous, Maître ? ».

**CDS : Collateral Debt Swap : Assurance contre le risque de défaut.

***Hair Cut : une coupe “sauvage“.