Plus de 10 milliards de dinars de créances de l’Etat, dont il ne peut récupérer que 4 milliards de dinars dont près de la moitié détenues par les entreprises publiques. Après deux amnisties successives et face à des finances aux abois, les services concernés au ministère des Finances auraient préféré adopter le chemin le plus court, celui de l’arbitrage dans les dossiers problématiques, pour éviter des procès longs et coûteux et dont les résultats ne sont pas garantis. Ce chemin, qui pourtant ne lèse pourtant pas les intérêts de l’Etat, rencontre cependant des résistances de la part des endoctrinés délateurs et trouve échos auprès des juges inquisiteurs.

Conséquence, les responsables du recouvrement à la Direction des impôts veulent aujourd’hui éviter toute procédure avec les débiteurs de l’Etat et donner prétexte à qui que ce soit pour déposer des plaintes et porter de fausses allégations auprès de la Justice. Une justice et des juges dont certains sont à tel point obsédés par la question de la corruption qu’ils réagissent au quart de tour avant de réaliser que les accusations étaient infondées.

Qui pourrait reprocher à ces responsables, leur posture, après les ravages subis par l’Administration publique à cause de l’article 96 ? Une décennie où toutes sortes d’instances et de politiciens incultes n’ont fait que l’enfoncer un peu plus dans la peur et la frilosité. De hautes compétences ont comparu devant des juges d’instruction, dont certains excellent dans l’exercice de l’humiliation, oubliant qu’ils détruisent un principe sacrosaint d’une justice censée être aveugle : l’équité et l’image d’un Etat qui n’a tenu que grâce à son administration malgré toutes ces défaillances !

Ces magistrats qui n’ont pas compris que leur acharnement injustifié dans nombre de cas a instauré une atmosphère de suspicion et de défiance auprès d’une opinion publique qui ne croit plus en rien et en personne et beaucoup de méfiance de la part des décideurs publics lesquels ne décident plus, refusant d’être les dindons d’une farce politique populiste et communicationnelle ayant pour grand titre la lutte contre la corruption.

«Si on va considérer toute tentative d’accélérer le process de révision de la taxation fiscale en mettant face à face administration fiscale et contribuable pour qu’ils confrontent leurs arguments et vérifient ensemble les documents et justificatifs pour corriger si erreur avérée les conclusions d’un dossier fiscal et récupérer nos créances comme un acte de corruption ou de détournement des fonds publics, autant déposer des plaintes et laisser la justice trancher. Nous ne sommes pas prêts à comparaître devant un juge d’instruction à chaque allégation d’origine douteuse, parce que nous essayons de faire correctement notre travail et dans un cadre strictement légal», nous a déclaré un haut cadre du ministère des Finances.

Ceci alors que les finances publiques sont au plus mal, que le FMI a arrêté son programme de soutien à la Tunisie et que compter sur le renflouement des caisses de l’Etat par des sorties sur les marchés internationaux est plus que hasardeux.

Une commission souveraine au ministère des Finances pour trancher sur les dossiers fiscaux litigieux

Pour parer à tout cela, le ministère des Finances a intégré dans le projet de loi complémentaire des Finances l’article 4 portant constitution d’une “commission” composée par décret gouvernemental et présidée par le ministre des Finance ou une personne qui le représente. C’est la Commission chargée du suivi des dossiers et des affaires fiscales. Cette commission, et sur proposition de l’Administration concernée, est chargée de suivre et d’encadrer toutes les procédures touchant à l’impôt, sa récupération et son règlement. Elle a la latitude d’étudier toutes les problématiques en rapport avec l’application de la législation fiscale et de trancher sur les dossiers de règlement et de révision fiscale avant et après la taxation d’office et tant que le jugement rendu n’est pas final. Cette commission souveraine aura ainsi tous les pouvoirs de trancher sur les dossiers fiscaux litigieux et les vérificateurs des services fiscaux ne devront rendre compte que devant leur propre administration si dépassement il y a.

La corruption n’a épargné aucun secteur. Est-ce une raison pour que le corps magistral entre dans une logique considérant systématiquement tout fonctionnaire de l’Etat comme un coupable jusqu’à preuve de son innocence ou chaque tentative d’arbitrage comme un accord vicié ?

Ca n’est certainement pas par hasard qu’Honoré de Balzac a été jusqu’à dire qu’«un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès», dans un contexte où notre justice, elle-même lésée pour nombre de raisons, est lente, complexe et coûteuse.

Il y a 2 ans, nous avons assisté à l’arrestation injuste du directeur général des impôts à cause d’un seul mot écrit sur un document : temporisons. Le but était de prendre le temps d’étudier un dossier en profondeur avant de prendre une décision finale. C’est l’INLUCC qui aurait soumis l’affaire au Pôle judiciaire après une délation (la spécialité de la maison).

Le monsieur a été rapidement relâché pour absence de preuve de corruption mais le mal a été fait. Aucune décision qui puisse l’incriminer même si cela devait faire entrer à l’Etat des milliards de dinars ne sera désormais prise. Quoi de plus normal !

L’article 4 de la loi complémentaire des finances protégera l’administration fiscale du harcèlement des obsédés de la lutte contre la corruption, facilitera le travail des vérificateurs pour qu’ils agissent sans pression, sans peur et dans la sérénité pour le meilleur des arbitrages dans toute affaire opposant l’Etat à un contribuable, et ce afin de protéger les droits des uns et des autres.

Il est triste qu’au 21ème siècle, dans un pays “démocratique“ (sic), on considère qu’il est plus normal de spolier un contribuable en prenant pour prétexte le droit de l’Etat à le surtaxer que de veiller à ce que chaque partie récupère son dû pour plus d’équité fiscale.

Amel Belhadj Ali