Depuis 2011, les p-dg d’entreprises publiques sont presque devenus des objets jetables au bout d’un laps de temps de plus en plus court.

Etre président directeur général d’une entreprise publique n’est pas une sinécure en Tunisie ni un «job» garanti pour une longue période. Pour s’en convaincre, il suffit d’analyser le mouvement des présidents directeurs généraux et directeurs généraux. On l’a fait pour dix entreprises publiques parmi les plus importantes du pays.

Il ressort de cette analyse qu’à l’exception de trois entreprises qui ont connu entre deux et quatre changements de p-dg depuis 2011, on enregistre une forte rotation pour les autres -de six à sept en dix ans.

Les dix entreprises de l’échantillon analysé auront totalisé pas moins de cinquante-trois PDG -ou directeurs généraux (DG)- depuis le 14 janvier 2011.

Le champion de la stabilité est la Banque Nationale Agricole (BNA). Elle est talonnée de près par l’Entreprise Tunisienne des Activités Pétrolières (ETAP) –3 PDG- et la Société Tunisienne de Banque (STB), avec 4.

Cinq sont logées à la même enseigne avec 6 rotations. Il s’agit de la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT), Tunisie Telecom, la Compagnie tunisienne de navigation (CTN), de la Société tunisienne d’électricité et de gaz (STEG), et du Groupe chimique tunisien (GCT).

Deux entreprises -Tunisair et la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT) ferment la marche avec sept changements de p-dg chacune en dix ans.

Les dix entreprises de cet échantillon auront totalisé cinquante-trois présidents directeurs généraux -ou directeurs généraux- depuis le 14 janvier 2011. Ce qui veut dire que le taux de rotation moyen à la tête des entreprises publiques est de 5,3 p-dg par entreprise.

Treize chefs de gouvernement…

A quoi cette instabilité est-elle imputable ? La première explication de ce phénomène qui vient à l’esprit et qu’accréditent bon nombre d’observateurs et d’analystes, c’est l’instabilité des gouvernements eux-mêmes. On en compte treize à ce jour depuis le 14 janvier 2011, et neuf chefs de gouvernements (Mohamed Ghannouchi, Béji Caïd Essebsi, Hamadi Jebali, Ali Laarayedh, Mehdi Jomaa, Habib Essid, Youssef Chahed, Elyès Fakhfakh et Hichem Mechichi).

On peut penser qu’inévitablement cette instabilité gouvernementale se répercute sur les entreprises publiques puisque chaque gouvernement veut tout naturellement en prendre le contrôle pour deux raisons au moins.

D’abord, parce que ces entreprises sont l’un des vecteurs de la mise en œuvre de la politique économique. Avant 2011 elles servaient aussi à alimenter le budget de l’Etat grâce aux bénéfices qu’elles dégageaient alors ; mais depuis, la plupart sont devenues déficitaires et constituent un lourd fardeau.

Ensuite, parce qu’elles servent -comme on l’a vu sous la Troïka entre 2011 et 2013- à récompenser alliés et amis avec les postes de p-dg et à donner du travail aux cadres et militants des partis du gouvernement.

Tensions sociales…

Mais si fondée soit-elle, cette lecture n’explique peut-être pas à elle seule l’instabilité au sommet des entreprises publiques. Ce phénomène peut aussi être imputé à la tension sociale en leur sein. En effet, les dix années écoulées depuis le 14 janvier 2011 permettent d’établir une corrélation entre le niveau de rotation au niveau des postes de p-dg et le nombre de grèves. Comme si au bout d’un certain temps le gouvernement décidait de lâcher les dirigeants des entreprises publiques pour acheter la paix sociales en cédant aux exigences des syndicats.

(Suite)

Moncef Mahroug

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