L’attaque est la meilleure défense, et le mouvement initié depuis plus de 3 semaines par une partie des receveurs des finances et agents des bureaux d’impôts en est la meilleure illustration. Ils ont crié tellement fort, ces agents des impôts, jouant sur la vague persistante du populisme ennoblie et hissée au rang du sacré par nos politiques et nos responsables syndicaux, qu’ils ont fini par convaincre médias et députés, législateurs irresponsables, que leur cause est défendable.

Le plus triste dans cette situation kafkaïenne, c’est que le réflexe des responsables syndicaux ne va jamais dans le sens du recadrage des revendications illégitimes dans une logique responsable et patriotique, mais dans leur récupération, criant encore plus fort pour conserver le rôle de gardien de la forteresse. Dans le cas présent, les protestataires ont mené un mouvement sauvage contre un ministre qui aurait plutôt augmenté, pour certains d’entre eux, leurs indemnités plus qu’il ne les a réduites.

Retour donc sur la prime de contrôle et de recouvrement dédiée aux agents et cadres du ministère des Finances, une indemnité annuelle stipulée dans le Décret n°3399 du 05 novembre 2011 et attribuée aux personnels titulaires, temporaires et contractuels exerçant au ministère des Finances et à l’Ecole nationale des finances, à l’exception des agents de la Direction générale des douanes.

Sur le principe, cette indemnité varie en fonction du volume et des montants des recettes cumulées lors des opérations de recouvrement et dans lesquelles la productivité et les efforts fournis par l’agent sont importants. Le principe de la variabilité ne va pas dans le sens d’une augmentation systématique et immuable de la prime, il peut aller également dans le sens d’une baisse imposée par la chute de productivité ou celle des recettes.

Chaque année et selon le bureau des impôts ou la recette des finances, le calcul se fait sur la base des recettes réalisées à l’année. Généralement, les indemnités augmentent en fonction des résultats des administrations fiscales et celles de recouvrement.

Pour l’année 2021, le plafonnement de l’indemnité s’est fait sur la base de l’évolution des recettes fiscales en référence aux 3 années précédentes.  La raison en est que l’année 2020 n’a pas été fructueuse en termes de recettes au vu du contexte économique difficile, de la fermeture de milliers d’entreprises privées et de la baisse des ressources de l’Etat.

Il fut donc décidé, pour éviter de créer des disparités entre les agents du réseau dont les réalisations peuvent être différentes selon la taille, l’emplacement et les efforts fournis par les uns et les autres, de prendre la moyenne des primes reçues en 2018/2019 et 2020 avec un plafond de réduction de 15%. Il y a des agents qui peuvent atteindre le plafond et d’autres qui n’arrivent pas dont les résultats ont régressé de 20 à 70%.

Précisons à ce propos que l’administration des finances n’est pas responsable de la baisse des recettes, elle n’a pas décrété d’amnistie et n’a pas procédé au scindement de bureau provoquant ainsi la réduction des recettes.

La pandémie de Covid-19 a-t-elle été la cause de la baisse des recettes de certains bureaux ? Un haut cadre bien au vu de la situation explique : « Il est vrai qu’à cause de la pandémie, il y a eu des reports mais ce sont des reports qui ont été honorés dans la même année comme cela a été le cas pour les rééchelonnements qui ont tout au contraire boosté les recettes fiscales. Les grandes structures n’ont pas été impactées, tout le contraire des petits bureaux dont les réalisations de certains ont diminué de 30, 50 voire de 70% ».

Qu’a fait le ministre pour pallier à cette situation ?

Contrairement aux informations affirmant une diminution systématique de 15% décrétée par Ali Kooli, ministre des Finances, il a tout au contraire fait en sorte de préserver les intérêts des petits bureaux qui ont été les plus lésés. Si la règle de la variabilité avait été appliquées, près de 2 700 bureaux d’impôts et recettes fiscales auraient vu leurs indemnités chuter relativement au volume des recettes qu’ils ont réalisées, soit des baisses de 30, 40, 50 ou même 70% de l’indemnité.

Le ministre a tout, au contraire, augmenté les indemnités, ce qui coûte à l’Etat 3 à 4 millions de dinars dans un contexte de crise financière.

Les passionnés des revendications et des conflits sociaux veulent imposer leur diktat en suggérant que tous les agents bénéficient du même traitement reçu les années précédentes, le contexte 2021 est totalement différent.

Aujourd’hui et contrairement à ce qu’on prétend des centaines de receveurs et de chefs de bureaux récompensés pour leurs justes efforts continuent de travailler dans la discrétion par peur d’être harcelés par leurs collègues ou empêchés de force de rejoindre leurs postes de travail. D’autres sont aveuglément solidaires bien que conscients que le ministre ne les a pas lésés.

A priori, tout le monde était informé de la démarche du ministre y compris les syndicats et convaincu du process sachant que pour les bas salaires, l’indemnité s’élève à plus de 5 salaires. A titre d’exemple, un inspecteur de finances nouvellement recruté dont le salaire est de 1 300 ou 1 400 Dt bénéficiera de 5 salaires, ce qui reviendra à 7 000 dinars.

La fièvre revendicatrice a détruit les entreprises publiques et continue ses ravages dans l’administration publique où celui qui crie le plus fort bénéficie des faveurs des syndicats et des députés. Nous vivons l’époque des bandits en col blanc.

A.B.A